L’innovation dans le domaine de la chimie verte franchit un nouveau cap. Une équipe internationale de chercheurs a développé une méthode inédite pour transformer le CO2 en produits utiles, en exploitant la synergie entre la lumière visible et l’électrochimie. Cette avancée pourrait avoir des répercussions considérables sur l’industrie chimique.
Les scientifiques ont longtemps cherché à optimiser la réduction électrochimique du CO2, un procédé permettant de transformer ce gaz à effet de serre en composés valorisables. «La réaction est lente et nécessite de grandes électrodes contenant beaucoup de matériaux catalytiques coûteux comme l’or ou le cuivre. Notre laboratoire s’efforce donc d’accélérer le processus afin de réduire la quantité de catalyseur requise, rendant ainsi l’option plus viable pour l’industrie des carburants alternatifs.» a indiqué Prashant Jain, professeur de chimie à l’Université de l’Illinois Urbana-Champaign (USA).
L’étude présente une méthode associant l’action de la lumière visible à des électrodes recouvertes de nanoparticules d’alliage or-cuivre. Cette approche permet d’induire la réduction du CO2 à un rythme nettement supérieur et d’offrir une sélectivité plus contrôlée que les méthodes actuelles.
Un mécanisme d’action innovant
Le fonctionnement de ces nouvelles électrodes a été expliqué par le professeur Jain : «Ces électrodes agissent comme de minuscules antennes qui captent les photons dans la gamme de la lumière visible et les couplent avec la voie de réaction chimique.»
Dans le laboratoire, les électrodes sont immergées dans une solution de CO2, d’eau et d’un électrolyte pour améliorer la conductivité. Une tension est ensuite appliquée à l’électrode tandis qu’un laser de lumière visible illumine sa surface. La réaction résultante produit rapidement du monoxyde de carbone – issu de la scission du CO2 – et de l’hydrogène, provenant de la décomposition des molécules d’eau.
Une découverte inattendue sur la sélectivité chimique
L’équipe de recherche a été surprise de constater que l’utilisation de la lumière visible avait un impact majeur sur la sélectivité chimique. Cette propriété, cruciale en catalyse, représente la capacité d’une réaction chimique à favoriser ou cibler un type de voie ou de molécule plutôt qu’un autre.
Les chercheurs ont observé que la réaction de décomposition de l’eau produisant de l’hydrogène gazeux était sélectivement améliorée par l’utilisation de la lumière. Cette découverte les a incités à poursuivre leurs expériences et à modéliser leurs résultats avec l’aide du professeur George Schatz et du chercheur postdoctoral Sajal Kumar Giri de l’Université Northwestern.
L’importance de cette découverte a été soulignée par le professeur Jain : «Les résultats ont révélé que la lumière visible offre une opportunité unique d’ajuster le rapport entre le monoxyde de carbone et l’hydrogène gazeux produits, un facteur crucial pour la production industrielle de gaz de synthèse.»
Des défis à relever pour l’application industrielle
Malgré l’enthousiasme suscité par ces résultats, l’équipe de recherche doit encore surmonter plusieurs obstacles. L’utilisation répétée de l’électrode à base de nanoparticules entraînera inévitablement une dégradation au fil du temps, en particulier dans un scénario à grande échelle requis pour une application industrielle. De plus, l’efficacité énergétique globale du processus et la gestion de la lumière nécessiteront des recherches et des améliorations supplémentaires.
Les perspectives ouvertes par cette étude ont été précisées par le professeur Jain : «Ce que nous avons découvert présente des façons de penser complètement nouvelles à propos de l’électrochimie et de la catalyse. En utilisant la lumière, nous améliorons l’activité de ce catalyseur, mais de manière surprenante, nous modifions également la sélectivité. Cela ouvrira de nouvelles voies chimiques qui produiront différents produits. Et pourquoi s’arrêter à la réduction du CO2 ou à la décomposition de l’eau ? Cela pourrait s’appliquer à de nombreuses autres réactions catalytiques importantes pour l’industrie chimique.»
Légende illustration : Un matériau stimulé par des impulsions lumineuses pourrait constituer un bond en avant vers des supercalculateurs plus économes en énergie. Crédit : NSF
Article : ‘Switching of electrochemical selectivity due to plasmonic field-induced dissociation’ / ( 10.2196/49061 ) – University of Illinois at Urbana-Champaign, News Bureau – Publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences