Points forts |
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Chalonnes-sur-Loire réduit ses émissions de 97 %, soit plus de 30 tonnes évitées par an. Combinaison de géothermie profonde et d’isolants biosourcés (laine de bois) pour diviser par 10 la consommation de chauffage. Économie annuelle de 27 000 € sur les coûts énergétiques. Audit énergétique initial et financement d’une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) pour sécuriser le projet. Passage de l’étiquette énergétique G à B, illustrant une transition réussie pour les bâtiments publics. |
Dans un édifice datant de 1865, la commune de Chalonnes-sur-Loire (Maine-et-Loire) a lancé un projet de rénovation énergétique qui allie préservation du patrimoine et lutte contre le réchauffement climatique. Ce chantier, achevé en 2025 propose une solution décarbonée, combinant géothermie profonde et matériaux biosourcés. Derrière cette initiative, un objectif clair : réduire les émissions de CO₂ de 97 % et diviser par dix la consommation énergétique du bâtiment, tout en optimisant le confort des usagers.
Une transformation énergétique en profondeur
L’Hôtel de Ville, abritant également le Centre communal d’action sociale (CCAS), a subi une métamorphose technique et environnementale. Trois sondes géothermiques, plongeant à 199 mètres sous terre, captent une chaleur naturelle utilisée par une pompe à chaleur pour chauffer les locaux en hiver. En été, le système assure un rafraîchissement passif, évitant recours à la climatisation. Cette solution, couplée à une isolation renforcée en laine de bois et à l’installation de fenêtres triple vitrage, permet une économie annuelle de 27 000 euros sur la facture énergétique. La consommation de chauffage chute ainsi de 119,9 MWh à 11,7 MWh, tandis que l’étiquette énergétique du bâtiment passe de « G » à « B ».
« La géothermie est un choix ambitieux pour l’environnement, mais aussi un investissement d’avenir », souligne Marie-Madeleine Monnier, maire de la commune. « À l’école Joubert, équipée depuis 2018, nous avons observé une réduction de 60 % des coûts après une première année. Certes, l’investissement initial est plus lourd, mais il s’amortit en une dizaine d’années, tout en offrant un confort thermique constant ».
Le coût global du projet s’élève à 1,45 million d’euros hors taxes, financé par des subventions (DETR, SIELM) et une demande de fonds à la communauté de communes Loire, Layon, Aubance. Le dispositif inclut également des émetteurs basse température et une ventilation mécanique contrôlée (VMC) dans les espaces rénovés, ainsi que des luminaires LED pour optimiser l’éclairage.

Un modèle pour les collectivités publiques
L’approche de Chalonnes-sur-Loire s’inscrit dans un cadre plus large : la stratégie nationale de décarbonation de la chaleur, visant à réduire de 100 TWh/an la consommation de gaz d’ici 2040. En France, 37,5 % de la chaleur utilisée provient encore de combustibles fossiles, un secteur où les bâtiments tertiaires publics représentent 60 % des dépenses énergétiques. La géothermie, bien que marginalisée (1 % de la consommation de chaleur), présente un potentiel significatif, surtout pour les collectivités.
« La géothermie est une solution décarbonée particulièrement intéressante pour les collectivités : elle permet à la fois de répondre aux besoins de chauffage en hiver et d’assurer un meilleur confort d’été, tout en mobilisant très peu d’électricité. Associée à une rénovation énergétique bien pensée, elle devient un levier puissant pour réduire durablement les consommations. Sa mise en œuvre demande toutefois une approche technique rigoureuse : il est essentiel de réaliser des audits de qualité en amont pour bien dimensionner les équipements, et de s’entourer de compétences qualifiées pour en assurer le bon réglage et le pilotage » , explique Pierrick Degardin, directeur adjoint du programme ACTEE.

Un soutien clé : le programme ACTEE
La commune a bénéficié dès 2020 du programme national ACTEE (Action des Collectivités Territoriales pour l’Efficacité Énergétique), qui finance études préalables et ingénierie sans subventionner directement les travaux. Un audit énergétique initial, pris en charge par ACTEE, a permis de définir les priorités d’investissement et de sécuriser les financements. Le programme a également cofinancé une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), essentielle pour dimensionner les équipements et optimiser les aides mobilisées.
Au total, 52 990 euros du fonds ACTEE+ ont été alloués à l’accompagnement de la commune, contribuant à la réussite du projet. En Loire-Atlantique, le programme a mobilisé plus de 5,4 millions d’euros depuis 2020, soutenant 570 audits énergétiques et accompagnant 759 bâtiments via des « économes de flux » spécialisés.
Chalonnes-sur-Loire n’en est pas à son coup d’essai. Depuis 2012, cinq forages géothermiques alimentent le CCAS et le bureau de poste. En 2019, l’école Joubert a été équipée de dix sondes de 100 mètres, chauffant quatorze classes. Un immeuble de logements sociaux est également raccordé au réseau de chaleur local. Ces réalisations témoignent d’une volonté politique constante, malgré des coûts initiaux élevés.
« Face à l’explosion des coûts énergétiques — notre facture est passée de 110 000 à 300 000 euros par an en six ans —, il est impératif de réduire durablement notre consommation », rappelle Jean-Claude Sancerneau, conseiller municipal délégué aux bâtiments communaux.
Un exemple à suivre ?
La réussite de Chalonnes-sur-Loire interroge les autres collectivités sur leur capacité à intégrer des solutions similaires. Bien que la géothermie de surface (0-200 mètres) s’adapte mieux aux bâtiments individuels ou équipements publics, son déploiement reste freiné par des coûts d’installation et une complexité technique. Cependant, les retours d’expérience montrent un amortissement rapide et des bénéfices écologiques indéniables.
En France, où 60 000 communes devraient être accompagnées par ACTEE d’ici 2026, ce type de projet pourrait accélérer la transition énergétique. « La rénovation globale, associée à des énergies renouvelables, est un levier puissant pour réduire les consommations », conclut Pierrick Degardin.
Géothermie : décarboner la chaleur
La décarbonation de la production de chaleur constitue un levier clé de la transition énergétique. Aujourd’hui, 37,5 % de la consommation finale de chaleur est encore produite à partir d’énergies fossiles (gaz naturel, fioul), fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Le secteur tertiaire est particulièrement concerné : le chauffage, la production d’eau chaude sanitaire et la climatisation représentent 60 % de sa consommation énergétique. La modernisation des systèmes de chauffage est donc une priorité pour réduire l’empreinte carbone du patrimoine public. Si la part des énergies renouvelables progresse (de 19 % en 2015 à 24 % en 2021), la géothermie reste encore peu exploitée en France, représentant seulement 1 % de la consommation de chaleur. Pourtant, elle offre un potentiel majeur. Le gouvernement ambitionne de réduire de 100 TWh/an la consommation de gaz d’ici 15 à 20 ans, en s’appuyant notamment sur le déploiement de solutions géothermiques.
La géothermie, comment ça marche ?
La géothermie consiste à valoriser la chaleur naturellement présente dans le sous-sol. En France, la température du sous-sol augmente en moyenne de 3,3 °C tous les 100 mètres de profondeur. On distingue deux types principaux :
• géothermie profonde (> 200 m), adaptée à la production d’énergie pour de vastes réseaux,
• géothermie de surface (0–200 m), idéale pour les bâtiments individuels ou les équipements publics, comme les écoles ou mairies (comme à Chalonnes-sur-Loire).
Le principe de la géothermie de surface :
Des sondes verticales sont installées dans le sol (ici, 3 forages à 199 m). La chaleur est captée via un fluide caloporteur, puis transférée à une pompe à chaleur géothermique. Celle-ci élève la température pour chauffer les locaux en hiver ou assure un rafraîchissement en été (géocooling) de manière très économe sans faire fonctionner la pompe à chaleur.
Avantages : fonctionnement constant et performant toute l’année, très faible consommation électrique, un système discret et durable, sans pollution visuelle ni sonore. Avec cette solution, la Mairie de Chalonnes-sur-Loire couvrira 100 % de ses besoins de chauffage en hiver, tout en bénéficiant d’un confort accru en été.
En synthèse
Le projet de rénovation de l’Hôtel de Ville de Chalonnes-sur-Loire incarne une démarche pionnière dans la lutte contre le réchauffement climatique. En associant géothermie, matériaux biosourcés et accompagnement technique via le programme ACTEE, la commune a transformé un bâtiment historique en une référence d’efficacité énergétique. Les résultats sont tangibles : une réduction drastique des émissions de CO₂, des économies financières significatives, et un confort thermique optimisé. Le modèle, reproductible pour d’autres collectivités, démontre qu’un équilibre entre préservation du patrimoine et innovation écologique est non seulement possible, mais essentiel pour atteindre les objectifs de décarbonation nationaux.
Pour une meilleure compréhension
Quel est l’objectif principal du projet de rénovation de l’Hôtel de Ville ?
Réduire de 97 % les émissions de CO₂ et diviser par 10 la consommation énergétique du bâtiment, tout en améliorant le confort des usagers.
Quels sont les coûts et les financements du projet ?
Le projet coûte 1,45 million d’euros HT, financé par des subventions DETR (165 587 €), SIELM (146 071 €), et une demande de fonds à la communauté de communes (373 000 €).
Quel rôle joue le programme ACTEE ?
ACTEE a financé l’audit énergétique initial et une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), permettant de dimensionner les équipements et de mobiliser les aides.
Quels sont les avantages environnementaux de la géothermie ?
La géothermie utilise une ressource renouvelable et locale, évite les émissions de gaz à effet de serre et consomme peu d’électricité.
Comment les matériaux biosourcés contribuent-ils à l’efficacité énergétique ?
L’isolation en laine de bois améliore la performance thermique du bâtiment, réduisant les besoins de chauffage et limitant les déperditions.
Quels autres bâtiments de Chalonnes-sur-Loire utilisent déjà la géothermie ?
Depuis 2012, cinq forages alimentent le CCAS et le bureau de poste. L’école Joubert (2019) et un immeuble de logements sociaux sont également raccordés.
Quels enseignements peuvent être tirés de cette initiative ?
La réussite du projet repose sur une étude technique rigoureuse, un accompagnement expert, et une vision à long terme pour amortir les investissements initiaux.
Lexique
- Géothermie : Utilisation de la chaleur naturellement stockée dans le sous-sol pour produire de l’énergie.
- ACTEE : Programme national soutenant les collectivités dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments.
- Matériaux biosourcés : Matériaux issus de ressources renouvelables (ex. : laine de bois) pour l’isolation ou la construction.
- Étiquette énergétique : Classification des bâtiments selon leur performance énergétique (de A à G).
- VMC (Ventilation Mécanique Contrôlée) : Système assurant une ventilation efficace et économique des espaces.
- Décarbonation : Réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) pour limiter le réchauffement climatique.
- Audit énergétique : Étude permettant d’identifier les leviers d’économie d’énergie et de définir les priorités d’investissement.
- Assistance à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) : Expertise technique et financière pour accompagner la conception et la mise en œuvre d’un projet.
Source : ACTEE
Comment la géothermie fonctionne-t-elle dans ce projet ?
Trois sondes de 199 mètres captent la chaleur naturelle du sous-sol, utilisée par une pompe à chaleur pour chauffer les locaux en hiver et rafraîchir en été, sans climatisation active.