I. Rennes, la visionnaire
A l’origine, une vision pour le moins avant-gardiste : celle d’un ancien maire de Rennes, Edmond Hervé (maire de 1977 à 2008), convaincu très tôt de la pertinence d’un métro pour répondre aux besoins de mobilité des habitants de l’agglomération rennaise. Un choix qui à l’époque avait fait l’objet de nombreuses controverses compte tenu du coût d’investissement et des limites inhérentes à ce type de transport (réservé aux zones urbaines denses).
Pourtant, peu de temps après la mise en service du métro automatique, le succès est au rendez-vous : à raison d’une fréquentation moyenne journalière supérieure à 110 000 voyages / jour, la ligne A [16 stations – 8,6 km] totalise à elle-seule plus de 40 % du nombre de voyages enregistrés sur le réseau de transport urbain de l’agglomération rennaise (STAR).
Peu de temps après l’inauguration de la ligne A, les premières études lancées autour du projet de ligne B confirme la pertinence d’une 2ème ligne de métro automatique pour répondre aux besoins de mobilité des habitants de la métropole rennaise à l’horizon 2020 et au-delà.
Comparativement à beaucoup d’autres grandes villes françaises ayant préféré le tramway, ce choix affirmé en faveur du métro automatique continue d’étonner. Pourtant, en y regardant de plus près, c’est un choix adapté à l’organisation atypique de l’agglomération rennaise : la ville « archipel ».
II. Un métro automatique pour voir plus loin
À Rennes, le choix du métro automatique répond en fait à plusieurs particularités urbanistiques et fonctionnelles. D’abord, celle d’une ville centre – Rennes (~ 206 000 habitants) – entourée de communes dont la plus importante compte à ce jour 17 000 habitants répartis sur un territoire d’une superficie inférieure de moitié à celle de Rennes. De fait, le secteur intra-rocades de Rennes constituele seul endroit de l’agglomération justifiant la mise en place d’un mode « lourd ».
L’autre raison qui plaide en faveur du choix d’un métro automatique plutôt qu’un tramway, c’est l’attractivité de la capitale bretonne. 5ème aire urbaine française en taille, Rennes draine chaque jour des dizaines de milliers de bretons venant y travailler, le plus souvent en voiture. Etant donné l’étendue géographique du territoire correspondant, sa densité de population moyenne, et les infrastructures routières offertes aux automobilistes (4 voies gratuites), il serait vain de vouloir lutter contre l’hégémonie de l’automobile en investissement dans des modes lourds de transports collectifs au delà de la rocade. D’autresmoyens de transports sont plus adaptés à ces territoires étendus et peu denses : bus, cars, covoiturage, 2 roues motorisés, etc… L’idée est donc d’investir lourdement dans les transports collectifs là où l’automobile aura de moins en moins sa place à l’avenir : la ville dense.
Comme beaucoup d’autres grandes villes, Rennes peut aussi compter sur le rail,gage de rapidité et de régularité puisque non soumis aux aléas de la congestion automobile. Avec là encore, une particularité : celle d’être au centre d’une étoile ferroviaire à 5 branches, véritable « porte d’entrée » du réseau ferroviaire breton. De fait, le potentiel théorique de report modal vers le train est important sous réserve de disposer de capacités ferroviaires attractives et de pouvoir compter à l’arrivée sur un mode de transport performant permettant d’atteindre les principales zones d’activités et d’emplois en un minimum de temps. C’est là que le choix du métro automatique prend à nouveau tout son sens.
À l’horizon 2020, avec la connexion des 2 lignes de métro à la gare de Rennes, les principales zones d’emplois de la capitale bretonne seront ainsi accessibles en moins de 20′ depuis la gare. Une véritable révolution en perspective qui confortera la gare dans son rôle de pôle d’échange multimodal.
III. Tramway versus métro automatique
En apparence proche, ces deux modes de transport urbains sont en réalité assez différents. Quand l’un évolue en surface, l’autre circule en site propre intégral, à l’intérieur d’un tunnel ou en aérien (viaduc). Cette caractéristique fait qu’en milieu urbain dense, la vitesse commerciale d’un métro automatique est très supérieure à celle d’un tramway. Son site propre intégral permet également d’offrir des fréquences de 1’10 » quand la conduite à vue des tramways en surface la limite à 2’30 » pour des conditions normales d’exploitation. D’un point de vue urbain enfin, c’est un choix évidemment très structurant compte tenu de la densité des quartiers que ce type de transport permet de desservir… ou pas.
Autre atout du métro automatique : l’absence de conducteur à bord. Une caractéristique qui, à long terme, s’avère être économiquement intéressante pour la collectivité comme pour l’usager.
Pour desservir des quartiers moyennement denses en revanche, le tramway est indiscutablement plus adapté qu’un métrocompte-tenu des coûts d’infrastructures moins élevés. Son succès n’est ainsi plus à démontrer dans de nombreuses agglomérations françaises même si parfois, une ligne de bus à haut niveau de service serait mieux adaptée à la fréquentation pour un coût moindre et un service équivalent en termes de fréquence et de temps de parcours.
IV. Un investissement à (très) long terme
En faisant le choix du métro automatique, la capitale bretonne a fait le choix d’un mode de transport urbain très performant pour le futur. Véritables chromosomes électriques du réseau de transport urbain (double correspondance à Gare et St-Anne), les deux lignes de métro automatique devraient faire passer la part des voyages effectués en mode électrique à l’intérieur du noyau urbain de 50 % à ce jour à près de 75 % après la mise en service de la ligne B. La restructuration du réseau bus et l’amélioration des différentes dessertes en transport collectif, en interconnexion avec les nouvelles stations de métro, devraient permettre de franchir la barre des 100 à 120 millions de voyages annuels sur le réseau STAR à l’horizon 2020 (soit 220 à 260 voyages/an/hab).
Un investissement à long terme qui devrait renforcer encore l’attractivité de la capitale bretonne compte tenu du niveau de service offert à l’ensemble des usagers potentiels du réseau STAR.
[1] En 2006, Lausanne (135 000 hab.) lui a ravi le titre.
[ Archive ] – Cet article a été écrit par G. Porcher