Un chercheur de Concordia souhaite exploiter les mégadonnées pour accroître la sécurité des pipelines

Bien que les oléoducs et gazoducs soient devenus des enjeux polarisants au Canada, tant leurs partisans que leurs détracteurs peuvent s’entendre sur la nécessité d’accroître leur sécurité. Les fuites antérieures de pétrole et de gaz peuvent servir à améliorer les futurs pipelines, affirme Fuzhan Nasiri

Malheureusement, les risques de bris et les enjeux de santé connexe sont des problèmes qui continuent de miner l’infrastructure pipelinière nord-américaine. Aux États-Unis seulement, le ministère des Transports (DOT) a enregistré plus de 10 000 défaillances de pipeline depuis 2002. Le coût et l’ampleur des travaux requis pour assurer l’intégrité physique des milliers de kilomètres de pipelines qui sillonnent le Canada et les États-Unis compliquent la mise en œuvre des mesures de sécurité.

Dans un récent article publié dans le Journal of Pipeline Systems Engineering and Practice, des chercheurs de l’Université Concordia et de l’Université polytechnique de Hong Kong se sont penchés sur l’efficacité et les limites des méthodologies utilisées par les experts de l’industrie pour prévoir les bris de pipeline.

« De nombreux codes et pratiques actuels mettent l’accent sur les conséquences d’un bris », explique Fuzhan Nasiri, professeur agrégé au Département de génie du bâtiment, civil et environnemental de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody.

« En cas de défaillance, les enquêteurs examinent les critères de conception du pipeline, mais font souvent abstraction des facteurs opérationnels et des mesures d’entretien qui pourraient être prises pour réduire les risques. »

M. Nasiri, qui dirige le Laboratoire de génie des systèmes énergétiques et d’infrastructure durables, a rédigé l’article en collaboration avec Kimiya Zakikhani, dont il dirige les travaux de doctorat et Tarek Zayed, professeur à la polytechnique de Hong Kong.

Prévenir la corrosion

Les chercheurs ont mis en évidence cinq types de défaillances : les bris mécaniques (liés aux défauts de conception, de matériaux ou de construction), les problèmes opérationnels (dus aux erreurs et aux pannes), les bris attribuables à des phénomènes naturels (comme les séismes, l’érosion, le gel ou la foudre), les défaillances occasionnées par des tiers (c.-à-d. les dommages causés accidentellement ou intentionnellement par un individu ou un groupe de personnes); et enfin, les bris attribuables à la corrosion (détérioration des composants métalliques sous l’effet des facteurs environnementaux, de l’acidité du pétrole et des impuretés contenues dans le gaz). Le dernier type est le plus courant, mais aussi le plus simple à prévenir.

M. Nasiri et ses collèges ont constaté que la documentation universitaire et les pratiques de l’industrie sur les défaillances de pipeline présentent des lacunes en matière de données récentes sur l’entretien. Ils estiment que l’immense volume de données sur les bris de pipeline recueillies par la Hazardous Materials Safety Administration du DOT pourrait servir de complément aux inspections manuelles dans le cadre du processus d’évaluation des pipelines.

Ces modèles prédictifs, basés sur plusieurs décennies de données exhaustives allant du diamètre des pipelines à l’épaisseur du métal en passant par la pression, les écarts de température moyens ainsi que le lieu et l’heure des défaillances, pourraient servir à établir des schémas. Ces derniers pourraient ensuite être mis à profit pour simplifier le processus global d’évaluation de la sécurité et ainsi réduire considérablement les coûts connexes.

« Nous pouvons cerner des tendances à partir des données antérieures, et il y a lieu de penser que ces tendances pourraient nous servir de modèles à l’avenir, si on y intègre des données relatives au climat et aux conditions de fonctionnement. On pourrait alors parler de modèle fondé sur la probabilité, puisque les variables (comme le lieu, les paramètres opérationnels et les conditions climatiques prévues) nous aideraient à prévoir le risque global de corrosion sur une période donnée », affirme M. Nasiri.

Selon lui, ces modèles doivent être homogènes et mis en œuvre à l’échelle de l’industrie afin de pouvoir les transférer en cas de changement de propriétaire et d’orienter les pratiques de l’industrie.

« Il faut que les modèles de prédiction des défaillances fondés sur la théorie soient réalistes. L’utilisation des données antérieures jumelées aux facteurs actuels nous rapproche de la réalité, dit-il. Cela nous permet de combler les lacunes à l’égard des attentes afin que les planificateurs et les opérateurs aient une meilleure idée de ce à quoi ils peuvent s’attendre au cours de la durée de vie de la structure. »

CP
Lien principal : dx.doi.org//10.1061/(ASCE)PS.1949-1204.0000407

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