Face à une crise climatique et une pénurie de main-d’œuvre qui fragilisent le secteur du bâtiment, le géant de l’automatisation ABB Robotics et la start-up AUAR s’associent pour ériger en Belgique un démonstrateur grandeur nature. Leur projet, baptisé ConstrucThor, ambitionne de prouver qu’une construction rapide, abordable et neutre en carbone est possible grâce à un réseau décentralisé de micro-usines robotisées.
Le secteur de la construction se trouve à la croisée des chemins. Responsable de 40 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, il est également confronté à une productivité stagnante et à des difficultés de recrutement qui entravent sa capacité à répondre à la demande croissante de logements. À rebours du modèle traditionnel du chantier, exposé aux aléas climatiques et gourmand en ressources, une nouvelle approche gagne du terrain : l’industrialisation hors-site. C’est dans ce contexte que s’inscrit la collaboration entre ABB Robotics et AUAR, une jeune pousse spécialisée dans les technologies de construction, qui prend forme au sein du parc scientifique Thor à Genk, en Belgique.
Le chantier réinventé : de la boue à la micro-usine
L’innovation centrale du projet repose sur le concept de micro-usine modulaire développé par AUAR. Il s’agit de petites unités de production mobiles et automatisées, conçues pour fabriquer localement les composants structurels d’un bâtiment. Plutôt que de construire intégralement sur site, le modèle propose de produire des panneaux en bois de haute qualité pour les murs, les planchers et les toits dans un environnement contrôlé, à proximité du site d’assemblage final. Cette approche permet de s’affranchir des contraintes météorologiques tout en optimisant l’utilisation des matériaux et en réduisant drastiquement les déchets.
Le cœur de ces micro-usines est un processus de construction entièrement automatisé, orchestré par les robots et les logiciels d’ABB. La promesse est saisissante : une seule de ces unités robotisées serait capable de produire l’ensemble de l’enveloppe et des cloisons intérieures d’une maison individuelle en moins de douze heures, prête pour un assemblage rapide sur site.
L’automatisation au service de la précision et de la durabilité
Le rôle des robots d’ABB va bien au-delà de la simple manutention. Équipés de systèmes de vision par ordinateur et de briques d’intelligence artificielle, ils assurent des tâches d’assemblage modulaire avec une précision et une fiabilité inaccessibles au travail manuel. Cette automatisation avancée est le nerf de la guerre pour garantir une qualité constante et accélérer les cadences de production. « Le secteur mondial de la construction s’efforce de devenir plus écologique et durable, tout en faisant face aux pénuries de main-d’œuvre et à la nécessité d’augmenter la productivité. Pour soutenir cette transition, l’automatisation robotisée peut jouer un rôle primordial. Elle permet de réduire les déchets et d’aider les entreprises à relever les défis environnementaux et humains auxquels elles sont confrontées aujourd’hui », analyse Craig McDonnell, Directeur Général de la branche Industries d’ABB Robotics.
Cette technologie ouvre également la voie à une meilleure intégration des principes de l’économie circulaire. Comme le souligne Tim Verhetsel, coordinateur du projet à l’université KU Leuven, partenaire académique du projet, l’expérimentation est au cœur de la démarche : « Dans le cadre du projet ConstrucThor, nous avons élargi cette démarche en expérimentant l’utilisation de bois recyclé pour la fabrication de murs modulaires. Cette approche combine non seulement la robotique et la conception modulaire, mais met également l’accent sur le recyclage ».
Un modèle économique décentralisé et agile
Au-delà de l’innovation technique, le partenariat entre ABB et AUAR dessine les contours d’un nouveau modèle économique pour la construction. En déployant un réseau mondial de micro-usines locales, les deux entreprises visent à créer un système de production décentralisé. Cette stratégie permet de réduire considérablement l’empreinte carbone liée au transport et de s’adapter plus facilement aux spécificités des marchés locaux. AUAR a déjà mis en service des unités au Royaume-Uni, en Belgique et aux États-Unis, et prévoit d’étendre son réseau à une dizaine de micro-usines en Europe et en Amérique du Nord dès l’année prochaine.
Pour Mollie Claypool, cofondatrice et PDG d’AUAR, ce modèle répond directement aux défis majeurs du secteur. « Nos micro-usines modulaires automatisées répondent directement aux principaux défis de l’industrie : réduction des coûts, des délais et de l’empreinte carbone dans la construction de logements. Ce projet démontrera que notre approche novatrice constitue un levier essentiel pour faire évoluer la construction vers des sociétés réellement durables », affirme-t-elle.
ConstrucThor, un laboratoire à ciel ouvert
L’installation de Genk, baptisée ConstrucThor, n’est pas seulement une unité de production, mais un véritable « laboratoire vivant ». Intégrée à l’OpenThor Living Lab, elle servira de plateforme de recherche et de développement à grande échelle pour l’université KU Leuven et ses partenaires industriels. L’objectif est de tester et de valider de nouvelles stratégies, de nouveaux matériaux et des infrastructures énergétiques innovantes pour accélérer la transition du secteur vers la neutralité climatique. Le projet illustre un triptyque vertueux où l’industrie, la technologie et la recherche académique convergent pour tenter de résoudre l’une des équations les plus complexes de notre époque : comment construire plus, mieux, et de manière plus soutenable.
Si la route vers une adoption massive de ces technologies est encore longue et semée d’obstacles réglementaires et parfois également culturels, l’initiative d’ABB Robotics et d’AUAR marque une étape significative. Elle matérialise une vision où le bâtiment de demain ne sera plus seulement un assemblage de matériaux, mais le produit d’un processus industriel intelligent, précis et respectueux de l’environnement.
Source : ABB











