Le besoin croissant de batteries lithium-ion pour alimenter nos appareils de tous les jours pose des questions éthiques et écologiques sur l’extraction de leurs composants, en particulier le cobalt. Comment concilier cette demande avec une gestion responsable des ressources naturelles ? Une réponse innovante émerge des laboratoires de recherche, proposant une nouvelle méthode de séparation des métaux essentiels aux technologies de stockage d’énergie.
Une approche innovante pour la séparation des métaux
Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont mené une étude en collaboration pour élaborer une technique plus sûre et durable permettant d’extraire les éléments indispensables aux technologies alimentées par batterie. Leurs découvertes permettent d’obtenir de la valeur à partir de matériaux qui, autrement, seraient considérés comme des déchets.
Le professeur Eric Schelter, qui dirige ce projet, a souligné l’importance de la source des matériaux constituant les batteries. Il a déclaré : « Peut-être que beaucoup d’entre nous ont lu à quel point les batteries lithium-ion sont essentielles pour les technologies de stockage d’énergie. Mais la manière dont on obtient ces matériaux peut poser des problèmes, tant sur le plan éthique qu’environnemental. »
Le cobalt, largement utilisé dans les batteries lithium-ion, provient principalement de la République démocratique du Congo, fournissant environ 70% du cobalt mondial. Les conditions d’extraction de ce métal soulèvent de nombreuses préoccupations, notamment en raison de la dégradation environnementale et des conditions de travail dangereuses. Le Pr. Schelter a noté que l’exploitation minière à grande échelle perturbe les écosystèmes, peut contaminer les approvisionnements en eau, et laisse des dommages environnementaux durables. De plus, il prévoit une pénurie imminente de cobalt qui pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales avec la croissance continue de la demande en technologies de batterie.
Une solution pour une séparation sélective
Traditionnellement, le cobalt est extrait en tant que sous-produit du nickel par des méthodes hydrométallurgiques comme le lessivage acide et l’extraction par solvant. Ces procédés, très énergivores, produisent des quantités importantes de déchets dangereux. Afin de contourner ces difficultés, les chercheurs ont développé une technique de séparation chimique basée sur les différences de densité de charge et de liaison entre deux complexes moléculaires : le complexe de cobalt (III) hexammine et le complexe de nickel (II) hexammine.
« La chimie de la séparation se concentre souvent sur la manifestation des différences entre les éléments à séparer », a expliqué le Pr. Schelter. « Dans ce cas, nous avons identifié des conditions où l’ammoniac, simple et peu coûteux, se lie différemment aux complexes de nickel et de cobalt hexammine. »
En ajoutant un anion spécifique, comme le carbonate, dans le système, ils ont créé une structure moléculaire solide qui provoque la précipitation du complexe de cobalt, laissant le complexe de nickel en solution. Cette méthode permet non seulement d’obtenir des métaux de haute pureté — 99,4% pour le cobalt et plus de 99% pour le nickel — mais évite également l’usage de solvants organiques et d’acides corrosifs, couramment utilisés dans les méthodes traditionnelles de séparation.
L’analyse techno-économique et le cycle de vie
Dirigée par Marta Guron, l’équipe a réalisé une analyse techno-économique et une évaluation du cycle de vie de leur méthode. Les résultats montrent que le coût de production du cobalt purifié est estimé à 1,05 $ par gramme, bien inférieur aux 2,73 $ par gramme associés à d’autres procédés de séparation. Le Pr. Schelter a souligné que l’accent était mis sur la minimisation des coûts chimiques tout en utilisant des réactifs facilement disponibles, rendant leur méthode potentiellement compétitive avec les technologies existantes.
L’analyse du cycle de vie a révélé que l’élimination des produits chimiques organiques volatils et des solvants dangereux permettait de réduire significativement les risques pour l’environnement et la santé, avec des scores au moins dix fois meilleurs que les méthodes traditionnelles en termes de potentiel de formation de smog et de toxicité humaine par inhalation.
Grâce à cette nouvelle approche de séparation, le Pr. Schelter envisage d’explorer de nombreuses applications futures, même pour d’autres problèmes de séparation de métaux. Il a conclu : « Basé sur l’ensemble unique de principes de reconnaissance moléculaire que nous avons identifiés, je pense que nous pouvons étendre ce travail dans de nombreuses directions. Nous pourrions l’appliquer à d’autres problèmes de séparation de métaux, poussant finalement à une innovation plus large dans la chimie durable et la récupération de matériaux. »
Légende illustration : Alors que la demande de batteries lithium-ion augmente avec la prolifération des téléphones portables, des véhicules électriques et même des stimulateurs cardiaques, les composants clés de ces centrales électriques, comme le cobalt, sont confrontés à d’importantes préoccupations éthiques et environnementales liées à leur extraction. Aujourd’hui, Eric Schelter, de la School of Arts & Sciences, et ses collègues ont mis au point une solution plus sûre et plus durable pour séparer le cobalt des minerais ou des matériaux recyclés par précipitation. (Image : Boyang (Bobby) Zhang)
Article : « A sustainable cobalt separation with validation by techno-economic analysis and life-cycle assessment » – DOI: 10.1016/j.chempr.2024.10.028
Source : U. Penn