La construction de serres sur la Lune, sans apport de matériaux terrestres, pourrait bientôt devenir une réalité grâce aux efforts conjoints de chercheurs de NTNU Social Research et de SINTEF. Leur expertise combinée ouvre la voie à de nouvelles missions lunaires et à l’exploration future de Mars, tout en offrant des perspectives prometteuses pour l’innovation durable sur Terre.
Depuis la dernière mission humaine sur la Lune en décembre 1972, aucun retour n’a été effectué. Cependant, des chercheurs de Trondheim apportent aujourd’hui leur contribution à de nouvelles missions lunaires et à l’exploration future de Mars, en collaboration avec l’Agence spatiale européenne (ESA). Le Centre for Interdisciplinary Research in Space (CIRiS) joue un rôle clé dans ce projet, en se concentrant sur la capacité des astronautes à cultiver leur propre nourriture lors de voyages spatiaux de longue durée.
Au cours des deux dernières années, NTNU Social Research a assisté l’ESA dans une étape cruciale du rêve martien : la culture de plantes sur la Lune dans des serres. L’idée est que les astronautes utilisent la régolite (poussière lunaire), abondante à la surface de la Lune, pour construire ces serres dans un environnement dépourvu d’eau liquide, de vent, soumis à un rayonnement intense et à d’énormes variations de température entre le jour et la nuit, le tout en l’absence de gravité.
Des serres en régolite lunaire grâce à l’expertise de SINTEF
Le transport de matériaux depuis la Terre étant limité, la construction de serres à partir de ressources lunaires est un défi majeur. Sophie Labonnote-Weber, chef de projet, et Øyvind Mejdell Jakobsen, chercheur principal, tous deux de NTNU Social Research, ont fait appel à l’expertise de SINTEF en matière de construction et de propriétés des matériaux.
Harald Justnes et Tobias Danner de SINTEF Community, experts en matériaux de construction, ont collaboré avec Johan Fahlstrøm et Olav Åsebø Berg de SINTEF Manufacturing, spécialistes des techniques de production automatisées. Après avoir évalué les propriétés d’un substitut de régolite et les conditions lunaires, ils ont opté pour un nouveau concept basé sur la production de billes d’argile expansée, similaire aux billes Leca. Cette méthode ne nécessite qu’une petite quantité de carbone provenant du sol, car la réaction entre le carbone et l’oxyde de fer présent dans la régolite forme un gaz CO2/CO qui dilate la régolite lorsqu’elle est chauffée à une phase plastique proche du point de fusion.
Du sucre pour construire des blocs de régolite expansée
Les chercheurs de SINTEF ont démontré avec succès qu’en ajoutant une petite quantité de carbone (du sucre) à la régolite riche en oxyde de fer et en la chauffant à environ 1200 degrés Celsius, le matériau se dilate, devenant plus isolant thermiquement et plus léger. Cette température peut être atteinte sur la Lune en utilisant la lumière solaire concentrée ou des fours électriques alimentés par des batteries chargées par des panneaux solaires. Ce nouveau produit, appelé LER (lightweight expanded regolith), permet de créer des blocs empilables pour former une structure en dôme, à l’image de la pose de briques sur Terre.
La présence de glace aux pôles de la Lune, utilisable comme eau potable et pour la culture des plantes, impose la construction de ces serres à l’un des pôles lunaires. Les astronautes devront également fabriquer des bacs de culture étanches, potentiellement en utilisant le soufre extrait sur place pour imperméabiliser le produit LER.
Labonnote-Weber et Mejdell Jakobsen ont poursuivi leurs expérimentations à l’aide des échantillons de matériau LER préparés par SINTEF. Dans des bacs spécialement conçus, ils ont utilisé une méthode de culture hydroponique, similaire à celle utilisée pour faire pousser des herbes aromatiques en cuisine. Ils ont cultivé une variété de laitue exposée à la régolite expansée légère pour évaluer son impact sur la croissance. Les chercheurs de NTNU Social Research ont également évalué les aspects fonctionnels, la durabilité et la facilité de transposition des petits échantillons de matériau à un modèle à grande échelle sur la Lune. Leur rapport à l’ESA conclut que tout semble prometteur et réalisable.
Des retombées durables pour la Terre
Au-delà de contribuer à de nouvelles missions spatiales vers la Lune et Mars, l’ambition de NTNU Social Research est claire : faire en sorte que la recherche sur les voyages spatiaux habités stimule l’innovation durable sur Terre. Avec une population mondiale en constante augmentation et un besoin croissant d’une alimentation plus végétale, la connaissance des méthodes de culture les plus efficaces sera précieuse à l’avenir.
Comme le souligne Labonnote-Weber, «ce que nous avons fait ici est facilement transposable aux conditions terrestres».
Légende illustration : Sur la lune, il n’y a pas d’eau liquide, pas de vent, un rayonnement assez fort et d’énormes différences de température entre le jour et la nuit. Et comme nous le savons, la gravité est faible. Néanmoins, les scientifiques pensent qu’il est possible de construire des serres sur la lune. Photo prise par Apollo 16 / NASA