Les avancées technologiques dans le domaine de l’intelligence artificielle ouvrent de nouvelles possibilités pour la modélisation moléculaire. Une équipe de chercheurs a développé une approche novatrice utilisant des réseaux neuronaux pour résoudre des équations complexes liées aux états des molécules.
Des scientifiques de l’Imperial College London et de Google DeepMind ont publié une étude dans la revue Science, présentant une solution basée sur l’intelligence artificielle pour modéliser les états des molécules. Cette technique s’appuie sur les réseaux neuronaux, une forme d’IA inspirée du fonctionnement du cerveau humain.
L’objectif principal de cette recherche est de résoudre les équations fondamentales dans les systèmes moléculaires complexes. Les applications potentielles sont nombreuses, notamment dans le domaine de la conception de nouveaux matériaux et de la synthèse chimique. Les chercheurs pourront ainsi effectuer des simulations informatiques avant de procéder à des expériences en laboratoire.
Les défis de la modélisation des états excités
L’étude s’est concentrée sur la compréhension des transitions moléculaires vers et depuis les «états excités». Ces états se produisent lorsque les molécules et les matériaux sont soumis à une grande quantité d’énergie, comme une exposition à la lumière ou à des températures élevées. Dans ces conditions, les électrons adoptent temporairement une nouvelle configuration.
La quantité exacte d’énergie absorbée et libérée lors de ces transitions crée une empreinte unique pour chaque molécule et matériau. Ce phénomène influence les performances de diverses technologies, allant des panneaux solaires aux LED, en passant par les semi-conducteurs et les photocatalyseurs. De plus, il joue un rôle crucial dans les processus biologiques impliquant la lumière, tels que la photosynthèse et la vision.
Cependant, la modélisation de cette empreinte énergétique s’avère extrêmement complexe. En effet, les électrons excités obéissent aux lois de la mécanique quantique, ce qui signifie que leurs positions au sein des molécules ne peuvent être exprimées qu’en termes de probabilités.
L’apport des réseaux neuronaux
Pour relever ce défi, l’équipe de recherche a développé une nouvelle approche mathématique associée à un réseau neuronal appelé FermiNet (Fermionic Neural Network). Ce dernier représente la première utilisation de l’apprentissage profond pour calculer l’énergie des atomes et des molécules à partir de principes fondamentaux, avec une précision suffisante pour être exploitable.
Le Dr David Pfau, chercheur principal de Google DeepMind et du Département de Physique de l’Imperial College, a précisé : «La représentation de l’état d’un système quantique est extrêmement difficile. Une probabilité doit être attribuée à chaque configuration possible des positions des électrons. L’espace de toutes les configurations possibles est énorme – si l’on essayait de le représenter sous forme de grille avec 100 points le long de chaque dimension, le nombre de configurations électroniques possibles pour l’atome de silicium serait supérieur au nombre d’atomes dans l’univers. C’est précisément là que nous avons pensé que les réseaux neuronaux profonds pourraient aider.»
Des résultats prometteurs
L’équipe a testé son approche sur divers exemples, obtenant des résultats encourageants. Pour une molécule petite mais complexe appelée dimère de carbone, ils ont atteint une erreur absolue moyenne (MAE) de 4 meV (milliélectronvolt – une mesure infime d’énergie). Cette précision est cinq fois supérieure aux résultats expérimentaux obtenus par les méthodes de référence antérieures, qui atteignaient 20 meV.
Le Dr Pfau a ajouté : «Nous avons testé notre méthode sur certains des systèmes les plus complexes en chimie computationnelle, où deux électrons sont excités simultanément, et nous avons constaté que nous étions à environ 0,1 eV des calculs les plus exigeants et les plus complexes effectués à ce jour.»
L’équipe de recherche a décidé de rendre son travail open source, dans l’espoir que la communauté scientifique s’appuiera sur ces méthodes pour explorer de nouvelles façons dont la matière interagit avec la lumière.
Article : ‘Accurate Computation of Quantum Excited States with Neural Networks’ / ( 10.1126/science.adn0137 ) – Imperial College London – Publication dans la revue Science / 23-Août-2024