Alors que la transition énergétique s’accélère, une technologie discrète pourrait modifier les règles du jeu dans le secteur des énergies renouvelables. Des chercheurs de l’université de Kanazawa, en collaboration avec l’entreprise REIKO Co. et l’université Queen’s de Kingston, ont annoncé le développement de cellules solaires tout-organiques (AOSC) affichant un rendement de 8,7 %, doublant les performances des modèles antérieurs. Cette progression, bien que modeste comparée aux taux records des panneaux au silicium (>27 %) ou à base de perovskite (>26 %), marque une étape significative pour une filière longtemps marginale.
Les panneaux solaires traditionnels, centraux dans la production d’énergie verte, posent des défis environnementaux persistants. Leur fabrication exige des procédés énergivores, tandis que leur fin de vie soulève des questions sanitaires. Les modules au silicium, par exemple, incorporent des matériaux potentiellement toxiques — plomb, oxydes métalliques — dont le recyclage génère des coûts élevés. Même les alternatives émergentes, comme les cellules à perovskite, utilisent des composés préoccupants.
Les AOSC, constituées de matériaux carbonés, proposent une alternative moins intrusive. Leur composition entièrement organique permet une incinération sans émission de substances dangereuses, réduisant l’impact environnemental et les dépenses liées à leur élimination. Cette caractéristique répond à une demande croissante de solutions adaptables à des usages spécifiques, comme l’intégration paysagère ou l’usage temporaire.
Innovations techniques : des électrodes au service de la performance
La prouesse des équipes réside dans l’optimisation des composants clés des AOSC. L’électrode transparente, élément vital pour capter la lumière, a été repensée autour du PEDOT:PSS, un polymère conducteur. Ce matériau, déposé à une température modérée (80 °C) sans recours à des acides ou bases corrosifs, préserve l’intégrité des couches organiques sensibles. Avec une résistance électrique inférieure à 70 Ω/sq, il garantit un transport efficace des électrons.
Autre avancée : la méthode de lamination des couches actives. Assembler des films minces sans altérer leurs propriétés représente un défi technique. Les scientifiques ont contourné cette difficulté en fabriquant séparément les électrodes sur des supports protecteurs, avant de les intégrer au dispositif final. Cette approche évite les dommages causés par les procédés traditionnels à base de solvants.
Des applications ciblées, mais des obstacles persistants
Avec un rendement de 8,7 %, les AOSC ne concurrenceront pas immédiatement les géants du photovoltaïque. Leur force réside dans des niches spécifiques : agriculture durable, énergie portable ou urbanisme innovant. Leur légèreté et leur flexibilité permettent d’envisager des installations sur des surfaces complexes — toitures arrondies, façades de bâtiments — là où les panneaux rigides sont inadaptés.
Néanmoins, des verrous subsistent. La durabilité à long terme des matériaux organiques, sensible à l’humidité et aux variations thermiques, reste à prouver. Par ailleurs, le coût de production doit être réduit pour séduire un marché dominé par des technologies matures. Enfin, les performances actuelles sont mesurées sur des cellules de petite taille ; leur extrapolation à des modules industriels reste à valider.

Une meilleure diversification des solutions énergétiques ?
Cette recherche souligne un mouvement plus large : la course à l’efficacité ne saurait occulter la nécessité de diversifier les options technologiques. Alors que le silicium et la perovskite demeurent incontournables pour des installations à grande échelle, les AOSC incarnent une réponse adaptée aux contraintes écologiques et spatiales spécifiques. Leur développement s’inscrit dans une logique de complémentarité, où chaque technologie répond à un segment des besoins énergétiques.
Les prochaines années seront déterminantes. Si les chercheurs parviennent à stabiliser les performances tout en réduisant les coûts, ces cellules pourraient progressivement s’imposer dans des secteurs jusqu’alors négligés. Une trajectoire qui, sans éclipser les géants actuels, ouvre des perspectives pour une transition énergétique plus inclusive et résiliente.
Lexique
- AOSC (Cellules Solaires Tout-Organiques) : Dispositifs photovoltaïques constitués de matériaux organiques à base de carbone, recyclables par incinération sans émissions toxiques.
- PEDOT:PSS : Polymère conducteur utilisé pour les électrodes transparentes, déposé à basse température (80°C) pour préserver les couches organiques fragiles.
- Perovskite : Matériau cristallin utilisé dans les cellules solaires nouvelle génération, offrant un rendement élevé (>26 %) mais controversé pour son utilisation de composés toxiques (plomb).
- Rendement (PCE) : Taux de conversion de l’énergie solaire en électricité, mesuré à 8,7 % pour les AOSC, contre >27 % pour le silicium.
- Matériaux organiques : Composés carbonés biodégradables, évitant les risques sanitaires liés aux métaux lourds des panneaux traditionnels.
- Électrode transparente : Couche conductrice permettant le passage de la lumière tout captant les électrons, optimisée ici grâce au PEDOT:PSS.
- Lamination : Technique d’assemblage des couches actives sans solvants agressifs, préservant l’intégrité des films organiques sensibles.
Article : « Unlocking High-Performance in All-Organic Solar Cells by the Development of Organic Electrodes with no Acid and High-Temperature Treatment and the Effective Preparation Thereof on Organic Multi-layer Films » – DOI: 10.1002/adfm.202419813