Les chercheurs ont identifié une nouvelle source d’engrais azoté issue de bactéries marines, offrant une alternative prometteuse aux engrais synthétiques conventionnels. Cette découverte pourrait transformer les pratiques agricoles tout en préservant l’environnement.
Une étude révèle que la biomasse issue de la bactérie marine photosynthétique pourpre Rhodovulum sulfidophilum constitue un excellent engrais azoté. Les travaux, menés par Keiji Numata du Centre RIKEN pour la science des ressources durables (CSRS) et de l’Université de Kyoto, démontrent l’efficacité de cette biomasse, comparable à celle des engrais synthétiques inorganiques courants, tout en évitant plusieurs effets secondaires néfastes pour l’environnement.
L’utilisation d’engrais riches en azote pour accroître la production agricole est une pratique répandue, appelée à s’intensifier dans les décennies à venir face à l’augmentation de la demande alimentaire mondiale. Parallèlement, les effets secondaires écologiquement néfastes de la surutilisation des engrais azotés inorganiques courants devraient s’amplifier considérablement, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de contamination des eaux souterraines et de dégradation de la qualité des sols.
Avantages de la biomasse bactérienne comme engrais
L’équipe de recherche sur les biomacromolécules du RIKEN CSRS a cherché une source naturelle d’azote capable de remplacer les engrais synthétiques à base d’ammoniac et de prévenir une crise future. Les bactéries pourpres non sulfureuses (PNSB) sont connues pour posséder des enzymes leur permettant de capter l’azote atmosphérique et de l’incorporer dans les protéines. Pour créer un engrais PNSB, l’équipe a broyé la bactérie R. sulfidophilum et généré une biomasse séchée à partir du matériel cellulaire libéré.
L’analyse a révélé que la teneur en azote de l’engrais PNSB atteignait 11% en poids, une valeur nettement supérieure à celle des autres engrais organiques, y compris la biomasse issue d’autres microbes ou microalgues. Cette teneur élevée en azote confère à cet engrais un potentiel considérable pour l’agriculture durable.
Les chercheurs ont comparé la croissance du komatsuna (Brassica rapa var. perviridis), une variété d’épinard moutarde japonais, en utilisant soit des engrais inorganiques, soit le nouvel engrais à base de biomasse PNSB. La première découverte majeure a été que l’épinard moutarde pouvait effectivement absorber l’azote de la biomasse séchée.
Des expériences supplémentaires ont montré que l’engrais à base de biomasse stimulait la croissance des plantes aussi efficacement que les engrais inorganiques riches en azote, tant à basse qu’à haute température. De plus, même lorsque l’engrais à base de biomasse contenait jusqu’à quatre fois plus d’azote, le pH et la salinité du sol restaient normaux, similaires à ceux d’un sol fertilisé sans azote.
Avantages environnementaux de l’engrais bactérien
L’engrais à base de biomasse PNSB présente un faible rapport carbone/azote, et l’azote est libéré pour l’utilisation par les plantes relativement lentement par rapport aux engrais inorganiques – environ 60% en 30 jours. Bien que cela signifie qu’il faudra utiliser deux fois plus d’engrais à base de biomasse pour obtenir une croissance similaire des cultures, le grand avantage est que les émissions de dioxyde de carbone et d’oxyde nitreux seront plus faibles, et moins d’azote sera rejeté dans l’environnement par lessivage.
Morey-Yagi, l’un des principaux auteurs de l’étude, précise : «À long terme, cette découverte pourrait transformer l’agriculture et atténuer son impact négatif sur l’environnement.» Cette affirmation souligne le potentiel de cette innovation pour répondre aux défis environnementaux actuels liés à l’agriculture intensive.
Bien que les expériences de base prouvent l’efficacité de l’engrais à base de biomasse, les auteurs soulignent que les résultats sont préliminaires et que d’autres facteurs devront éventuellement être pris en compte. Comme l’explique Numata : «Une évaluation du cycle de vie de cet engrais sera essentielle pour évaluer son empreinte environnementale à travers la production, le stockage, l’application, le transport et l’élimination.»
De plus, la question de l’augmentation de l’échelle du processus de production de biomasse doit être examinée, et la durée de conservation doit également être établie.
Les chercheurs sont optimistes quant à la résolution de ces défis et pensent que leur découverte contribuera à rendre les engrais plus écologiques et à prévenir les futurs problèmes de distribution des engrais inorganiques dans la chaîne d’approvisionnement. L’engrais à base de biomasse étant produit à partir du dioxyde de carbone et de l’azote présents dans l’air, ils l’ont baptisé Air Fertilizer® et l’ont enregistré pour une utilisation comme engrais organique au Japon, commercialisé par Symbiobe Inc.
Légende illustration : Les plantes ont été cultivées soit à 15°C – 25°C (Cool, a, c, e, g), soit à 22-32 °C (Warm, b, d, f, h). Les traitements à l’engrais étaient les suivants : pas d’engrais (NF), un contrôle sans N (NC), des contrôles d’engrais minéraux (C1 et C2) et des traitements PB (PB1, PB2 et PB4), où 1, 2 et 4 représentent une quantité ajoutée d’engrais correspondant à la quantité de N dans C1.
Morey-Yagi et al. (2024) Utilization of lysed and dried bacterial biomass from the marine purple photosynthetic bacterium Rhodovulum sulfidophilum as a sustainable nitrogen fertilizer for plant production. npj Sustain Agric. doi: 10.1038/s44264-024-00018-0