Stockage intersaisonnier : utiliser l’hiver la chaleur de l’été

Le rapport Poignant-Sido [2] sur la gestion de la pointe électrique en France, paru en Avril 2010, met en évidence la responsabilité du chauffage électrique dans ces consommations électriques extrêmes. Ce système de chauffage a été encouragé par l’état dans les années 70, en lien avec le développement du parc nucléaire et la nécessité pour amortir ses coûts fixes élevés d’une consommation importante d’électricité. La part de chauffage électrique dans le résidentiel est ainsi passée de 2% en 1975 à 32% en 2008 [3].

Un levier essentiel de traitement de la pointe est donc la réduction du taux de pénétration du chauffage par effet Joule. Une possibilité réside dans la généralisation de l’emploi des pompes à chaleur (PAC) et en particulier celles utilisant la géothermie, le sol présentant une température moyenne plus stable que celle de l’air (aérothermie).

Le problème des PAC géothermiques classiques

Les pompes à chaleur géothermiques actuellement proposées sur le marché ont un coefficient de performance (COP) saisonnier affiché aux alentours de 4. Cependant, le COP constructeur est donné sur la base d’une température du sol constante moyennée sur plusieurs années.

En réalité, après la première période hivernale la température du sol a diminué de manière importante. En effet, le fonctionnement de la pompe à chaleur pendant une durée prolongée va utiliser l’énergie contenue dans le sol et donc diminuer sa température. Durant l’été suivant, la température du sol va légèrement remonter grâce à la conduction naturelle, sans pour autant retrouver sa valeur initiale.

Cela signifie que la température du sol au début de l’hiver va globalement diminuer au fil des années. Or le COP d’une pompe à chaleur est directement lié à la différence de température entre la source chaude (le bâtiment) et la source froide (le sol). Ainsi, plus la température du sol est basse et moins la PAC est efficace. La consommation électrique des PAC en période hivernale et donc a fortiori en période de pointe sera donc plus importante que ce qui est annoncé par les constructeurs.

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Une solution possible

Une solution consiste alors à réchauffer le sol pendant l’été jusqu’à la température qu’il avait au début de l’hiver précédent. La température du sol et donc le COP se maintiennent ainsi à des niveaux relativement constants année après année.

On peut pour cela, par exemple, utiliser des pompes à chaleur réversibles. En effet, la climatisation pendant la période estivale permet de transférer de l’énergie du bâtiment vers le sol et donc d’aider le phénomène de conduction naturelle. Cependant, cela implique d’avoir une demande suffisante de climatisation. Ce système n’est donc intéressant que dans le cas de climats continentaux mais également dans tous les bâtiments ayant un besoin important de « froid » tels que les grandes surfaces qui disposent de nombreux réfrigérateurs. A noter que dans ces bâtiments spécifiques, la pompe à chaleur peut également être utilisée directement entre les zones à chauffer (bureaux, vestiaires, …) et celles à refroidir (réfrigérateurs).

Une autre possibilité est d’utiliser des panneaux solaires thermiques. La chaleur qu’ils reçoivent durant l’été est alors stockée dans le sol afin d’aider la conduction naturelle à le réchauffer. Un autre intérêt de ce système concerne le fonctionnement des panneaux solaires thermiques. Habituellement les panneaux sont utilisés pour fournir de la chaleur directement au ballon d’eau chaude mais leur dimensionnement doit alors se faire selon l’apport solaire maximal, dans le but de prévenir toute surchauffe. En utilisant l’énergie solaire en surplus pour réchauffer le sol, on évite un éventuel endommagement des collecteurs et on peut donc utiliser une surface totale de panneaux plus importante ce qui permet en plus une meilleure récupération de l’énergie solaire en hiver.

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Ce système de PAC géothermique couplée à des panneaux solaires thermiques a été breveté sous le nom de « Interseasonal Heat Transfer » (IHT) et est actuellement exploité par l’entreprise londonienne ICAX Ltd. En été, l’énergie solaire est collectée à l’aide de panneaux solaires thermiques ou de collecteurs horizontaux placés sous l’asphalte. Elle est ensuite envoyée dans le sol pour être stockée.

L’hiver suivant, une pompe à chaleur géothermique exploite l’énergie calorifique du sol pour chauffer le bâtiment, idéalement au travers de planchers chauffants qui nécessitent une température de fonctionnement moins élevée que des radiateurs.

Les utilisations simultanées de planchers chauffants et d’un sol à température élevée permettent de maximiser le COP de la pompe à chaleur et par conséquent de diminuer la consommation électrique nécessaire au chauffage du bâtiment. La technologie IHT peut également être utilisée non plus pour chauffer des bâtiments mais des routes ou tarmacs d’aéroports afin d’éviter la formation d’une couche de glace sur la surface goudronnée.

Conclusion

L’implantation en France de ce type de système permettrait de réduire la proportion de notre consommation électrique dédiée au chauffage. L’investissement dans une telle technologie reste à ce jour élevé comparé à un système classique (chaudière au gaz par exemple), mais peut s’avérer rentable après quelques années d’exploitation. Cela sera d’autant plus vrai si une réglementation sur les émissions de CO2 telle la « taxe carbone » venait à entrer en vigueur.

[1] RTE – Le bilan électrique français 2010
[2] Rapport Poignant – Sido : Groupe de travail sur la Maîtrise de la pointe électrique – Avril 2010.
[3] ADEME – Chiffres clés édition 2009
[4] Source RTE

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Matthieu Savina

[ Communiqué ]

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