Christian Bretter, The University of Queensland; Matthew Hornsey, The University of Queensland et Samuel Pearson, The University of Queensland
Plus dangereux, plus polluants, sous-estimés dans les statistiques d’accidents… De nombreuses infox circulent dans l’opinion publique au sujet des véhicules électriques. Dures à faire disparaître, ces fausses informations pèsent sur le développement du secteur.
Notre nouvelle recherche le montre : il y a davantage de personnes qui croient à des idées fausses sur les voitures électriques que de personnes qui les rejettent. Et même les propriétaires de véhicules électriques ont tendance à adhérer à ces mythes.
Nous avons examiné la prévalence de la désinformation concernant les voitures électriques dans quatre pays : l’Australie, les États-Unis, l’Allemagne et l’Autriche. Malheureusement, nous avons constaté une forte adhésion à ces idées fausses dans tous les pays étudiés.
Sans surprise, les personnes qui croyaient à ces affirmations erronées étaient significativement moins enclines à envisager l’achat d’un véhicule électrique.
Or, les voitures électriques sont un outil essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Mais la désinformation omniprésente constitue un frein important à leur adoption, avec de graves conséquences pour la transition énergétique.
Une large adhésion aux idées fausses sur les véhicules électriques
Nous avons mené une enquête auprès de 4 200 personnes ne possédant pas de voiture électrique dans les quatre pays. Nous avons mesuré leur degré d’accord avec neuf affirmations trompeuses sur les voitures électriques.
Neuf mythes à propos des véhicules électriques
MYTHES | FAITS |
---|---|
En raison du caractère intensif du processus de production, les voitures électriques produisent plus d’émissions de carbone sur l’ensemble de leur durée de vie que les voitures à essence. | Les émissions totales des voitures à essence dépassent celles des voitures électriques sur l’ensemble de leur durée de vie. |
Les champs électromagnétiques émis par les voitures électriques perturbent fortement les migrations des oiseaux et d’autres animaux sauvages. | Les voitures électriques émettent principalement des champs électromagnétiques de très basse fréquence, qui sont peu susceptibles d’avoir un impact sur la faune |
Les voitures électriques ne réduisent pas le changement climatique parce que leur production nécessite l’extraction de minerais rares, ce qui entraîne de la déforestation et augmente donc le CO₂ dans l’atmosphère. | L’extraction minière nécessaire à la fabrication des batteries de voitures électriques peut entraîner de la déforestation, mais leur impact global sur les émissions reste meilleur que celui des voitures à essence. |
Les voitures électriques émettent des champs électromagnétiques qui peuvent causer de graves problèmes de santé, y compris le cancer. | Les niveaux de champ mesurés dans les voitures électriques sont considérés comme faibles et ne présentent pas de risque pour la santé. |
Les voitures électriques sont plus susceptibles de prendre feu que les voitures à essence. | Les voitures électriques sont moins susceptibles de prendre feu que les voitures à essence.] |
Les batteries des voitures électriques sont conçues pour tomber en panne après un certain nombre de cycles de charge afin de forcer les propriétaires à les remplacer et augmenter les profits des fabricants. | En dehors des rappels majeurs, le taux de remplacement des batteries de voitures électriques est inférieur à 1 %. |
Electric vehicle batteries are deliberately made non-upgradeable to force consumers into purchasing replacements. | Il n’existe aucune preuve que les batteries de voitures électriques sont délibérément conçues pour ne pas être améliorables dans un but lucratif. La durée de vie visée d’une batterie de voiture électrique est de 15 ans |
Comparée à la technologie des voitures à essence, celle des voitures électriques serait conçue pour être inutilement complexe afin d’empêcher les réparations faites soi-même et de forcer les gens à se tourner vers des centres de service coûteux. | Les voitures électriques ne nécessitent pas plus de passages en atelier que les voitures à essence. Les réparations faites soi-même sont plus difficiles pour des raisons de sécurité, mais rien ne prouve que cela soit intentionnel pour des raisons de profit. |
Les accidents impliquant des voitures électriques sont délibérément sous-déclarés par les autorités. | Il n’existe aucune preuve pour étayer ce mythe. |
Ce que nous avons trouvé
Pour analyser les résultats, nous avons examiné les réponses données à ces neuf affirmations, soit plus de 36 000 réponses. Nous avons ensuite calculé combien de réponses exprimaient un accord ou un désaccord.
Sur l’ensemble des réponses, 36 % manifestaient un accord avec une affirmation erronée, 23 % exprimaient un désaccord, 24 % étaient indécises et 17 % disaient ne pas savoir.
L’adhésion à la désinformation était la plus forte en Allemagne et la plus faible aux États-Unis, mais les différences entre les pays restaient faibles.
Le mythe le plus répandu était que les voitures électriques sont plus susceptibles de prendre feu que les voitures à essence. Selon le pays, entre 43 % et 56 % des personnes interrogées étaient d’accord avec cette affirmation.
L’adhésion à ces idées fausses était fortement corrélée au refus de soutenir les politiques en faveur des véhicules électriques et au manque d’intention d’en acheter un à l’avenir.
Dans une autre partie de l’étude, nous avons interrogé 2 100 personnes aux États-Unis, dont environ la moitié étaient propriétaires d’un véhicule électrique. Fait surprenant : les propriétaires n’étaient pas significativement moins susceptibles d’adhérer à la désinformation que les non-propriétaires. Cela montre à quel point ces idées fausses sont profondément enracinées.
Ce n’est pas une question de niveau d’éducation
Nous avons aussi cherché à comprendre ce qui rend certaines personnes plus vulnérables à la désinformation sur les véhicules électriques.
Le facteur le plus déterminant était une forte tendance au complotisme : croire que les complots sont monnaie courante, percevoir le monde comme dominé par la corruption et des agendas secrets, et se méfier des institutions.
Les personnes ayant des convictions politiques et écologiques progressistes étaient moins susceptibles de croire à ces idées fausses.
Le niveau de connaissances scientifiques ou d’éducation n’était pas un facteur significatif. Ce constat, conforme à des recherches antérieures, suggère que la désinformation est davantage liée à la méfiance envers les institutions et les experts qu’à un manque de savoir.
Des raisons d’espérer
Nous avons testé deux approches pour contrer la désinformation auprès d’un autre groupe de participants américains. Un groupe a échangé avec ChatGPT à propos de ses opinions sur les véhicules électriques. Un autre a lu une fiche d’information classique du ministère américain de l’Énergie. Un troisième groupe témoin n’a reçu aucune information.
Les participants exposés à l’un ou l’autre des contenus (ChatGPT ou fiche) ont manifesté une adhésion nettement moindre aux idées fausses par rapport au groupe témoin. Cet effet persistait encore dix jours plus tard.
Notons que ChatGPT n’a généré aucune désinformation sur le sujet. Ces résultats confirment les recherches existantes montrant que ChatGPT peut contribuer à réduire l’adhésion aux théories du complot.
Comment lutter contre la désinformation sur les véhicules électriques
Nos résultats montrent que la désinformation concernant les voitures électriques est bien implantée dans les pays occidentaux. Cette vulnérabilité n’est pas liée à un manque de connaissances, mais plutôt à une défiance envers les institutions établies.
Nous avons également constaté que les personnes qui sont confrontées à des faits vérifiés sur les véhicules électriques sont moins susceptibles d’adhérer à la désinformation.
Cela suggère qu’il faut une stratégie double pour réduire l’impact de cette désinformation : d’une part, tenir pour responsables ceux qui la diffusent volontairement ; d’autre part, diffuser des informations basées sur des preuves, notamment via des outils accessibles comme l’IA, pour renforcer la résilience du public face aux fausses affirmations.
Christian Bretter, Senior Research Fellow in Environmental Psychology, The University of Queensland; Matthew Hornsey, Professor, University of Queensland Business School, The University of Queensland et Samuel Pearson, Post-doctoral Research Fellow, The University of Queensland
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.