Un capteur d’ammoniac qui a du souffle

L’haleine peut dévoiler bien plus qu’un taux d’alcoolémie. Un ulcère ou un cancer de l’estomac, entre autres. Comment ? Avec un détecteur de gaz portatif utilisable lors d’une visite à la clinique médicale.

Daniel Guay, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS, en collaboration avec Lionel Roué, également professeur au même centre, met au point cet appareil ultrasensible qui permettrait la détection de ces maladies, souvent à un stade précoce. Le « nez électronique » de ce test diagnostic relèvera d’infimes concentrations d’ammoniac, imperceptibles à l’odorat humain. Pourtant, lorsque ce gaz est perçu dans notre souffle, il en révèle beaucoup sur notre état de santé.

Analyser l’haleine des patients pour y détecter la présence de molécules d’ammoniac (NH3) n’est pas une idée nouvelle. À l’hôpital, d’encombrants appareils permettent déjà d’en déterminer les concentrations pour signaler la présence de la bactérie H. Pylori, décelable chez 20 % des Canadiens et responsable de la formation d’ulcères et de certains cancers de l’estomac. Bien que cette technique soit moins invasive qu’une endoscopie avec biopsie, elle comporte certains inconvénients. Elle est longue, coûteuse et nécessite l’expertise de personnel très qualifié. Tout le contraire du test diagnostique qui résulterait des travaux de Daniel Guay.

« Notre idée est de développer un détecteur suffisamment sensible, performant et bon marché pour qu’il puisse s’intégrer dans des dispositifs portables. Avec un tel appareil, un médecin serait capable en quelques minutes de poser sur place un diagnostic fiable sur l’avancement de la maladie, de vérifier l’efficacité de la médication lorsque c’est le cas et d’établir un pronostic », détaille le professeur Guay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en matériaux énergétiques, récemment renouvelée pour une période de cinq années. Grâce à l’obtention d’une subvention de près de 500 000 dollars octroyée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, son équipe et lui auront trois ans pour peaufiner un détecteur d’ammoniac hypersensible.

Un capteur d'ammoniac qui a du souffle

Un fin limier au service de la santé

« Une grande sensibilité est essentielle si on veut que notre détecteur soit utilisé comme outil diagnostique par les professionnels de la santé. Dans le cadre de notre projet, on vise une sensibilité inférieure à une partie par million (ou ppm) », espère Daniel Guay. Les détecteurs actuels perçoivent des concentrations allant jusqu’à 10 ppm. C’est encore trop peu pour détecter des ulcères et certains cancers de l’estomac avant qu’ils ne soient trop avancés. Imaginez : le détecteur redoutable que développera l’équipe de l’INRS devrait être en mesure de « renifler » une molécule de NH3 dans une foule d’un million de molécules. « Atteindre un tel niveau de sensibilité permettrait de détecter les maladies à un stade précoce », assure le chercheur. Pour rendre son capteur hypersensible, il utilisera des détecteurs directs. En d’autres mots, l’ammoniac est oxydé au contact de l’électrode en platine du capteur, et de cette opération résulte un signal électrique qui confirme la présence du gaz.

Afin de favoriser la réaction d’oxydation sur l’électrode, « on réarrange les atomes de platine sur 50 % de sa surface. Cette modification permet d’accroître l’affinité des molécules de NH3 pour la surface du détecteur », explique Daniel Guay. À l’image d’une marina qui agrandit ses quais, cette orientation préférentielle dite de Pt (100) permettra d’offrir plus de pontons d’accostage aux bateaux que sont les molécules de NH3. « Avec cette orientation préférentielle de la surface, le signal électrique généré sera plus important : 5 à 10 fois plus que si les atomes de platine ne sont pas orientés selon cet axe particulier », précise le professeur, qui a peaufiné cette réorganisation au cours des deux dernières années (lire l’article L’alchimiste des temps modernes). Et bien que le platine soit un métal plus cher que l’or, les quantités infimes qui seront utilisées ne souffleront pas la facture. En fait, le capteur sera économique en raison de ses dimensions millimétriques. Selon lui, « cela reviendrait à entre 20 et 40 sous par capteur si on envisage une taille de détecteur de 25 mm2. »

L’ammoniac : du médecin au garagiste

Le détecteur d’ammoniac hypersensible du professeur Daniel Guay ne sera pas qu’utile chez le médecin. Outre le domaine de la santé, il pourra trouver « des applications dans le milieu industriel, comme dans les garages (qualité de l’air) ou les arénas (détection de fuites de réfrigération) », donne-t-il en exemple. La détection précise de NH3 permettrait ainsi de contrôler la ventilation des lieux et de l’activer seulement quand cela s’avère nécessaire. Économique et écologique.

Puis viendra l’étape de la validation de l’efficacité du capteur en conditions réelles. L’alcool, la caféine ou les médicaments interagiront-ils avec l’ammoniac au point d’en brouiller la détection? Quelle sera sa réaction une fois mélangé à du monoxyde de carbone, du soufre ou de la vapeur d’eau? Un partenariat avec Armstrong Monitoring Corporation, une compagnie d’Ottawa spécialisée dans les systèmes de détection de gaz, aidera les chercheurs de l’INRS à répondre à ces questions. On testera notamment les impacts des contaminations croisées avec d’autres molécules.

Si Daniel Guay parvient le premier à mettre au point ce détecteur ultrasensible capable de diagnostiquer pour un faible coût et de manière précoce des maladies parfois mortelles, l’impact sur la santé publique sera indiscutable. Après tout, mieux vaut prévenir que guérir. ?

      

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