Le pari d’une informatique quantique à grande échelle vient de franchir un cap décisif. La start-up britannique Quantum Motion annonce avoir livré au National Quantum Computing Centre (NQCC) le tout premier ordinateur quantique « full-stack » fabriqué, du processeur aux circuits de contrôle, selon les procédés industriels classiques de la micro-électronique sur tranche de 300 mm. En tenant dans trois baies 19 pouces, la machine promet une densité de qubits inédite et, surtout, une reproductibilité compatible avec la production de masse.
Les qubits de Quantum Motion reposent sur la technologie dite « spin-silicium », où l’information est portée par le spin d’électrons confinés dans des transistors proches de ceux des puces actuelles. L’approche tranche avec les architectures supraconductrices ou à ions piégés, plus délicates à industrialiser. « C’est le moment silicium de l’informatique quantique. L’annonce d’aujourd’hui démontre qu’il est possible de construire un ordinateur quantique robuste et fonctionnel en utilisant la technologie le plus modulable au monde, avec la capacité d’être produit en masse », affirme James Palles-Dimmock, directeur général de l’entreprise.
Une installation taillée pour les centres de données
Le système installé au NQCC se compose d’un processeur quantique (QPU) bâti sur une architecture en « tuiles » répétables, chacune regroupant les fonctions de logique, de lecture et de contrôle, d’un réfrigérateur à dilution compact intégré directement dans la baie et, enfin, de l’électronique cryogénique mise au point par la jeune pousse pour gouverner les qubits à très basse température.
Compatible avec les cadres logiciels Qiskit et Cirq, l’ensemble vise les développeurs déjà familiers des librairies open-source. Dr Michael Cuthbert, directeur du NQCC, se félicite de cette diversité d’écosystèmes : « Notre équipe est impatiente de tester la plateforme pour voir comment des applications réelles pourront se mapper sur cette architecture silicium ».
Cap sur le million de qubits
Quantum Motion affiche une feuille de route ambitieuse car chaque tuile de qubits peut être copiée à l’identique, ouvrant la voie à « des millions de qubits par puce », seuil jugé nécessaire pour la correction d’erreurs et la calculabilité dite « utile ». Le projet SiQEC, financé par UK Research & Innovation, vise précisément à démontrer cette correction d’erreurs en environnement silicium. En parallèle, la société participe à la Quantum Benchmarking Initiative (QBI) de la DARPA, signe d’un intérêt transatlantique pour son procédé.
Lord Vallance, ministre britannique des Sciences, salue l’étape franchie : « Cette nouvelle forme d’ordinateur quantique développée par Quantum Motion rapproche cette technologie révolutionnaire d’une viabilité commerciale – ce qui pourrait aider la santé en accélérant la découverte de médicaments ou l’énergie propre en optimisant les réseaux électriques ».
Une course mondiale qui s’accélère
En optant pour la voie CMOS, Quantum Motion mise sur un avantage industriel avec des chaînes d’approvisionnement éprouvées, une densité élevée et une co-intégration facilitée avec l’électronique classique. Reste à transformer l’essai comme faire grimper la fidélité des portes logiques, maintenir la cohérence des qubits et automatiser le calibrage, une tâche où l’entreprise revendique déjà des avancées grâce à l’apprentissage automatique embarqué.
Si les premiers tests valident la robustesse de l’architecture, le NQCC pourrait devenir la vitrine d’un quantique « plug-and-play » pour les centres de données. Les regards se tourneront alors vers la capacité de Quantum Motion, et de ses concurrentes, à tenir la cadence d’un marché encore embryonnaire mais convoité, où la maîtrise du silicium pourrait bien rebattre les cartes.
Soruce : Quantum Motion