Dans un monde confronté à des défis environnementaux, sociaux et économiques sans précédent, une équipe internationale de scientifiques publie une étude révélatrice qui souligne l’urgence d’aligner la volonté politique, les ressources économiques et les valeurs sociétales pour assurer un avenir plus durable et équitable.
Menée par des chercheurs de l’Université d’Hawaï à Mānoa, cette étude réunit 18 auteurs combinant leurs expertises dans des domaines aussi variés que les sciences de la Terre et des océans, la politique, le droit, la santé publique, les énergies renouvelables, la géographie, la communication et les études ethniques. Leur objectif ? Évaluer les causes, les impacts et les solutions aux multiples crises mondiales auxquelles l’humanité est confrontée.
« Le changement climatique, la destruction écologique, les maladies, la pollution et les inégalités socio-économiques sont des défis mondiaux pressants auxquels l’humanité doit faire face au 21ème siècle », indique Chip Fletcher, auteur principal et doyen par intérim de l’École des sciences de l’océan et de la Terre de l’UH Mānoa. « Ces crises ne sont pas des problèmes isolés, mais sont étroitement liées, s’exacerbent mutuellement et créent des effets de rétroaction amplificateurs qui représentent une grave menace pour l’environnement et le bien-être humain. »
David Karl, co-auteur et professeur d’océanographie à l’UH Mānoa, souligne que «la santé environnementale et la santé humaine sont inextricablement liées. Une action urgente et globale est nécessaire, notamment une décarbonation rapide, le développement d’une relation plus harmonieuse avec la nature et un développement humain équitable.»
Les auteurs affirment que des siècles d’impérialisme, de capitalisme extractif et de croissance démographique ont poussé les écosystèmes terrestres au-delà de leurs limites, créant un schéma d’inégalités sociales grandissant. Bien que résumant les graves menaces pesant sur la planète, l’étude rejette une philosophie fataliste. Au contraire, ces menaces devraient motiver des actions rapides et substantielles.
Selon les auteurs, un modèle économique mondial axé sur l’accumulation de richesses et les profits, plutôt que sur une véritable durabilité, constitue un obstacle majeur à la décarbonation, à la préservation des ressources naturelles et à l’équité sociale. Ils plaident donc pour que les gouvernements imposent des réductions radicales et immédiates de l’utilisation des combustibles fossiles, éliminent les subventions nuisibles à l’environnement et restreignent le commerce générant pollution ou consommation non durable.
Les populations les plus vulnérables payent le prix fort
Les populations humaines les plus vulnérables, celles qui portent la moindre responsabilité, subissent de manière disproportionnée les conséquences de ces crises mondiales interconnectées. Ce schéma grandissant d’inégalités engendre déplacements, maladies, désillusion et mécontentement, érodant in fine la cohésion sociale.
Une répartition extrêmement inégale des richesses, couplée à l’augmentation de la consommation d’une classe moyenne mondiale en pleine expansion, amplifie la destruction écologique. Des études montrent que la moitié la plus pauvre de la population mondiale ne possède qu’à peine 2% de la richesse totale, tandis que les 10% les plus riches en détiennent 76%. Les 50% les plus pauvres ne contribuent qu’à 10% des émissions, alors que les 10% les plus riches émettent plus de 50% des émissions totales de carbone. Changement climatique, inégalités économiques et niveaux de consommation croissants s’entremêlent pour amplifier la destruction écologique.
Les biomes marins et terrestres font face à des points de basculement critiques, tandis que les défis croissants en matière d’accès à l’eau et à l’alimentation laissent présager des perspectives sombres pour la sécurité mondiale. Les conséquences de ces actions sont supportées de manière disproportionnée par les populations vulnérables, renforçant davantage les inégalités mondiales.
Vers une relation de parenté avec la nature
« Pour éviter ces conséquences, nous préconisons un changement culturel mondial qui élève la parenté avec la nature et le bien-être communautaire, sous-tendu par la reconnaissance des ressources finies de la Terre et de l’interconnexion de ses habitants », explique Krista Hiser, professeure d’anglais au Kapiolani Community College de l’Université d’Hawaï.
Les auteurs se réjouissent des signes montrant que l’humanité est intéressée à changer son système de valeurs pour prioriser la justice et la réciprocité au sein des sociétés humaines et entre les humains et les paysages et écosystèmes naturels, qu’ils considèrent comme la meilleure voie vers une véritable durabilité.
Selon Phoebe Barnard, professeure affiliée à l’Université de Washington, « l’impératif est clair : pour nous éloigner de ce précipice, nous devons collectivement mobiliser la volonté politique, les ressources économiques et les valeurs sociétales afin de nous orienter vers un avenir où le progrès humain ne se fait pas au détriment de l’intégrité écologique et de l’équité sociale. »
Les auteurs appellent à un changement culturel mondial des valeurs, aidé par l’éducation, des politiques robustes, des incitations économiques, des partenariats intersectoriels, l’autonomisation des communautés, la responsabilité des entreprises, l’innovation technologique, le leadership et des récits culturels véhiculés par l’art et les médias. Ils concluent que l’humanité doit cesser de traiter ces problèmes comme des défis isolés et établir une réponse systémique basée sur la parenté avec la nature, reconnaissant la Terre comme notre navire de vie dans l’océan cosmique de l’espace.
Légende illustration : La pollution, le changement climatique et les inégalités sont des défis mondiaux urgents. Crédit : Kouji Tsuru via Unsplash.
Article : « Earth at risk: An urgent call to end the age of destruction and forge a just and sustainable future » – DOI: 10.1093/pnasnexus/pgae106