Une équipe de chercheurs de l’Université Yale développe des méthodes innovantes pour produire des matériaux à partir du dioxyde de carbone et de l’azote présents dans l’air ou l’eau. Leurs travaux utilisent des processus électrochimiques plutôt que la combustion de combustibles fossiles. L’objectif est de contribuer à la réduction de l’impact du changement climatique tout en créant des ressources essentielles.
Dans son laboratoire à Yale, Lea Winter, professeure adjointe de génie chimique et environnemental, explore des moyens innovants de produire des engrais, des carburants et divers produits chimiques. Contrairement aux méthodes traditionnelles reposant sur la chaleur générée par les combustibles fossiles, son équipe utilise des processus basés sur les électrons, comme le plasma et l’électrochimie.
La chercheuse explique l’orientation de ses recherches : «Nous nous dirigeons vers un avenir énergétique électrifié et renouvelable, où nous disposons de nombreuses sources d’énergie alimentées par des électrons et basées sur l’électricité, comme le solaire et l’éolien. Nous réfléchissons donc à la façon de fabriquer des engrais, des carburants, de l’eau et divers types de produits chimiques que nous utilisons grâce à des processus alimentés par des électrons et qui ne dépendent pas des combustibles fossiles.»
Le plasma : un outil clé pour la transformation des matériaux
Son équipe utilise principalement le plasma, souvent appelé quatrième état de la matière. Il s’agit d’un gaz ionisé composé de particules chargées électriquement, similaire à la foudre. Dans leur laboratoire, ils créent du plasma à l’aide d’une électrode à haute tension et d’une électrode de terre pour générer un champ électrique.
Le type de plasma utilisé, appelé plasma non thermique, présente une caractéristique particulière : les électrons se déplacent très rapidement, atteignant des températures équivalentes à des milliers de degrés Kelvin, tandis que les molécules de gaz restent à température ambiante. Lea Winter tient à préciser : «Cela signifie que nous pouvons effectuer des réactions à température ambiante en phase gazeuse en utilisant ces électrons chauds pour activer nos réactifs et réaliser des réactions subséquentes.»
Des membranes électrifiées pour le traitement de l’eau
Un autre axe de recherche important du laboratoire concerne le développement de membranes électrifiées pour la transformation des contaminants dans les eaux usées. Contrairement aux membranes conventionnelles qui se contentent de séparer les contaminants de l’eau, ces nouvelles membranes peuvent les transformer en sous-produits inoffensifs comme l’azote, ou en matériaux utiles comme l’ammoniac.
Les avantages de cette approche sont multiples :
- Élimination efficace des contaminants
- Production de sous-produits utiles ou inoffensifs
- Réduction des déchets concentrés
- Amélioration de la qualité de l’eau traitée
Un parcours inspiré par la curiosité scientifique
L’intérêt de Léa Winter pour la science remonte à son enfance à New Haven. Elle a toujours été fascinée par la compréhension du fonctionnement des choses, que ce soit en déterrant des fossiles dans son jardin ou en démontant et remontant des stylos. Une expérience marquante a toutefois eu lieu lors de sa dernière année de lycée, lorsqu’elle a posé une question sur la réaction de deux produits chimiques pendant un cours de chimie avancée. Ne connaissant pas la réponse, l’enseignant l’a encouragé à mener ses propres expériences pour trouver la réponse.
La scientifique raconte comment cet événement a influencé sa carrière : «Cela a fait naître en moi l’idée que l’on pouvait apprendre à poser les bonnes questions et à concevoir ses propres expériences pour découvrir comment les choses fonctionnent.»
Ses travaux s’inscrivent dans une perspective plus large de développement durable. En développant des technologies qui permettent de produire des matériaux utiles à partir de ressources abondantes comme l’air et l’eau, tout en utilisant des sources d’énergie renouvelables, ils contribuent à réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et à minimiser notre impact sur l’environnement.
Les domaines d’application de ces recherches sont variés :
- Production d’engrais à partir de l’azote atmosphérique
- Synthèse de carburants à partir du CO2 capturé
- Traitement avancé des eaux usées
- Création de produits chimiques à partir de ressources renouvelables
Les recherches menées par la Professeure adjointe de Yale ouvrent de nouvelles perspectives pour la production de matériaux essentiels de manière plus durable. En combinant l’utilisation de sources d’énergie renouvelables avec des processus chimiques innovants, ils contribuent à tracer la route vers un avenir énergétique plus propre et plus respectueux de l’environnement. Leurs travaux pourraient avoir un impact significatif sur la façon dont nous produisons et utilisons les ressources, offrant des solutions concrètes aux défis posés par la raréfaction des ressources naturelles.
Cet article est adapté de la publication d’origine dans le magazine Yale Engineering. : magazine – 2024
Légende illustration principale : L’un des outils d’ingénierie les plus utilisés par Winter est le plasma, créé à l’aide d’une électrode à haute tension et d’une électrode de masse pour générer un champ électrique. Crédit Yale