Comprendre comment la Terre génère son champ magnétique est une question qui intrigue les chercheurs depuis des décennies. Bien que les mécanismes de base soient connus, nombreux sont les détails qui restent à élucider. Une équipe internationale de scientifiques propose une nouvelle méthode de simulation qui pourrait éclairer les mystères du noyau terrestre. Cette avancée pourrait non seulement enrichir notre connaissance de la géophysique mais aussi influencer les technologies de demain.
Une collaboration entre le Centre for Advanced Systems Understanding (CASUS) à Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR), les Sandia National Laboratories aux États-Unis, et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en France a donné naissance à une méthode de simulation prometteuse. Leur approche ne se contente pas de modéliser le comportement des atomes; elle inclut également les propriétés magnétiques des matériaux. Publiés dans la revue PNAS, leurs résultats montrent comment cette méthode pourrait non seulement améliorer notre compréhension du géodynamo, mais aussi contribuer au développement de technologies comme le calcul neuromorphique pour des systèmes d’IA plus efficaces.
Le Géodynamo et la protection de la Terre
Le champ magnétique terrestre joue un rôle essentiel dans la protection de la planète contre les radiations cosmiques et le vent solaire. Il est généré par l’effet géodynamo. Attila Cangi, chef du département de conception de matériaux par apprentissage automatique au CASUS, a déclaré : « Nous savons que le noyau de la Terre est principalement composé de fer. »
Le noyau externe, en état liquide, et le noyau interne, solide, sont soumis à des conditions de température et de pression qui varient avec la profondeur. Les courants de convection et la rotation terrestre entraînent le fer liquide autour du noyau interne, créant ainsi des courants électriques générateurs du champ magnétique.
De nombreuses questions subsistent concernant la structure exacte du noyau et l’impact des autres éléments présents. Svetoslav Nikolov, chercheur principal à Sandia National Laboratories, a noté : « Les expériences suggèrent que le noyau contient plus que du fer ».
Les simulations informatiques menées jusqu’ici, en supposant un noyau pur en fer, ne concordent pas avec les mesures expérimentales.
Une nouvelle approche de la simulation
La méthode de dynamique spin-moléculaire développée par l’équipe combine la dynamique moléculaire, qui modélise le mouvement des atomes, avec la dynamique spin, qui prend en compte les propriétés magnétiques.
Julien Tranchida, physicien au CEA, a souligné : « En combinant ces deux méthodes, nous avons pu étudier l’influence du magnétisme sous des conditions de haute pression et haute température à des échelles de longueur et de temps inaccessibles auparavant. »
Cette approche a permis de simuler le comportement de deux millions d’atomes de fer et leurs spins, éclairant ainsi l’interaction dynamique entre les propriétés mécaniques et magnétiques. L’intelligence artificielle fut utilisée pour déterminer avec précision les champs de force, nécessitant des ressources de calcul intensif.
Applications au-delà de la Géophysique
Outre les applications géophysiques, cette méthode pourrait accélérer le développement de technologies avancées. Cangi envisage d’utiliser leur technique pour modéliser des dispositifs de calcul neuromorphique, inspirés par la structure du cerveau humain, visant à exécuter des algorithmes d’IA de manière plus rapide et économe en énergie.
Le stockage des données constitue une deuxième piste de recherche intéressante : Les domaines magnétiques le long de minuscules nanofils pourraient servir de supports de stockage plus rapides et plus efficaces sur le plan énergétique que les technologies conventionnelles. « Il n’existe actuellement aucune méthode de simulation précise pour l’une ou l’autre de ces applications », explique M. Cangi. « Mais je suis convaincu que notre nouvelle approche peut modéliser les processus physiques requis d’une manière si réaliste que nous pourrons accélérer de manière significative le développement technologique de ces innovations informatiques ».
Légende illustration : La Terre a une structure en forme de coquille. Elle est divisée en un noyau (noyau interne et noyau externe), un manteau (manteau inférieur et manteau supérieur, séparés par une zone de transition) et la croûte terrestre. Crédit : B. Schröder/HZDR/NASA/Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studi
Article : ‘Probing iron in Earth’s core with molecular-spin dynamics’ / ( 10.1073/pnas.2408897121 ) – Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf – Publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences