Alors que l’hydrogène, vecteur énergétique propre, suscite un intérêt croissant, son stockage pose néanmoins des difficultés techniques et économiques considérables. Une équipe internationale de chercheurs a récemment proposé une solution innovante : l’immersion de conduites remplies d’hydrogène au fond des lacs et des réservoirs.
Un stockage économique à grande échelle
L’hydrogène, combustible à combustion propre, présente un potentiel significatif pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. Son stockage reste cependant problématique en raison de sa nature inflammable. Les scientifiques de KAUST en Arabie Saoudite ont calculé que d’immenses quantités d’hydrogène pourraient être entreposées à moindre coût dans des conduites placées au fond des lacs et des réservoirs.
Cette méthode offrirait un avantage considérable par rapport au stockage de l’électricité dans des batteries. «L’hydrogène peut décarboner des secteurs que l’électricité et les batteries ne peuvent pas décarboner, notamment le transport maritime, l’aviation, la production d’acier et la production d’ammoniac» a indiqué Julian Hunt, chercheur au KAUST.
Le dispositif proposé consisterait à stocker l’hydrogène dans des conduites en polyéthylène lestées de gravier. L’élément clé de cette approche réside dans le maintien de l’hydrogène à la même pression que l’eau environnante. Ainsi, la profondeur croissante augmente la pression, accroissant par conséquent la capacité de stockage énergétique des conduites.
Les calculs de l’équipe ont révélé qu’à une profondeur de 200 mètres, le coût de stockage sur la durée de vie du système s’élèverait à 0,17 dollar américain par kilogramme d’hydrogène. Julian Hunt a affirmé que ce coût serait nettement plus avantageux que l’utilisation de conteneurs pressurisés.
Un potentiel de stockage mondial considérable
L’équipe a estimé l’existence de 1 760 lacs et 3 403 réservoirs suffisamment profonds dans le monde pour accueillir un tel système. La capacité de stockage totale de ces plans d’eau atteindrait 12 pétawattheures, soit 40 % de la consommation électrique mondiale annuelle. Plus de 80 % de cette capacité se concentrerait dans les cinq plus grands lacs, dont la mer Caspienne.
Une étude de cas réalisée sur le lac Oroville en Californie, d’une profondeur de 210 mètres, a mis en évidence une capacité de stockage énergétique totale de 86 gigawattheures, suffisante pour alimenter 8 000 foyers pendant une année.
Yoshihide Wada, directeur de l’équipe, a souligné l’importance de surveiller le mouvement des navires sur ces lacs pour garantir l’intégrité des conduites. Il a précisé : «Si un objet volumineux était lâché depuis la surface, ou si un bateau coulait et heurtait le pipeline, les conduites pourraient être endommagées et libérer de l’hydrogène.» Les chercheurs ont toutefois ajouté que tout hydrogène s’échappant remonterait simplement à la surface pour se dissiper inoffensivement dans l’atmosphère.
Bien qu’il n’y ait pas de projet immédiat de construction d’un tel système de stockage d’hydrogène, l’équipe collabore avec Thomas Finkbeiner, un collègue de la KAUST, pour tester un système similaire dans la mer Rouge, qui utilisera de l’air comprimé pour stocker de l’énergie.
Légende illustration : Représentation schématique du système de stockage d’hydrogène dans les lacs et réservoirs proposé par les chercheurs de KAUST (© 2024 KAUST)
Hunt, J.D., Nascimento, A., Romero, O.J., Zakeri, B., Jurasz, J., Dąbek, P.B., Strzyżewski, T., Đurin, B., Filho, W.L., Freitas, M.A.V. & Wada, Y. Hydrogen storage with gravel and pipes in lakes and reservoirs. Nature Communications 15, 7723 (2024).| Article