Dans un contexte où les technologies électroniques à usage unique génèrent des quantités considérables de déchets, une solution innovante semble émerger pour répondre aux préoccupations environnementales. Une équipe d’ingénieurs britanniques a récemment conçu un système sans microprocesseur qui pourrait transformer la manière dont les objets sont identifiés et surveillés. Leurs travaux posent la question suivante : est-il possible de concilier fonctionnalité avancée et durabilité écologique dans le domaine des étiquettes intelligentes ?
Les chercheurs de l’Université de Glasgow ont mis au point une nouvelle génération d’étiquettes sans fil capables d’identifier des objets tout en mesurant leur température. Contrairement aux étiquettes RFID traditionnelles, ces dispositifs n’intègrent pas de puces électroniques. Les ingénieurs ont opté pour une combinaison de matériaux simples et peu coûteux : des bobines compactes et un matériau sensible composé de caoutchouc de silicone, appelé PDMS, ainsi que des fibres de carbone. Ces bobines, plus petites que celles présentes dans les cartes bancaires, absorbent des signaux électromagnétiques émis par un lecteur portatif.
Le développement de cette technologie repose sur une approche minimaliste visant à réduire les déchets électroniques. L’équipe a réussi à concevoir des étiquettes légères et flexibles, adaptées à diverses applications pratiques. Selon les scientifiques, ces dispositifs permettent non seulement d’identifier des produits, mais aussi de fournir des données en temps réel sur des paramètres physiques tels que la température ou l’humidité.
Applications potentielles dans le secteur alimentaire et médical
Ces étiquettes sans puce se distinguent par leur capacité à détecter des variations thermiques comprises entre 20°C et 110°C. Cette plage de fonctionnement couvre les besoins critiques du secteur agroalimentaire et des applications médicales. En effet, elles peuvent être utilisées pour surveiller la fraîcheur des aliments ou garantir des conditions optimales de stockage pour certains produits sensibles. Les tests réalisés en laboratoire montrent que ces capteurs réagissent rapidement aux changements de température, nécessitant seulement quelques secondes pour enregistrer des variations significatives.
En outre, plusieurs étiquettes peuvent être lues simultanément par un même appareil, quelle que soit leur distance par rapport au lecteur. Cette caractéristique pourrait s’avérer particulièrement utile dans des environnements industriels où des centaines de produits doivent être contrôlés en continu. «Développer des étiquettes de détection sans fil est essentiel pour surveiller la température tout au long des chaînes d’approvisionnement, notamment dans les domaines de la sécurité alimentaire et des applications médicales« , a souligné Dr Mahmoud Wagih. Ce dernier ajoute que l’absence de microprocesseurs pourrait réduire considérablement les coûts ainsi que la production de déchets électroniques.
Un processus de fabrication accessible et évolutif
La simplicité des matériaux employés et la facilité de fabrication représentent des atouts majeurs pour la diffusion de cette technologie. Selon Dr Benjamin King, co-auteur de l’étude publiée dans Advanced Science, «la nouvelle technologie développée utilise des matériaux bon marché et largement disponibles». Il précise que les étiquettes peuvent être produites grâce à un procédé simple et évolutif, ce qui favoriserait leur adoption à grande échelle.
Grâce à leur conception modulaire, ces dispositifs pourraient également trouver leur place dans des secteurs tels que la santé ou les vêtements intelligents. Dans ce dernier cas, ils permettraient de surveiller discrètement les signes vitaux des porteurs, offrant ainsi de nouvelles opportunités pour le suivi médical ambulatoire. Par ailleurs, leur coût modéré — associé à des lecteurs portatifs accessibles pour moins de 100 £ — rend leur déploiement envisageable pour de nombreuses industries.

Un impact environnemental atténué
Chaque année, plus de 10 milliards d’étiquettes RFID sont utilisées dans le monde, principalement dans le secteur de la vente au détail. La majorité de ces dispositifs ne servent qu’une seule fois avant d’être jetés, souvent sans recyclage adéquat de leurs composants électroniques. Face à cette problématique, les étiquettes conçues par l’équipe de Glasgow apparaissent comme une alternative durable. Leur conception simplifiée limite drastiquement la quantité de déchets générés tout en conservant des performances élevées.
Les chercheurs espèrent que leur innovation incitera les entreprises à adopter des solutions plus respectueuses de l’environnement. En remplaçant progressivement les étiquettes RFID traditionnelles, cette technologie pourrait contribuer à réduire l’empreinte écologique des systèmes d’identification actuels.
Légende illustration : tag intelligent – crédit U. Glasgow
Article : « Large-Area Conductor-Loaded PDMS Flexible Composites for Wireless and Chipless Electromagnetic Multiplexed Temperature Sensors », publié dans Advanced Science. DOI: 10.1002/advs.202412066