La fusion nucléaire, source d’énergie durable et productive, est au cœur des recherches scientifiques actuelles. Les efforts déployés pour maîtriser cette technologie, en particulier le projet ROLF dirigé par le Dr Tobias Dornheim, vise à affiner la compréhension théorique de la compression de l’hydrogène, un jalon crucial pour l’avènement des centrales à fusion commerciales.
La fusion nucléaire : un défi technologique
La fusion des noyaux d’hydrogène représente une option prometteuse pour générer une source d’énergie durable et productive sur Terre. La mise en œuvre de ce processus nécessite des conditions extrêmes, avec des pressions et des températures très élevées. La technologie actuelle envisage l’utilisation de puissants lasers pour induire la fusion nucléaire, connue sous le nom de « fusion par confinement inertiel ».
Le Dr Tobias Dornheim, du Centre for Advanced Systems Understanding (CASUS) au Helmholtz-Zentrum Dresden Rossendorf (HZDR), dirige le projet ROLF (Röntgenlaser-Optimierung der Laserfusion) qui vise à améliorer la compréhension théorique de la compression de l’hydrogène.
Le projet, soutenu par l’Union européenne via le « Just Transition Fund » et le Land de Saxe, pourrait permettre de concevoir des expériences de fusion laser de manière plus ciblée, écartant ainsi la méthode d’essai et d’erreur.
La matière dense et chaude : un état de la matière clé
Les pressions et températures nécessaires pour la fusion sont obtenues en comprimant une capsule initialement très froide remplie des isotopes d’hydrogène, le deutérium et le tritium.
Lors de la réaction de fusion, l’hydrogène atteint temporairement un état particulier, celui de la matière dense et chaude (WDM). Ce domaine, situé entre la matière condensée et le plasma chaud, est l’expertise de Tobias Dornheim. À la fin de l’année 2022, le jeune chercheur a reçu un « Starting Grant » du Conseil européen de la recherche, d’une valeur de près de 1,5 million d’euros. Son équipe développe actuellement des méthodes d’apprentissage automatique pour une description théorique fiable de la WDM, un défi pratique pour le projet de transition structurelle.
Optimisation de la compression par laser
« Un des principaux problèmes de la fusion par laser est d’atteindre une compression stable avec l’impulsion laser », explique Tobias Dornheim. Il est essentiel que la capsule de combustible implose de manière aussi uniforme que possible, sans instabilités, pour maximiser la quantité de combustible fusionné et l’énergie utilisable libérée. Pour cela, une meilleure compréhension du comportement de la WDM est nécessaire.
La matière dense et chaude, présente dans les cœurs des planètes et des étoiles, est étudiée expérimentalement dans des installations de recherche de grande envergure, telles que la ligne de faisceau internationale Helmholtz pour les champs extrêmes (HIBEF) à l’European XFEL et le National Ignition Facility (NIF) aux États-Unis. L’équipe de Tobias Dornheim collabore avec ces institutions, et le projet ROLF intervient précisément dans l’amélioration des méthodes expérimentales d’analyse de la fusion par laser, notamment la diffusion Thomson des rayons X (XRTS).
La diffusion des rayons X : un outil diagnostique essentiel
Pour le diagnostic par diffusion des rayons X, une source de rayons X est dirigée vers un échantillon. Les changements d’énergie des photons déviés dans l’échantillon sont mesurés et utilisés pour déduire les propriétés du matériau. Jusqu’à présent, l’évaluation des données mesurées reposait sur une série d’approximations non contrôlées.
L’équipe de CASUS a démontré qu’une évaluation précise des données est possible sans simulations ni modèles, en utilisant la transformée de Laplace. Le projet ROLF prévoit de créer un logiciel open-source pour rendre cette méthode d’évaluation accessible à tous les experts en fusion laser. L’objectif est également de développer la méthode pour déterminer d’autres variables pertinentes, telles que la densité ou le degré d’ionisation de la WDM.
Contributions du HZDR à la fusion par laser
Récemment, le ministère fédéral allemand de l’Éducation et de la Recherche (BMBF) a présenté un nouveau programme de financement pour la recherche sur la fusion. L’objectif est de jouer un rôle décisif dans le défi international de parvenir à un fonctionnement économique d’une centrale à fusion.
Un document de position du BMBF publié récemment souligne la nécessité de « diagnostics raffinés pour valider les codes et modèles ». Le professeur Sebastian M. Schmidt, directeur scientifique du HZDR, se réjouit de l’approbation du financement pour le projet CASUS : « Avec HIBEF, CASUS et nos lasers de haute puissance DRACO et PENELOPE, le HZDR est idéalement placé pour apporter des contributions significatives à la recherche sur la fusion par laser. Nous pouvons décrypter les processus fondamentaux qui ouvrent la voie à l’application. »
Le Fonds de transition juste (FJT) est un instrument de financement de l’Union européenne qui bénéficie principalement aux régions dépendantes de la houille et du lignite. Un total de 375 millions d’euros est disponible pour la partie saxonne de la région minière de lignite de Lusace. Bien que la plupart des fonds soient réservés au soutien de l’économie dans les zones les plus touchées par les changements structurels, les institutions universitaires peuvent également demander un financement pour des projets de recherche et de développement. CASUS a ainsi pu obtenir un financement à 100 % de plus de 700 000 euros pour ROLF via la directive de financement « Research InfraProNet 2021 – 2027 ».