Du sucre aux bioénergies en passant par l’isolation de bâtiments, les bioplastiques, les médicaments : la canne à sucre multiplie les atouts avec une très forte productivité alliée à de nombreuses variétés et multiples potentialités encore à exploiter.
« La canne devient une plante propre » , précise d’emblée François-Régis Goebel, chargé de mission filière canne à sucre au Cirad, « les itinéraires techniques de production ont été mis au point de façon raisonnée et les pratiques culturales sont de plus en plus réfléchies selon une approche agroécologique. On utilise désormais beaucoup moins de pesticides et autres intrants qu’auparavant, même si des efforts dans cette filière restent encore à faire. Mais cela progresse vite sous l’impulsion d’un secteur R&D très dynamique. »
Leur sont désormais préférées les cendres riches en silice obtenues lors de la combustion des tiges de canne et qui fertilisent à souhait les plantations de canne à sucre, tout comme la vinasse (riche en potassium et azote) et la mélasse (riche en hydrates de carbone stimulant la croissance des micro-organismes). L’eau qui sert au lavage des cannes à l’usine est elle-même recyclée pour irriguer les parcelles. Car « tout est bon » dans la canne.
Si la bagasse après pressage et broyage de la canne pour recueillir son jus est utilisée en co-génération dans la plupart des usines de canne, on réfléchit aujourd’hui à exploiter la canne dans sa totalité pour produire de l’électricité à grande échelle. Cette canne est appelée « canne combustible », elle fait « tourner des usines » et sera une source importante d’électricité demain dans de nombreux pays et dans les départements français, à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. Elle correspond à des variétés à forte biomasse, dépassant largement les variétés traditionnelles dites à sucre. Ce qui annonce une nouvelle filière « canne fibre » à côté de la traditionnelle filière canne-sucre-rhum !
Une chimie verte
Dès les années 70 et le premier choc pétrolier, le Brésil plus gros producteur mondial de sucre, a su exploiter le potentiel biomasse-énergie de la canne à sucre. Plus de 70% du parc automobile brésilien fonctionne désormais au bioéthanol.
Mais les produits à base de canne sont multiples, et d’autres ressources sont déjà exploitées grâce à l’essor de la chimie verte. C’est le cas des bioplastiques . Ils peuvent être produits à partir de l’éthanol (provenant lui-même du sucre) ou à partir des pailles de la canne à sucre, longtemps abandonnées dans les champs après la récolte ou brûlées. Cette paille de canne qui contient de la cellulose, lignines et hémi-cellulose est difficile à dégrader et demande l’intervention de bactéries efficaces. Mais les recherches avancent, et il sera bientôt possible d’obtenir des grandes quantités de bioplastique à partir de ces résidus agricoles.
Les bioplastiques ont des applications diverses et variées dans le secteur alimentaire, les emballages et les produits pharmaceutique et cosmétiques. Les plus grande marques alimentaires en font déjà usage. Un bémol reste à signaler, il concerne le coût très élevé de sa production (concentrée au brésil). Mais l’engouement est réel dans le contexte actuel. Les bioplastiques sont en effet biodégradables et renouvelables, ils n’ont surtout aucun impact sur la biodiversité, contrairement aux produits à base de pétrole.
La canne à sucre au Cirad
Des projets pilote sont en cours au sein du Cirad et avec différents partenaires pour tester les variétés de canne à sucre pour leur potentiel énergétique. Par ailleurs les scientifiques du Cirad mènent depuis de nombreuses années, des recherches dans cette filière qui s’inscrivent sur tous les axes scientifiques prioritaires de l’établissement, dans le cadre de l’intensification écologique :
– Impact du changement climatique sur la biodiversité et les services écosystémiques.
– Impact de la fragmentation des paysages naturels en zones cannières sur ces services.
– Risques environnementaux liés aux pratiques culturales et apports d’intrants (notamment pesticides et fertilisants) dans les bassins canniers.
– Bioénergie, valorisation des coproduits et recyclage des déchets de l’usine.
– Limiter l’impact des bioagresseurs émergeants (maladies, ravageurs) et quarantaine internationale, conception de stratégies de protection intégrée.
– Génomique et amélioration variétale pour une meilleure adaptation aux différents stress biotiques et abiotiques.
– Concilier territoires insulaires agricoles et urbanisation.
il y a un vieux proverbe qui dit » la cendre au jardin, enrichit le pere, mais ruine le fils », car la cendre améliore les rendements sur court terme, mais pas forcément sur le long terme. (à cause de la forte richesse en potasse je crois). Attention donc !!
d’un chauffeur de taxi de l’île Maurice qui me disait que le volant de son auto était fait en « plastique » issu de la bagasse de la canne à sucre, encore produite sur place. C’était il y a une dizaine d’années !