Une équipe de chercheurs apporte un nouvel éclairage sur l’utilisation des résidus végétaux pour la production de carburants, de produits chimiques et de médicaments sans pétrole. Cette avancée marquerait ainsi un tournant dans notre approche de la bioéconomie.
Des scientifiques des laboratoires nationaux de Lawrence Berkeley (Berkeley Lab), de Lawrence Livermore (LLNL) et de l’Université de Californie à Davis (UC Davis) ont récemment mis en lumière des méthodes innovantes pour accéder aux sucres contenus dans les plantes, essentiels à la production de carburants, de produits chimiques et de médicaments sans recourir au pétrole.
La recherche évoquée s’attaque donc à la cellulose, un composant majeur des plantes herbacées et ligneuses, réputé pour sa difficulté à être décomposé en sucres simples.
Les microbes, capables de transformer herbes, mauvaises herbes, bois et autres résidus végétaux en produits durables, jouent un rôle clé dans l’atteinte de la neutralité carbone et pourraient même contribuer à éliminer les pénuries de médicaments. Seuls les organismes ayant développé des enzymes spécialisées ou hébergeant des microbiomes de ces organismes sont en mesure d’extraire les sucres de la matière végétale riche en cellulose.
« Nous souhaitons utiliser les résidus végétaux et il y a beaucoup de déchets végétaux disponibles », a indiqué Tina Jeoh, co-leader du projet et professeure d’ingénierie biologique et agricole à UC Davis. « Ces sucres sont essentiels à l’établissement d’une bioéconomie basée sur le recyclage du carbone renouvelable pour des alternatives bioénergétiques, biochimiques et biomatériaux aux versions issues des combustibles fossiles. »
Innovation technologique et résultats
Les scientifiques ont utilisé une technique développée dans le cadre du programme d’imagerie BSISB (Berkeley Synchrotron Infrared Structural Biology) du Berkeley Lab. Cette méthode combine un dispositif microfluidique novateur et la spectroscopie infrarouge pour étudier le fonctionnement d’une enzyme dégradant la cellulose en temps réel. Leur travail, publié récemment dans la revue Green Chemistry, représente une avancée significative dans la compréhension de la décomposition de la cellulose.
La cellulose est composée de nombreuses molécules de glucose, chacune liée par une liaison covalente unique. Les longues chaînes de glucose sont entortillées en structures complexes appelées fibrilles, maintenues en formation grâce à de nombreuses liaisons hydrogène entre les glucoses bien organisés. Les chercheurs ont supposé que ces liaisons hydrogène sont la raison pour laquelle les enzymes coupant la cellulose agissent lentement – elles agissent comme des obstacles bloquant l’accès à la liaison covalente.
Les résultats de cette méthode, une forme de méthodologie de spectroscopie operando utilisant la spectromicroscopie infrarouge par transformée de Fourier, indiquent que les liaisons hydrogène dans les fibrilles agissent effectivement comme des obstacles pour les enzymes.
Les scientifiques du LLNL prévoient d’utiliser cette approche pour étudier les biomolécules présentes dans le sol et les tissus végétaux et animaux, en particulier celles qui ont des applications en matière de biosécurité. Parallèlement, Jeoh et son équipe de l’UC Davis prévoient d’explorer des techniques qui aideront les enzymes à rompre plus rapidement les liaisons hydrogène, afin d’améliorer l’efficacité et de réduire les coûts d’une biofabrication durable.
En synthèse
Cette recherche ouvre l’accès à une meilleure compréhension et à une amélioration des méthodes de conversion des déchets végétaux en composants sucrés, essentiels à la production de biocarburants et de produits biochimiques.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que la cellulose ?
La cellulose est un composant structurel majeur des plantes, difficile à décomposer en sucres simples.
Pourquoi les sucres sont-ils importants dans ce contexte ?
Les sucres extraits de la cellulose sont essentiels pour la production de biocarburants, de produits chimiques et de médicaments sans pétrole.
Quelle est la nouveauté de cette recherche ?
L’utilisation d’une technique combinant un dispositif microfluidique et la spectroscopie infrarouge pour étudier le fonctionnement des enzymes dégradant la cellulose.
Quels sont les obstacles à la décomposition de la cellulose ?
Les liaisons hydrogène dans les fibrilles de cellulose agissent comme des obstacles pour les enzymes.
Quel est l’impact potentiel de cette recherche ?
Améliorer les méthodes de conversion des déchets végétaux en produits durables, contribuant ainsi à la neutralité carbone et à la réduction des pénuries de médicaments.
Références
Article : « Spatiotemporal dynamics of cellulose during enzymatic hydrolysis studied by infrared spectromicroscopy » – DOI: 10.1039/D3GC03279E
Légende illustration : Le dispositif de maintien des fluides conçu par Holman et Zhao, qui est placé devant un faisceau infrarouge pour étudier la modification des liaisons atomiques dans un échantillon de molécules. (Crédit : Hoi-Ying Holman/Berkeley Lab)