Dans les sables rouges de Mars, une découverte pourrait changer notre compréhension de la vie dans l’univers. Un échantillon prélevé par le rover Perseverance dans un ancien lit de rivière asséché baptisé « Sapphire Canyon » contient des signatures chimiques qui pourraient être d’origine biologique. Publiée dans Nature, l’étude ne confirme pas la présence de vie ancienne, mais elle ouvre une piste crédible, inédite par sa précision et sa localisation.
Ces minéraux, sur Terre, sont souvent associés à des processus biologiques. La vivianite se forme dans les tourbières ou autour de matière organique en décomposition ; la greigite peut être produite par certaines bactéries. Leur présence conjointe, dans un environnement sédimentaire riche en carbone organique, soufre et phosphore, suggère un potentiel métabolique — une « batterie chimique » que des microbes auraient pu exploiter pour survivre.
« La combinaison de composés chimiques que nous avons trouvée dans la formation Bright Angel aurait pu constituer une source d’énergie riche pour des métabolismes microbiens. Mais le simple fait que nous ayons observé toutes ces signatures chimiques convaincantes dans les données ne signifiait pas que nous avions un biosignature potentiel. Nous devions analyser ce que ces données pouvaient signifier », alerte Joel Hurowitz, scientifique de l’université Stony Brook et auteur principal de l’étude.
Entre espoir et prudence : la rigueur du doute scientifique
La prudence domine les déclarations officielles. Et pour cause : en astrobiologie, toute affirmation doit être étayée par une preuve « extraordinaire », selon la célèbre maxime de Carl Sagan. Les minéraux observés peuvent aussi se former sans vie, par des réactions chimiques abiotiques sous l’effet de températures élevées, d’acidité, ou de catalyseurs organiques. Or, les roches de Bright Angel ne montrent aucune trace de ces conditions extrêmes.
« Les affirmations astrobiologiques, en particulier celles liées à la découverte potentielle d’une vie extraterrestre passée, exigent des preuves extraordinaires. Faire entrer une découverte aussi significative qu’un biosignature potentiel sur Mars dans une publication évaluée par les pairs est une étape cruciale du processus scientifique, car elle garantit la rigueur, la validité et la signification de nos résultats. Et bien que les explications abiotiques de ce que nous observons à Bright Angel soient moins probables compte tenu des résultats de l’article, nous ne pouvons pas les exclure », souligne Katie Stack Morgan, scientifique du projet Perseverance au Jet Propulsion Laboratory (JPL).
La NASA mise sur la transparence. En rendant les données publiques, l’agence invite chercheurs du monde entier à les examiner, les contester, les compléter. Des outils comme l’échelle CoLD (Confidence of Life Detection) ou les Standards of Evidence permettront d’évaluer progressivement la crédibilité de l’hypothèse biologique.
Une chronologie bouleversée, un avenir à creuser
L’une des implications les plus stimulantes de cette découverte concerne la chronologie martienne. Jusqu’ici, les scientifiques supposaient que si la vie avait existé sur Mars, ses traces se trouveraient dans les formations les plus anciennes datant d’une époque où la planète était plus chaude, plus humide. Or, les roches de Cheyava Falls sont parmi les plus jeunes jamais analysées par Perseverance.
Cela suggère que Mars est restée habitable plus longtemps qu’on ne le pensait ou du moins, que les conditions propices à la vie ont persisté tardivement dans son histoire. Et si ces roches « jeunes » contiennent déjà des indices aussi prometteurs, que recèlent les strates plus anciennes, encore plus enfouies, encore plus silencieuses ?
« Sapphire Canyon » fait partie des 27 échantillons de roche prélevés par Perseverance depuis son arrivée en février 2021. Les carottes, soigneusement scellées, attendent d’être ramenées sur Terre lors de la future mission Mars Sample Return, un projet ambitieux, complexe, et coûteux, dont la date de lancement reste incertaine. Ce n’est qu’en laboratoire, avec des instruments bien plus puissants que ceux embarqués sur le rover, que la nature biologique ou non de ces « taches léopard » pourra être tranchée.
L’annonce ne proclame pas la découverte de la vie extraterrestre. Toutefois, pour la première fois, les instruments d’un robot explorateur ont détecté, sur une autre planète, un assemblage chimique et minéralogique qui pourrait être le fruit d’un métabolisme vivant.
Source : NASA