Vers une transmission de données accélérée grâce à la lumière

Des scientifiques de l’EPFL et du KIT ont atteint des transmissions de données de l’ordre du térabit avec une seule fréquence optique en utilisant des peignes de fréquence miniaturisés. Cette découverte s’annonce prometteuse pour les futurs systèmes de communication ultrarapide.

Une lumière laser continue est faite d’une fréquence unique, c’est-à-dire d’une seule couleur. Celle-ci peut néanmoins être divisée en lignes équidistantes, soit ce que l’on nomme « peigne de fréquence optique ».

En pratique, ce phénomène pourrait donner lieu à un flux simultané de données dans des câbles optiques, ce qui augmenterait fortement les vitesses de transmission actuelles. Les peignes de fréquence optique sont en effet capables de diffuser des données sur des centaines de canaux de longueurs d’onde séparés, l’idéal pour éviter tout risque d’engorgement dans les centres de données et autres réseaux de communication. Un article publié dans Nature Photonics annonce même que des chercheurs de l’EPFL et de l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT) ont montré que ces peignes pouvaient atteindre des vitesses de transmission de données de 1.44 térabit/sec sur près de 300 km.

Lorsqu’une fréquence lumineuse d’un laser est placée dans un micro-résonateur optique, il devient possible de la convertir en « peigne de fréquence optique », soit en série de lignes spectrales très denses dont les intervalles sont identiques et connus. Celles-ci représentent la fréquence optique originale placée dans le micro-résonateur, plus des centaines d’autres fréquences.

Ces peignes peuvent être employés comme règles optiques pour des mesures très précises et sont actuellement exploités dans de nombreux domaines différents, comme les horloges atomiques et la spectroscopie de haute précision. Ils n’ont toutefois jamais été utilisés pour la transmission de données, car leur développement se révèle beaucoup trop cher et encombrant.

Or, l’équipe de Tobias Kippenberg de l’EPFL et celle de Christian Koos de l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT) ont démontré en exclusivité qu’un peigne de fréquence optique miniaturisé pouvait être utilisé pour transmettre des données avec une capacité accrue. Pour ce faire, les scientifiques du KIT ont incorporé un système de transmission de données à un micro-résonateur optique conçu par l’équipe de Kippenberg. Des guides d’ondes faits de nitrure de silicium ont ensuite été utilisés pour coupler la lumière et la conduire dans un cercle où elle a été stockée pendant un certain temps.

L’intensité élevée du laser ainsi confiné génère un peigne de fréquence appelé peigne de Kerr, doté d’une large bande passante. Contrairement à ses semblables, celui-ci présente des lignes (donc des fréquences optiques) très espacées entre elles, qui correspondent aux intervalles des canaux de données nécessaires aux communications. Ainsi, les « dents » du peigne de Kerr pourraient servir de porteurs aux canaux de données. Cette technique est susceptible d’être appliquée au multiplexage de longueurs d’onde, qui combine de multiples signaux de données pour une transmission par fibre optique unique. Ce système souffre cependant d’une évolutivité limitée, car il requiert un laser par signal. Or, cette nouvelle étude a démontré qu’un peigne de Kerr pouvait être utilisé pour améliorer le multiplexage de longueurs d’onde, car il n’a besoin que d’un seul laser pour transmettre plusieurs signaux de données, ce qui permettrait de mieux exploiter les bandes passantes disponibles.

Les scientifiques ont ainsi eu recours à un peigne de Kerr pour transmettre un flux de données de 1.44 térabit par seconde sur une distance de 300 km. Cette méthode répond en outre aux critères stricts qui régissent l’amplitude du transporteur optique et sa stabilité de phase, impératifs requis par les formats de modulation avancés des systèmes les plus modernes de transmission de données.

La diffusion térabit de données au moyen d’un peigne de fréquence optique pourrait accroître considérablement les taux de transmission actuels, ce système étant susceptible de multiplier la quantité de canaux avec un seul peigne de fréquence comme micro-résonateur. Cette étude prouve pour la première fois que les peignes de fréquence optique miniaturisés peuvent être employés pour une transmission cohérente de données, et qu’ils sont capables de répondre à des exigences très élevées en matière de communication multitérabit. Les chercheurs tentent désormais de dépasser les 20 lignes de peigne de Kerr qu’ils ont utilisées ici comme canaux de transmission.

Cette étude a été réalisée par l’Institut de photonique et l’électronique quantique et l’Institut de technologie des microstructures du KIT, en collaboration avec le Laboratoire de photonique et mesures quantiques de l’EPFL. Les puces du micro-résonateur ont été fabriquées grâce aux installations du CMi (Centre de Micro-Nano-Technologies de l’EPFL).

Source

Pfeifle J, Brasch V, Lauermann M, Yu Y, Wegner D, Herr T, Hartinger K, Schindler P, Li J, Hillerkuss D, Schmogrow R, Weimann C, Holzwarth R, Freude W, Leuthold J, Kippenberg TJ, Koos C. Coherent terabit communications with microresonator Kerr frequency combs. Nature Photonics 2014. DOI: 10.1038/NPHOTON.2014.57

         

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