Une guêpe parasitoïde du genre Eriborus, arrivée accidentellement d’Asie, s’attaque efficacement aux larves de la pyrale du buis en Europe. Des chercheurs de CABI, du Muséum d’histoire naturelle de Bâle et de l’Université nationale de Séoul ont documenté des taux de parasitisme atteignant 68% dans certains peuplements sauvages allemands. Leurs travaux, publiés début novembre dans CABI Agriculture and Bioscience, offrent une perspective inédite pour sauver les buis menacés d’extinction écologique. L’arrivée fortuite de cet insecte pourrait transformer la lutte contre l’un des ravageurs invasifs les plus dévastateurs du continent.
Le printemps 2024 marque un tournant inattendu dans la bataille contre Cydalima perspectalis. Un spécimen adulte d’Eriborus sp. est capturé dans un jardin botanique de Bâle, première détection confirmée de ce parasitoïde sur le continent européen. L’insecte n’a pourtant pas été introduit volontairement : il serait arrivé clandestinement, probablement avec des plants de buis importés d’Asie orientale. Les analyses morphologiques et moléculaires ont confirmé que les individus suisses et allemands appartiennent à la même espèce que celle observée en Corée du Sud, où elle parasite naturellement la pyrale du buis.
Au printemps 2025, les relevés effectués dans le nord-ouest de la Suisse et le sud-ouest de l’Allemagne révèlent que la guêpe s’est solidement implantée. Les taux de parasitisme observés atteignent des sommets inespérés : 68% dans un site allemand, 32% en Suisse. Marc Kenis, responsable de l’analyse des risques et de l’écologie des invasions à CABI et auteur principal de l’étude, explique : « Ce parasitoïde est probablement arrivé de manière involontaire il y a quelques années avec l’importation de plants de buis d’Asie de l’Est. » Il précise : « Cydalima perspectalis menace sérieusement la survie des Buxus spp. sauvages européens, et très peu d’options de contrôle sont actuellement disponibles. »
Une lutte biologique accidentelle
L’histoire d’Eriborus sp. s’inscrit dans une série grandissante d’introductions fortuites de prédateurs naturels qui régulent des espèces invasives. Les chercheurs citent plusieurs exemples récents en Europe : Trissolcus japonicus, qui s’attaque à la punaise diabolique Halyomorpha halys, ou encore Leptopilina japonica, parasitoïde de la drosophile à ailes tachetées Drosophila suzukii. Le coléoptère Ophraella communa, dévoreur d’ambroisie à feuilles d’armoise, figure également parmi ces auxiliaires involontaires.

La guêpe profite de l’abondance considérable de son hôte dans les territoires envahis pour s’établir et se disperser. Sa biologie facilite grandement son expansion : une seule larve parasitée ou un cocon importé sur un buis suffit potentiellement à fonder une population viable. Le phénomène ouvre des perspectives inédites pour la lutte biologique classique, y compris en Amérique du Nord où la pyrale menace désormais les buis ornementaux et pourrait s’attaquer aux espèces indigènes au Mexique et dans les Caraïbes.
Des vérifications nécessaires avant généralisation
L’enthousiasme doit néanmoins être tempéré par la question de la spécificité de la guêpe vis-à-vis de sa cible. Avant d’envisager une distribution intentionnelle d’Eriborus sp. en Europe, en Asie occidentale ou en Amérique du Nord, il faudra s’assurer qu’elle n’affecte pas d’autres papillons de nuit indigènes. Lukas Seehausen, chercheur en analyse des risques et écologie des invasions à CABI et co-auteur de l’article, souligne : « Il reste à voir si l’espèce est suffisamment spécifique pour éviter des effets non ciblés sur les papillons natifs. »
Les premiers tests en quarantaine se révèlent encourageants, mais la présence naturelle du parasitoïde dans les forêts suisses et allemandes offre une opportunité unique d’évaluer son spectre d’hôtes réel. Les équipes scientifiques prévoient de collecter une grande variété de chenilles présentes au bon endroit et au bon moment pour déterminer si elles sont parasitées par Eriborus sp.
La nature a peut-être trouvé une solution là où les interventions humaines peinaient à produire des résultats. Si les études de spécificité confirment l’innocuité du parasitoïde pour les espèces natives, son expansion pourrait être encouragée, voire répliquée sur d’autres continents. Dans le cas contraire, les populations sauvages de buis européens devront leur survie à un coup de chance remarquable avec l’arrivée au bon moment d’un allié microscopique capable de contenir, sinon d’éradiquer, l’une des menaces les plus pressantes pesant sur leur avenir.
Article : « Will an accidentally introduced parasitoid save European box trees ? » – DOI : 10.1079/ab.2025.0081
Source : CABI











