L’exploration des propriétés quantiques des matériaux à l’échelle atomique représente un enjeu majeur pour le développement de technologies de pointe. Les scientifiques cherchent constamment à repousser les limites de l’observation et de l’analyse de ces phénomènes microscopiques. Une équipe de chercheurs du Laboratoire national d’Oak Ridge aux États-Unis vient de franchir un cap important dans ce domaine. Leur nouvelle méthode d’observation, baptisée RODAS, pourrait bien redéfinir notre compréhension des matériaux quantiques et accélérer les innovations en informatique et en électronique.
Le système RODAS (Système de détection et d’action rapide sur les objets) combine de manière innovante l’imagerie, la spectroscopie et la microscopie. Cette approche permet de capturer les propriétés des structures atomiques éphémères au moment de leur formation, offrant ainsi un aperçu sans précédent de l’évolution des propriétés des matériaux à l’échelle la plus fine.
Contrairement aux méthodes traditionnelles qui combinent la microscopie électronique à balayage par transmission (STEM) et la spectroscopie des pertes d’énergie des électrons (EELS), RODAS surmonte une limitation majeure. En effet, les techniques classiques présentaient l’inconvénient d’altérer les matériaux analysés en raison du faisceau d’électrons utilisé. RODAS, quant à lui, intègre une imagerie dynamique assistée par vision par ordinateur, utilisant l’apprentissage automatique en temps réel.
Une analyse rapide et non destructive
L’un des atouts majeurs de RODAS réside dans sa capacité à se concentrer uniquement sur les zones d’intérêt lors de l’analyse d’un échantillon. Cette approche ciblée permet une analyse extrêmement rapide, de l’ordre de quelques secondes ou millisecondes, là où les méthodes STEM-EELS classiques nécessitaient parfois plusieurs minutes. Plus remarquable encore, RODAS extrait des informations cruciales sans endommager l’échantillon, un avantage considérable pour la recherche en science des matériaux.
Kevin Roccapriore, auteur principal de l’étude et chercheur au Centre des sciences des matériaux à l’échelle nanométrique d’ORNL, a souligné l’importance de cette avancée : «La compréhension des configurations de défauts s’avère essentielle pour le développement des matériaux de prochaine génération. Dotés de ces connaissances, nous pourrions intentionnellement créer une configuration spécifique pour produire une propriété particulière.» Cette déclaration met en lumière le potentiel de RODAS pour façonner l’avenir des matériaux avancés.
Pour démontrer l’efficacité de leur technique, l’équipe de recherche a choisi d’étudier une monocouche de disulfure de molybdène. Ce matériau semi-conducteur suscite un vif intérêt dans le domaine de l’informatique quantique et des applications optiques. Le disulfure de molybdène présente une particularité fascinante : sa capacité à émettre des photons uniques à partir de défauts appelés lacunes de soufre uniques.
Dans la structure en nid d’abeille de ce matériau, une lacune de soufre unique correspond à l’absence d’un atome de soufre. Ces lacunes peuvent s’agréger, créant ainsi des propriétés électroniques uniques qui rendent le disulfure de molybdène particulièrement intéressant pour les applications technologiques de pointe. L’étude de ces phénomènes à l’échelle atomique permet une compréhension plus fine des propriétés optiques et électroniques des matériaux quantiques.
Une nouvelle ère pour la science des matériaux
La technique RODAS marque un tournant dans le domaine de la caractérisation des matériaux. Elle offre aux chercheurs la possibilité d’explorer en temps réel les relations entre la structure et les propriétés des matériaux. Cette méthode permet de cibler des atomes ou des défauts spécifiques pour les mesurer lors de leur formation, de collecter efficacement des données sur divers types de défauts, et d’identifier de nouvelles classes atomiques ou de défauts en temps réel.
L’application de cette technologie à une monocouche de disulfure de molybdène dopé au vanadium a permis à l’équipe de recherche d’acquérir une compréhension inédite de la formation et de l’évolution des défauts sous exposition au faisceau d’électrons. Cette approche novatrice permet l’exploration et la caractérisation des matériaux dans des états dynamiques, offrant ainsi une connaissance plus approfondie du comportement des matériaux sous divers stimuli.
«Les techniques de science des matériaux telles que la microscopie électronique avancée continuent d’élargir notre compréhension du monde physique, et des systèmes comme RODAS pourraient jouer un rôle crucial dans l’accélération de la découverte et de l’innovation.» a conclu Kevin Roccaprior en soulignant l’impact potentiel de RODAS.
Leur déclaration met en évidence le potentiel de RODAS pour repousser les frontières de la recherche en informatique, en électronique et dans d’autres domaines technologiques de pointe.
Légende illustration : Les mesures de microscopie électronique sont généralement effectuées en collectant tous les points d’une grille 2D. Ici, grâce à l’apprentissage profond en temps réel, seuls les sites d’intérêt sont mesurés (cercles colorés), ce qui permet de mener des expériences sur une bien plus grande variété de matériaux, même ceux qui changent sous le faisceau. Crédit : Kevin Roccapriore et Scott Gibson/ORNL, ministère américain de l’énergie
Article : « Dynamic STEM-EELS for single-atom and defect measurement during electron beam transformations » – DOI: 10.1126/sciadv.adn5899