Une innovation majeure dans le domaine du dessalement de l’eau de mer vient d’être réalisée par des chercheurs anglais. Leur dispositif, utilisant principalement l’énergie solaire, pourrait transformer l’accès à l’eau potable pour des millions de personnes à travers le monde.
La pénurie d’eau représente un enjeu majeur pour de nombreuses nations côtières et insulaires. Selon le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2024, environ 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Cette situation alarmante souligne l’importance du développement de nouvelles technologies pour générer de l’eau douce.
Les systèmes de dessalement actuels sont conçus pour pomper l’eau de mer à travers des membranes afin de séparer le sel de l’eau. Cependant, ce processus consomme beaucoup d’énergie et le sel s’accumule fréquemment sur la surface du dispositif, obstruant le flux d’eau et réduisant l’efficacité. Par conséquent, un entretien fréquent est nécessité, empêchant un fonctionnement continu.
Une innovation inspirée par la nature
Pour résoudre ce problème, les scientifiques ont puisé leur inspiration dans le cycle naturel de l’eau pour créer un dispositif qui imite le transport de l’eau des racines aux feuilles des arbres. Cette nouvelle technologie permet de dessaler l’eau en continu sans nécessiter d’entretien majeur.
«Notre inspiration provient de l’observation de la façon dont la nature se maintient et dont l’eau s’évapore et se condense dans l’environnement. Le système que nous avons conçu induit l’évaporation de l’eau, la transporte à la surface et la condense dans un cycle fermé, empêchant efficacement l’accumulation de sel qui réduit l’efficacité du dispositif» a indiqué le Dr Michael Tam, professeur au département de génie chimique de Université de Waterloo.
Un dispositif éco-énergétique et performant
Le dispositif, alimenté par l’énergie solaire, convertit environ 93% du rayonnement solaire en énergie, soit cinq fois plus que les systèmes de dessalement actuels. Une production d’environ 20 litres d’eau douce par mètre carré est réalisée, ce qui correspond à la quantité recommandée par l’Organisation mondiale de la santé pour les besoins quotidiens de base en eau potable et en hygiène d’une personne.
L’équipe de recherche, comprenant les doctorants Eva Wang et Weinan Zhao, a fabriqué le dispositif en utilisant de la mousse de nickel recouverte d’un polymère conducteur et de particules de pollen thermoréactives. Ce matériau absorbe la lumière solaire sur tout le spectre du rayonnement solaire pour convertir l’énergie du soleil en chaleur. Une fine couche d’eau salée sur le polymère est chauffée et transportée vers le haut, de manière similaire au déplacement naturel de l’eau dans les capillaires des arbres.
Un fonctionnement continu et sans entretien
Lors de l’évaporation de l’eau, le sel restant est déplacé vers la couche inférieure du dispositif, comme un système de contre-lavage dans une piscine. Ce processus empêche tout blocage potentiel de l’eau et garantit un fonctionnement continu.
Le Dr Yuning Li, professeur au département de génie chimique de Waterloo, a aidé l’équipe de recherche à générer de l’énergie solaire pour le projet en utilisant un testeur solaire pour mesurer les propriétés de captage de la lumière du dispositif. Il a souligné : «Ce nouveau dispositif est non seulement efficace mais aussi portable, ce qui le rend idéal pour une utilisation dans les régions éloignées où l’accès à l’eau douce est limité».
Un prototype du dispositif sera construit par les chercheurs de Waterloo pour être déployé en mer afin de tester la technologie à plus grande échelle. Le Dr Tam a conclu : «Si le test s’avère concluant, la technologie pourra fournir durablement de l’eau douce aux communautés côtières et faire progresser les objectifs de développement durable 3, 6, 10 et 12 des Nations Unies».
Cette innovation pourrait jouer un rôle déterminant dans la résolution de la crise de l’eau émergente, offrant une solution durable et efficace pour produire de l’eau potable à partir de l’eau de mer.
Article : « Thermo-adaptive interfacial solar evaporation enhanced by dynamic water gating » – DOI: s41467-024-50279-z – University of Waterloo – Publication dans la revue Nature Communications