Pour tenter de comprendre et maîtriser les supraconducteurs, une équipe internationale de chercheurs a mis au point une nouvelle méthode pour créer et manipuler une classe largement étudiée de supraconducteurs à haute température.
Les supraconducteurs, lorsqu’ils sont refroidis à une température critique, sont en mesure de conduire l’électricité sans résistance ni perte d’énergie. Ces matériaux ont fasciné les physiciens pendant des décennies car ils sont capable d’atteindre un état de conductivité parfaite, permettant à un courant électrique de circuler indéfiniment. La plupart des supraconducteurs ne présentent cette particularité qu’à des températures extrêmement basses, à quelques degrés au-dessus du zéro absolu, ce qui les rend impraticables.
Le nouveau travail, publié dans Science, décrit des expériences qui ont découlé de calculs théoriques, comme ceux d’une équipe de Rutgers dirigée par Jedediah Pixley, professeur associé au Département de Physique et d’Astronomie de l’École des Arts et des Sciences de Rutgers.
Des prédictions confirmées
Les expériences ont confirmé les prédictions de Jedediah Pixley et Pavel Volkov, qui était à l’époque chercheur postdoctoral au Rutgers Center for Materials Theory.
Ces prédictions, basées sur des modèles mathématiques que les chercheurs ont conçus pour représenter le comportement physique quantique sous-jacent, ont projeté comment les supraconducteurs de cuprate se comporteraient s’ils étaient placés à proximité dans des configurations spécifiques et à des angles variables.
Les supraconducteurs dans notre quotidien
Les supraconducteurs sont déjà utilisés aujourd’hui. Depuis les années 1970, les scientifiques ont utilisé des aimants supraconducteurs pour générer les puissants champs magnétiques nécessaires au fonctionnement des machines d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les trains à lévitation magnétique utilisant cette technologie ont été introduits dans les années 1980. Plus récemment, les scientifiques ont exploité la puissance des aimants supraconducteurs pour guider les faisceaux d’électrons dans des dispositifs expérimentaux tels que les synchrotrons et les accélérateurs.
Dans le futur, les scientifiques envisagent un monde où des réseaux électriques ultra-efficaces, des puces informatiques ultra-rapides et économes en énergie, et même des ordinateurs quantiques sont alimentés par de nouveaux types de matériaux supraconducteurs.
Des expériences prometteuses
Les nouvelles expériences qui ont validé les idées de Pixley et Volkov ont été menées par une équipe de l’Université Harvard dirigée par le professeur et physicien Philip Kim.
« Nous avons pris deux supraconducteurs de cuprate – des matériaux déjà intéressants – et, en les plaçant ensemble et en les tordant de manière précise, nous avons créé quelque chose d’autre qui était très intéressant : un autre supraconducteur qui pourrait avoir de nombreuses applications technologiques », a précisé Jedediah Pixley, un théoricien de la matière condensée.
En raison de ses propriétés uniques, le nouveau supraconducteur est un candidat prometteur pour le premier diode supraconductrice à haute température du monde, essentiellement un interrupteur qui contrôle le flux de courant électrique, ont déclaré les chercheurs. Un tel dispositif pourrait potentiellement alimenter des industries naissantes telles que l’informatique quantique, qui s’appuient sur des phénomènes éphémères produits dans des matériaux comme les supraconducteurs.
Vers de nouvelles expériences
Jedediah Pixley, qui a rejoint la faculté de Rutgers en 2017, a obtenu son doctorat en étudiant les conditions impliquées dans la production de supraconductivité dans des matériaux non conventionnels. La dernière recherche étend le domaine de la «twistronique», qui implique de tordre des couches plates de matériaux bidimensionnels pour produire des effets physiques au niveau subatomique qui sont observables à l’échelle macroscopique.
« Il sera très excitant d’étendre ces expériences à d’autres configurations de supraconducteurs – des monocouches tordues et quelques multicouches tordues de supraconducteurs à de petits angles de torsion », a ajouté Jedediah Pixley.
Les autres chercheurs de l’étude comprenaient des scientifiques de l’Université de Colombie-Britannique, du Laboratoire national de Brookhaven, de l’Institut Leibniz pour la recherche sur les solides et les matériaux en Allemagne, de l’Université nationale de Séoul en Corée du Sud et de l’Institut national pour la science des matériaux au Japon.
Article : « Time-reversal symmetry breaking superconductivity between twisted cuprate superconductors » – DOI: DOI: 10.1126/science.abl8371