L’antimatière dévoile ses secrets grâce à des avancées technologiques remarquables. Des scientifiques ont réussi à manipuler des atomes exotiques de positronium, offrant de nouvelles possibilités pour explorer la matière et ses mystères.
La composition des atomes ordinaires comprend des protons chargés positivement, des neutrons neutres et des électrons chargés négativement. Le positronium, en revanche, représente une forme atomique atypique. L’association d’un électron négatif à un positron, la contrepartie antimatiérielle de l’électron chargée positivement, caractérise cet atome exotique.
La durée de vie du positronium s’avère naturellement très courte. Néanmoins, une prouesse scientifique a été accomplie par des chercheurs, dont une équipe de l’Université de Tokyo. Des échantillons de positronium ont été refroidis et ralentis grâce à l’utilisation de lasers calibrés avec précision.
L’énigme de l’antimatière manquante dans l’Univers
L’Univers observable se compose principalement de matière ordinaire. Les théories physiques prédisent pourtant qu’au moment du Big Bang, la production de matière et d’antimatière aurait dû être équivalente. L’asymétrie matière-antimatière observée dans l’Univers actuel soulève de nombreuses interrogations.
Le professeur associé Kosuke Yoshioka du Centre de Science Photonique a expliqué : «La physique moderne n’explique qu’une partie de l’énergie totale de l’Univers. L’étude de l’antimatière pourrait nous aider à comprendre cette disparité, et nos dernières recherches marquent une étape importante dans cette direction.»
Le professeur Yoshioka a poursuivi en déclarant : «Le ralentissement et le refroidissement d’atomes exotiques de positronium, composés à 50% d’antimatière, ont été réalisés avec succès. Pour la première fois, l’exploration de ces atomes devient possible de manières auparavant inenvisageables, incluant nécessairement une étude plus approfondie de l’antimatière.»
Bien qu’éphémère, le positronium constitue un système atomique unique. Contrairement à l’atome d’hydrogène doté d’un noyau massif, le positronium se compose uniquement d’un électron et d’un positron en orbite mutuelle. Cette configuration en fait un système à deux corps idéal pour la vérification précise des prédictions théoriques.
Des défis techniques surmontés
Le refroidissement du positronium présentait plusieurs obstacles majeurs. Sa durée de vie extrêmement brève, d’un dix-millionième de seconde, ainsi que sa masse infime, ont nécessité le développement de techniques novatrices.
L’utilisation de lasers finement réglés a été privilégiée par l’équipe du professeur Yoshioka pour ralentir et refroidir les atomes de positronium. Cette méthode a permis d’abaisser la température d’une partie du gaz de positronium à environ 1 degré au-dessus du zéro absolu (-273°C), représentant un refroidissement spectaculaire depuis sa température initiale de 327°C.
Selon le professeur Yoshioka : «Nos simulations informatiques basées sur des modèles théoriques suggèrent que le gaz de positronium pourrait atteindre des températures encore plus basses que celles mesurées actuellement dans nos expériences. L’efficacité de notre laser de refroidissement unique pour réduire la température du positronium est ainsi démontrée, et ces concepts pourront, nous l’espérons, faciliter l’étude d’autres atomes exotiques par les chercheurs.»
Les prochaines étapes de recherche viseront l’utilisation de lasers dans les trois dimensions spatiales, permettant des mesures encore plus précises des propriétés du positronium. Ces expériences pourraient notamment permettre d’étudier l’effet de la gravité sur l’antimatière, offrant potentiellement de nouvelles pistes pour expliquer l’asymétrie matière-antimatière observée dans l’Univers.
Légende illustration : Impression d’artiste du positronium refroidi instantanément dans le vide par une série d’impulsions laser dont la longueur d’onde varie rapidement. ©2024 Yoshioka et al.
Article : ‘Cooling positronium to ultra-low velocities with a chirped laser pulse train’ / ( 10.1038/s41586-024-07912-0 ) – University of Tokyo – Publication dans la revue Nature / 11-Sep-2024