Des chercheurs ont identifié un mécanisme clé responsable de la perte de performance des batteries lithium-ion au fil du temps. La découverte pourrait permettre de concevoir des batteries plus fonctionnelles dans le temps pour les véhicules électriques et autres appareils.
Les batteries lithium-ion alimentent la plupart de nos appareils électroniques modernes, des smartphones aux voitures électriques. Un problème agace toutefois les utilisateurs et les fabricants depuis des années : la capacité de stockage diminue progressivement, même sans utilisation. Phénomène connu sous le nom d’auto-décharge, il intriguait les scientifiques depuis longtemps.
Une équipe internationale de chercheurs vient d’apporter un éclairage nouveau sur les causes de l’auto-décharge. Leur étude, publiée dans la revue Science, met en lumière un processus chimique complexe au cœur des batteries.
L’hydrogénation de la cathode : le coupable identifié
Les scientifiques ont découvert que l’auto-décharge est liée à un phénomène appelé « hydrogénation de la cathode. En termes simples, des particules chargées (protons et électrons) provenant du liquide conducteur de la batterie (l’électrolyte) sont transférées vers l’électrode positive (la cathode).
Gang Wan, chercheur à l’Université Stanford et auteur principal de l’étude, explique : « L’hydrogénation de la cathode révèle la nature chimique des produits de contamination qui entraînent la dégradation de la batterie. On peut comparer cela à de la rouille qui s’accumulerait lentement sur les composants internes de la batterie, altérant ses performances. »
Des rayons X pour observer l’infiniment petit
Pour valider leurs hypothèses, les chercheurs ont utilisé des techniques de pointe d’analyse par rayons X. Ils ont notamment eu recours à l’Advanced Photon Source (APS), un puissant accélérateur de particules situé au laboratoire national d’Argonne aux États-Unis.
Shelly Kelly, scientifique à l’APS, détaille un peu plus cette recherche : « Les mesures par spectroscopie de rayons X nous permettent d’observer les atomes de nickel, manganèse et cobalt à l’intérieur de la cathode. Grâce à l’APS, nous avons pu voir l’effet de l’accumulation de protons à la surface de la cathode, qui conduit finalement à l’auto-décharge. Imaginez un microscope capable de filmer les réactions chimiques en direct à l’échelle d’un atome !«
La découverte doit permettre également de concevoir de nouvelles stratégies pour améliorer la durée de vie des batteries lithium-ion. Zonghai Chen, chimiste au laboratoire d’Argonne, souligne les implications pratiques : « En limitant l’auto-décharge, nous pouvons concevoir une batterie plus petite, plus légère et moins chère sans sacrifier ses performances à long terme. Pour les consommateurs, cela pourrait se traduire par des téléphones qui gardent leur charge plus longtemps et des voitures électriques avec une meilleure autonomie. »
Les implications sont particulièrement importantes pour l’industrie automobile. Une meilleure compréhension des mécanismes de dégradation pourrait permettre de développer des batteries offrant une autonomie accrue et une durée de vie prolongée pour les véhicules électriques.
La route vers des batteries plus durables
Les chercheurs vont maintenant s’atteler à développer des solutions concrètes pour limiter l’hydrogénation de la cathode. Leur objectif : concevoir une nouvelle génération de batteries lithium-ion plus performantes et durables.
Michael F. Toney, professeur à l’Université du Colorado Boulder et co-auteur de l’étude, précise : « Trouver la bonne composition chimique pour les matériaux de la cathode est essentiel pour améliorer la stabilité de la batterie et réduire le taux d’auto-décharge. La dégradation de la cathode réduit la durée de vie de la batterie, donc notre but est de ralentir au maximum ce processus.«
L’équipe de recherche attend également la mise à niveau de l’Advanced Photon Source, prévue pour fin 2024. Un équipement encore plus puissant leur permettra d’observer les réactions chimiques au sein des batteries avec une précision inégalée.
L’étude illustre l’importance de la recherche fondamentale pour relever les défis énergétiques du 21e siècle. En perçant les secrets intimes des batteries, les scientifiques ouvrent la voie à un avenir plus durable, où les véhicules électriques et les énergies renouvelables pourraient jouer un rôle central dans la transition écologique.
La compréhension approfondie des mécanismes de dégradation des batteries lithium-ion pourrait avoir des répercussions bien au-delà du secteur automobile. Des appareils électroniques plus durables aux systèmes de stockage d’énergie à grande échelle, les applications potentielles sont nombreuses et prometteuses.
Légende illustration : De gauche à droite : Le physicien Zhan Zhang, le post-doctorant Jiyu Cai, le chimiste principal Zonghai Chen et la physicienne et chef de groupe Shelly Kelly travaillant sur la table expérimentale pour les mesures de rayons X sur la ligne de faisceau 25-ID récemment mise à niveau à l’APS. (Image par Argonne National Laboratory/Mark Lopez.)