Dans le domaine de l’impression 3D, une nouvelle méthode permet de créer des structures hybrides, combinant des éléments rigides et souples. Cette avancée pourrait notamment servir à la fabrication de pinces robotiques capables de manipuler des objets lourds tout en étant suffisamment douces pour interagir en toute sécurité avec les humains.
Cette technologie, développée par des chercheurs du MIT, de la start-up Inkbit et de l’ETH Zurich, repose sur l’utilisation de milliers de buses déposant de minuscules gouttelettes de résine, lissées puis durcies à la lumière UV.
Une technologie qui élargit le champ des possibles
Le processus de lissage peut toutefois poser problème avec des résines qui durcissent lentement, limitant ainsi les types de matériaux utilisables. Pour pallier ce problème, les chercheurs ont mis au point un système d’impression 3D à jet d’encre qui fonctionne avec une gamme de matériaux beaucoup plus large.
Leur imprimante utilise une vision par ordinateur pour scanner automatiquement la surface d’impression 3D et ajuster en temps réel la quantité de résine déposée par chaque buse, afin d’éviter les surépaisseurs ou les manques de matière.
IMG1 (H-G) : Un rendu montre le processus d’impression de la main robotisée, les sphères blanches représentant le matériau utilisé par l’imprimante. Crédit : Moritz Hocher
IMG2 (H-D) : Les chercheurs ont produit une main robotisée fonctionnelle, actionnée par les tendons, qui comporte 19 tendons actionnables indépendamment, des doigts souples avec des coussinets de capteurs et des os rigides qui supportent la charge.
IMG3 (Bas) : Les chercheurs ont utilisé leur système d’impression pour créer des dispositifs robotiques complexes combinant des matériaux souples et rigides. Comme l’imprimante comporte 16 000 buses, le système peut contrôler les moindres détails de l’appareil en cours de fabrication. Ce rendu montre des objets qui ont été fabriqués à moitié par l’imprimante.
Comme ce système ne nécessite pas de pièces mécaniques pour lisser la résine, il fonctionne avec des matériaux qui durcissent plus lentement que les acrylates traditionnellement utilisés en impression 3D. Certains matériaux à durcissement plus lent peuvent offrir de meilleures performances que les acrylates, comme une plus grande élasticité, durabilité ou longévité.
De plus, le système automatique effectue les ajustements sans interrompre ou ralentir le processus d’impression, rendant cette imprimante de production environ 660 fois plus rapide qu’un système d’impression 3D à jet d’encre comparable.
Des applications concrètes et prometteuses
Les chercheurs ont utilisé cette imprimante pour créer des dispositifs robotiques complexes qui combinent des matériaux souples et rigides. Par exemple, ils ont fabriqué une pince robotique entièrement imprimée en 3D, en forme de main humaine et contrôlée par un ensemble de tendons renforcés mais flexibles.
« Notre idée clé ici était de développer un système de vision par machine et une boucle de rétroaction totalement active. C’est presque comme si on dotait une imprimante d’un ensemble d’yeux et d’un cerveau, où les yeux observent ce qui est imprimé, et puis le cerveau de la machine dirige ce qui doit être imprimé ensuite », indique Wojciech Matusik, professeur d’ingénierie électrique et d’informatique au MIT.
Des matériaux qui reviennent à leur état d’origine
Grâce à cette nouvelle technologie, les chercheurs de l’ETH Zurich ont réussi pour la première fois à imprimer en une seule fois une main robotisée avec des os, des ligaments et des tendons composés de différents polymères.
« Nous n’aurions pas pu fabriquer cette main avec les polyacrylates à polymérisation rapide que nous utilisions jusqu’à présent pour l’impression 3D », décrit Thomas Buchner, doctorant dans le groupe de Robert Katzschmann, professeur de robotique à l’ETH Zurich, et premier auteur de l’étude. « Nous utilisons maintenant des polymères thiolènes à polymérisation lente. Ils ont de très bonnes propriétés élastiques et reviennent à leur état d’origine beaucoup plus rapidement que les polyacrylates ».
Les polymères thioléniques sont donc idéaux pour produire les ligaments élastiques de la main robotisée.
En outre, la rigidité des thiolènes peut être réglée avec précision pour répondre aux exigences des robots souples. « Les robots en matériaux souples, comme la main que nous avons développée, présentent des avantages par rapport aux robots conventionnels en métal. Comme ils sont souples, ils présentent moins de risques de blessures lorsqu’ils travaillent avec des humains et ils sont mieux adaptés à la manipulation de marchandises fragiles », explique M. Katzschmann.
Scanner au lieu de gratter
Les imprimantes 3D produisent généralement des objets couche par couche : des buses déposent un matériau donné sous forme visqueuse en chaque point ; une lampe UV polymérise ensuite immédiatement chaque couche. Les méthodes précédentes impliquaient un dispositif qui grattait les irrégularités de la surface après chaque étape de durcissement. Cette méthode ne fonctionne qu’avec les polyacrylates à durcissement rapide. Les polymères à durcissement lent, tels que les thiolènes et les époxydes, gommeraient le racloir.
En synthèse
Cette nouvelle technologie d’impression 3D ouvre des perspectives intéressantes pour la création de structures hybrides. En permettant l’utilisation de matériaux à durcissement plus lent et en optimisant le processus d’impression, elle pourrait trouver de nombreuses applications, notamment dans le domaine de la robotique.
Les chercheurs envisagent déjà d’utiliser le système pour imprimer avec des hydrogels, utilisés dans les applications d’ingénierie tissulaire, ainsi qu’avec des matériaux en silicone, des époxy et des types spéciaux de polymères durables. Ils souhaitent également explorer de nouveaux domaines d’application, tels que l’impression de dispositifs médicaux personnalisables, de tampons de polissage pour semi-conducteurs, et même de robots plus complexes.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que l’impression 3D hybride ?
L’impression 3D hybride est une méthode qui permet de créer des structures combinant des éléments rigides et souples. Elle peut être utilisée pour fabriquer des dispositifs robotiques complexes, comme des pinces capables de manipuler des objets lourds tout en étant suffisamment douces pour interagir en toute sécurité avec les humains.
Quels sont les avantages de l’impression 3D à jet d’encre ?
L’impression 3D à jet d’encre permet d’utiliser une gamme de matériaux beaucoup plus large que les méthodes traditionnelles. Elle utilise une vision par ordinateur pour scanner automatiquement la surface d’impression 3D et ajuster en temps réel la quantité de résine déposée par chaque buse, ce qui permet d’éviter les surépaisseurs ou les manques de matière.
Quels types de matériaux peuvent être utilisés avec cette technologie ?
Cette technologie d’impression 3D peut fonctionner avec des matériaux qui durcissent plus lentement que les acrylates traditionnellement utilisés en impression 3D. Certains de ces matériaux peuvent offrir de meilleures performances, comme une plus grande élasticité, durabilité ou longévité.
Quelles sont les applications potentielles de cette technologie ?
Les chercheurs ont utilisé cette technologie pour créer des dispositifs robotiques complexes qui combinent des matériaux souples et rigides. Ils envisagent également de l’utiliser pour imprimer avec des hydrogels, utilisés dans les applications d’ingénierie tissulaire, ainsi qu’avec des matériaux en silicone, des époxy et des types spéciaux de polymères durables.
Qu’est-ce qui rend cette technologie unique ?
Cette technologie d’impression 3D est unique en ce sens qu’elle utilise une vision par ordinateur pour scanner automatiquement la surface d’impression 3D et ajuster en temps réel la quantité de résine déposée par chaque buse. De plus, elle ne nécessite pas de pièces mécaniques pour lisser la résine, ce qui lui permet de fonctionner avec des matériaux qui durcissent plus lentement.
Principaux enseignements
Enseignements |
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L’impression 3D peut créer des structures hybrides, combinant des éléments rigides et souples. |
Une nouvelle technologie d’impression 3D à jet d’encre a été développée, qui fonctionne avec une gamme de matériaux beaucoup plus large. |
Cette technologie utilise une vision par ordinateur pour scanner automatiquement la surface d’impression 3D et ajuster en temps réel la quantité de résine déposée. |
Elle peut fonctionner avec des matériaux qui durcissent plus lentement que les acrylates traditionnellement utilisés en impression 3D. |
Cette technologie d’impression 3D est environ 660 fois plus rapide qu’un système d’impression 3D à jet d’encre comparable. |
Les chercheurs ont utilisé cette technologie pour créer des dispositifs robotiques complexes. |
Ils envisagent d’utiliser le système pour imprimer avec des hydrogels, des matériaux en silicone, des époxy et des types spéciaux de polymères durables. |
Cette technologie pourrait trouver de nombreuses applications, notamment dans le domaine de la robotique et de l’ingénierie tissulaire. |
Les chercheurs ont fabriqué une pince robotique entièrement imprimée en 3D, en forme de main humaine et contrôlée par un ensemble de tendons renforcés mais flexibles. |
Cette technologie d’impression 3D pourrait permettre de créer des dispositifs médicaux personnalisables, des tampons de polissage pour semi-conducteurs, et même des robots plus complexes. |
Références
Légende illustration principale : Ce rendu montre un robot construit couche par couche à l’aide du nouveau procédé. Les sphères noires représentent le matériau utilisé par l’imprimante. Le matériau est ensuite durci par la lumière UV, représentée en bleu. En haut de l’image se trouvent les caméras qui analysent la procédure et s’ajustent en conséquence. Crédit : Moritz Hocher
Buchner TJK, Rogler S, Weirich S, Armati Y, Cangan BG, Ramos J, Twiddy S, Marini D, Weber A, Chen D, Ellson G, Jacob J, Zengerle W, Katalichenko D, Keny C, Matusik W, Katzschmann RK: Vision-Controlled Jetting for Composite Systems and Robots, Nature, 15. November 2023, doi: 10.1038/s41586-023-06684-3call_made
Sources : MIT, la start-up Inkbit et l’ETH Zurich. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans la revue Nature.