Lancé il y a deux ans par « l’éco-organisme Refashion », le Bonus Réparation textiles et chaussures, intégralement financé par les marques sans soutien public, a déjà soutenu plus de 1,7 million de réparations. Le dispositif privé vise à transformer les habitudes de consommation tout en soutenant une filière fragilisée par le manque de relève.
Contrairement à une idée répandue, le Bonus Réparation n’est pas une aide publique. Ce mécanisme, dont le deuxième anniversaire a été célébré en novembre dernier, fonctionne exclusivement grâce aux contributions des entreprises de la filière mode. Une particularité qui interroge sur les modèles de financement de l’économie circulaire.
Un financement 100 % privé
Le dispositif, géré par l’éco-organisme Refashion, ne reçoit aucun fonds de l’État. Les marques de textile et de chaussures supportent l’intégralité des coûts, à hauteur de treize millions d’euros distribués aux consommateurs depuis son lancement. Cette approche crée un lien direct entre les producteurs et les conséquences environnementales de leurs produits.
Des résultats tangibles après deux ans
Avec 21,6 millions de pièces réparées en 2024, les chiffres témoignent d’une adoption croissante. Plus de quinze cents réparateurs sont désormais labellisés, permettant la prise en charge de plus d’un million sept cent mille interventions. Initialement limité aux vêtements et chaussures, le bonus couvre désormais l’ensemble des produits textiles, y compris la lingerie et le linge de maison.
La répartition des activités reflète la structure des métiers. Les cordonniers réalisent 83 % des réparations éligibles, contre 17 % pour les retoucheurs. « Nous observons une montée en puissance continue, portée par un écosystème mobilisé et par une demande croissante des consommateurs », explique Elsa Chassagnette, responsable du Fonds Réparation chez Refashion.
Une filière en quête de relève
Malgré cette dynamique, la profession reste fragile. Seuls 27 % des artisans considèrent leur métier comme un avenir professionnel, selon une étude menée auprès de 625 retoucheurs et cordonniers et 3028 individus représentatifs. L’âge moyen atteint cinquante-trois ans, et le manque de formation spécialisée constitue un obstacle majeur.
Les artisans labellisés affichent pourtant de meilleures performances. Leur activité a progressé de 13,2 % l’an dernier, contre 2,3 % pour les non-labellisés. Plus de 72% déclarent avoir gagné de nouveaux clients grâce au dispositif.
Côté consommateurs, la notoriété s’améliore : un Français sur deux connaît désormais l’existence du bonus. Les principaux freins identifiés restent le prix des réparations, la qualité initiale des articles et l’accessibilité géographique des ateliers.
La ville de Roubaix, berceau de la formation
Pour répondre au défi de la transmission des savoir-faire, Refashion soutient la création de l’École de la Réparation à Roubaix. Installée dans la Manufacture Tissel, cette structure propose un cursus complet articulé autour de trois modules :
- Artisanat Sneaker et textile (670 heures)
- Design et Mode (150 heures)
- Culture professionnelle (250 heures)
La formation, rémunérée, vise spécifiquement des jeunes éloignés des parcours classiques. Elle s’accompagne d’un mois de stage et d’un suivi social individualisé.
Parallèlement, l’éco-organisme appuie la création d’un diplôme de « couturier réparateur » porté par Fashion Green Hub. Ces initiatives complètent le dispositif du bonus, qui agit sur le court terme en incitant à la réparation, tandis que la formation prépare l’avenir de toute une filière.
Le chemin reste long pour ancrer durablement la réparation dans les habitudes françaises. Mais le modèle hybride développé par Refashion – combinant incitation financière immédiate et investissement dans la formation – pourrait servir de référence pour d’autres secteurs de l’économie circulaire.












