La différence de salinité entre l’eau douce et l’eau de mer est l’une des voies explorées pour obtenir de l’énergie renouvelable. Néanmoins, les faibles rendements des techniques actuelles constituent un frein à son utilisation. Ce verrou pourrait être en train d’être levé.
Une équipe menée par des physiciens de l’Institut Lumière Matière (CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec l’Institut Néel (CNRS), a découvert une nouvelle piste pour récupérer cette énergie : l’écoulement osmotique à travers des nanotubes de Bore-Azote permet de générer un courant électrique géant avec une efficacité plus de 1 000 fois supérieure à celle atteinte jusqu’ici.
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont développé un dispositif expérimental très original permettant, pour la première fois, d’étudier le transport osmotique des fluides à travers un nanotube unique. Leurs résultats sont publiés le 28 février dans la revue Nature.
Les phénomènes osmotiques se manifestent lorsque l’on met en contact un réservoir d’eau salée avec un réservoir d’eau douce par l’intermédiaire de membranes semi-perméables adaptées. Il est alors possible de produire de l’électricité à partir des gradients salins. Ceci, de deux façons différentes : d’un côté, la différence de pression osmotique entre les deux réservoirs peut faire tourner une turbine ; de l’autre, l’utilisation de membranes qui ne laissent passer que les ions permet de produire un courant électrique.
Concentrée au niveau des embouchures des fleuves, la capacité théorique de l’énergie osmotique au niveau mondial serait d’au moins 1 Térawatt, soit l’équivalent de 1000 réacteurs nucléaires. Cependant, les technologies permettant de récupérer cette énergie présentent d’assez faibles performances, de l’ordre de 3 Watts par mètre carré de membrane. Les physiciens de l’Institut Lumière Matière (CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec l’Institut Néel (CNRS), pourraient être parvenus à lever ce verrou.
[ © Siria et al. (ILM) A gauche : Insertion d’un nanotube de Bore-Azote dans un trou de 150nm de diamètre grâce à un nanomanipulateur. A droite : Image en microscopie électronique d’un nanotube inséré dans une membrane (transparente en imagerie électronique), selon le schéma de principe proposé pour l’expérience. ]
Leur but premier était d’étudier la dynamique de fluides confinés dans des espaces de taille nanométrique tels que l’intérieur de nanotubes. En s’inspirant de la biologie et des recherches sur les canaux cellulaires, ils sont parvenus, pour la première fois, à mesurer l’écoulement osmotique traversant un nanotube unique. Leur dispositif expérimental était composé d’une membrane imperméable et isolante électriquement. Cette membrane était percée d’un trou unique par lequel les chercheurs ont fait passer, à l’aide de la pointe d’un microscope à effet tunnel, un nanotube de Bore-Azote de quelques dizaines de nanomètres de diamètre extérieur. Deux électrodes plongées dans le liquide de part et d’autre du nanotube leur ont permis de mesurer le courant électrique traversant la membrane.
[ © Siria et al. (ILM). Insertion étape par étape d’un nanotube dans un trou de 150nm de diamètre. ]
En séparant un réservoir d’eau salée et un réservoir d’eau douce avec cette membrane, ils ont généré un courant électrique géant à travers le nanotube. Celui-ci est dû à l’importante charge négative que présentent les nanotubes de Bore-Azote à leur surface, charge qui attire les cations contenus dans l’eau salée. L’intensité du courant traversant le nanotube de Bore-Azote est de l’ordre du nanoampère, soit plus de mille fois celui produit par les autres méthodes cherchant à récupérer l’énergie osmotique.
Les nanotubes de Bore-Azote permettent donc de réaliser une conversion extrêmement efficace de l’énergie contenue dans les gradients salins en énergie électrique directement utilisable. En extrapolant ces résultats à une plus grande échelle, une membrane de 1 mètre carré de nanotubes de Bore-Azote aurait une capacité d’environ 4 kW et serait capable de générer jusqu’à 30 MWheure** par an. Ces performances sont trois ordres de grandeur au-dessus de celles des prototypes de centrales osmotiques en service aujourd’hui. Les chercheurs veulent à présent étudier la fabrication de membranes composées de nanotubes de Bore-Azote, et tester les performances de nanotubes de composition différente.
Ces travaux ont notamment bénéficié des soutiens de l’ERC et de l’ANR.
** Un Watt.heure correspond à l’énergie consommée ou délivrée par un système d’une puissance de 1 Watt pendant une heure
Références : Giant osmotic energy conversion measured in a single transmembrane boron-nitride nanotube, Alessandro Siria, Philippe Poncharal, Anne-Laure Biance, Rémy Fulcrand, Xavier Blase, Stephen Purcell, and Lydéric Bocquet, Nature. 28 février 2013.
voila une piste particulièrement intèressente bonne journèe
3 ordre de granderu d’un coup, bravo! par contre avec le positionnement d’un tube avec la pointe d’un microscope à effet tunnel combien de temps il faut pour équiper le mètre carré de test? et combien d’énergie nécessaire à la fabrication aujourdhui? Comment et quand passer en mode industriel?
Quelqu’un connaitrait-il le volume d’eau (et les proportions d’eau salée et d’eau douce) nécessaire pour faire 1kWh ?
c’était aussi efficace et effectif en « vraie » grandeur…
Pour Passant: dans 1 m3 d’eau salé, 0.8 kW.h récupérable (maxi théorique). Pour Tech: l’idée est plutôt de partir de membrannes top-down (même si 10% de trous bouchés, toujours infiniment moins cher et plus rapide qu’un par un). Problémes: état de pollution et débit des grand fleuves (genre colorado: à sec), donc au final, guère plus qu’un truc d’appoint… là où il reste encore un peu d’eau fraîche pas trop polluée!
Voilà une énergie renouvellable qu’on pourra utiliser massivement pour les nuits sans vent,ou trop faiblement ventées.Evidement près des cotes maritimes,et avec eau douce relative à disposition. Et aussi les journées sans soleil et sans vent(ou trop faibles en vent et soleil),lorsqu’elle sera suffisament industrialisée pour un très grand déploiment.Bon,je sais,on en est pas encore là,loin s’en faut.