Résidu discret de l’industrie pétrochimique, l’hexane se retrouverait dans certaines huiles, laits infantiles ou viandes de poulet. Dans un rapport publié le 22 septembre, Greenpeace France affirme que près de deux tiers des produits testés contiennent ce solvant, connu pour sa neurotoxicité. L’ONG dénonce un « vide réglementaire » et pointe la responsabilité sur les gros acteurs industriels du marché. Elle réclame l’interdiction de l’hexane dans la chaîne alimentaire et un étiquetage transparent.
Une contamination généralisée et jugée inquiétante
Après avoir fait analyser 56 produits courants par un laboratoire universitaire, Greenpeace a découvert des résidus d’hexane dans près de deux tiers d’entre eux, soit 36 précisément. La liste est longue et frappe le cœur même de l’alimentation des ménages, passant par des huiles de marques, des beurres, des laits demi-écrémés, et, plus alarmant encore, des laits infantiles.
Même la viande de poulet et les produits laitiers seraient concernés, car l’hexane utilisé pour extraire l’huile des graines de soja ou de colza laisse des résidus dans les tourteaux donnés en alimentation aux animaux d’élevage. Ce n’est donc pas un composant de niche, mais le quotidien de millions de Français qui semble touché.
Un solvant dangereux, encadré par des règles dépassées
L’hexane n’est pas un additif comme les autres. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) le classe comme substance CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique). Il est donc reconnu comme toxique pour le système nerveux et suspecté d’être reprotoxique.
Pourtant, les données toxicologiques qui servent de base à la réglementation européenne actuelle datent de près de 30 ans et proviennent de l’industrie elle-même. Elle fixe à 1 mg/L de résidus dans les huiles alimentaires. En 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA*) a jugé ces données “insuffisantes et inadéquates”. De plus, la législation ne couvre pas les produits d’origine animale**, ignorant ainsi une voie possible de contamination pour les consommateurs.
Comment expliquer qu’en 2014, l’ANSES recommandait aux femmes enceintes d’éviter l’hexane dans les produits d’entretien, mais que rien ne soit fait pour l’éliminer de leur alimentation, se questionne l’ONG de protection de l’environnement.
Greenpeace pointe surtout du doigt les conglomérats agro-industriels qui opteraient plutôt pour une « logique de rentabilité maximale », au détriment de « la santé publique (qui) semble passer au second plan. » Pour l’ONG, la raison principale resterait d’ordre financière car « ce solvant permet d’extraire environ 97 % de l’huile de la graine, contre 89 % en recourant à l’extraction mécanique. »
Un appel à l’action
Le véritable scandale, selon Greenpeace, n’est pas seulement la présence de l’hexane, mais la complicité passive des autorités. Alors que les risques pour la santé publique sont avérés et que des alternatives existent, rien ne bouge selon elle.
L’ONG exige désormais une triple action : « l’interdiction de l’utilisation de l’hexane » comme solvant d’extraction dans tous les produits alimentaires français, qu’ils soient à destination des êtres humains ou des animaux d’élevage ; « l’interdiction d’importer et de vendre des produits alimentaires contenant des résidus d’hexane » ; et surtout, « l’étiquetage obligatoire des auxiliaires technologiques » sur tous les produits.
Alors que la confiance du public dans l’industrie agroalimentaire est grandement fragilisé, cette nouvelle révélation pourrait bien être la goutte d’huile qui fait déborder le vase.
Lire le rapport complet : NOS ALIMENTS CONTAMINÉS À L’HEXANE (en .PDF)
*Authority (EFSA) et al., « Technical Report on the Need for Re-Evaluation of the Safety of Hexane Used as an Extraction Solvent in the Production of Foodstuffs and Food Ingredients ».
**Directive 2009/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les solvants d’extraction utilisés dans la fabrication des denrées alimentaires et de leurs ingrédients. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:02009L0032-20230216
Source : Greenpeace