L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique transforment rapidement notre capacité à prédire des phénomènes complexes. Une nouvelle approche émerge, combinant algorithmes et matériel physique pour des prévisions ultra-efficaces énergétiquement.
Le 1er octobre, l’Université Technique d’Ilmenau lance un groupe de recherche junior qui explorera des algorithmes de calculs optimisés. Contrairement aux approches traditionnelles, l’implémentation de ces algorithmes ne se fera pas comme logiciels sur des ordinateurs conventionnels, mais directement dans du matériel physique.
L’initiative vise à permettre des prédictions dans divers domaines comme la médecine, le trafic ou le climat, tout en étant extrêmement économe en énergie. La Fondation Carl Zeiss finance ce projet à hauteur de 1,3 million d’euros sur cinq ans, dans le cadre de son programme Nexus soutenant les jeunes scientifiques talentueux.
L’efficacité énergétique : un impératif pour l’avenir du numérique
Les systèmes à dynamique complexe sont omniprésents dans la nature et notre quotidien : le cœur humain, les modèles de trafic, les systèmes météorologiques ou le climat global en sont des exemples. La prédiction de l’évolution de ces phénomènes représente un enjeu considérable pour anticiper et prévenir les développements indésirables.
Cependant, la tâche s’avère ardue. La complexité de ces systèmes est extrême, leurs processus souvent chaotiques et difficiles à calculer. De plus, les données de mesure disponibles sont fréquemment insuffisantes.
La demande croissante d’algorithmes prédictifs précis soulève un problème majeur : la consommation énergétique des appareils électroniques effectuant ces calculs. La révolution numérique s’accompagne d’une augmentation constante des besoins en énergie, entraînant des émissions accrues de gaz à effet de serre.
Des projections scientifiques indiquent que dans environ 10 ans, la production mondiale d’électricité pourrait ne plus suffire à couvrir les besoins énergétiques du matériel informatique. Face à ce constat alarmant, l’efficacité énergétique devient primordiale dans un monde de plus en plus numérisé.
Une approche novatrice : le « reservoir computing »
Dr. Lina Jaurigue, responsable du groupe de recherche junior, a déclaré : « Le développement d’algorithmes de calcul efficaces est réalisé par notre équipe. Leur implémentation ne se fait pas comme logiciels sur un ordinateur conventionnel, mais peut être réalisée avec du matériel physique. Au lieu de devoir relier logiquement tous les changements irréguliers d’un système, comme c’était le cas auparavant, l’exploitation des propriétés non linéaires inhérentes aux éléments physiques pour les algorithmes est privilégiée. Cette approche est beaucoup plus économe en énergie. »
L’équipe base ses travaux sur le « reservoir computing », une approche d’apprentissage automatique issue de l’intelligence artificielle. Cette méthode utilise des réseaux fixes, larges et agissant de manière aléatoire comme réservoir pour effectuer des calculs. Par exemple, le système dynamique servant de réservoir pourrait être un réseau d’oscillateurs micromécaniques ou un laser à semi-conducteurs avec rétroaction optique – deux options très efficaces énergétiquement.
Vers des algorithmes compacts et adaptés
Actuellement, la capacité prédictive des grands réservoirs est principalement analysée statistiquement, rendant l’interprétation des algorithmes difficile. Les jeunes chercheurs dirigés par Dr. Lina Jaurigue, 35 ans, mèneront leurs investigations théoriques sur de petits systèmes en utilisant des méthodes de dynamique non linéaire.
La chercheuse a expliqué : « L’acquisition de connaissances sur les mécanismes sous-jacents des algorithmes et l’identification des propriétés nécessaires pour faire de bonnes prédictions sont nos objectifs. La taille et la complexité du réservoir entraîné pourront ensuite être réduites autant que possible, aboutissant à un algorithme compact adapté à ses tâches.«
Les travaux de recherche de Lina Jaurigue et son équipe permettront le développement de dispositifs de périphérie extrêmement économes en énergie, basés sur le matériel, pour une large gamme d’applications industrielles, médicales et scientifiques. Ces composants matériels se situent à la frontière de la numérisation du monde physique.
Parmi les applications potentielles, des appareils compacts fournissant aux patients diabétiques des prédictions précises de leur glycémie sont envisagés, ainsi que des systèmes prédisant l’usure de pièces d’usure ou la défaillance de machines entières.
Légende illustration : Le nouveau groupe de recherche rend possible l’utilisation de dispositifs de pointe extrêmement efficaces sur le plan énergétique et basés sur le matériel pour une grande variété d’applications.
Article publié dans la revue : « Machine Learning, Science and Technology » – DOI: journal/2632-2153