Energies renouvelables : les techniques d’avenir ?

La Journée de l’Environnement du 31 mars, organisée par l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais, a fait le point sur l’avancée des recherches et des nouvelles techniques liées aux énergies renouvelables.

Un bilan énergétique lourd et des conséquences inévitables

Michel Dubois (LaSalle Beauvais) et Luc de Marliave (TOTAL) ont posé les constats du bilan énergétique au niveau mondial dans une vision prospective jusqu’à 2050 :

– La population mondiale atteindra 9 milliards d’habitants, soit 2 milliards de plus qu’à la fin de cette année. Sauf crise majeure, la croissance économique globale, surtout tirée par les pays dits émergents, entrainera, en absence de changement, une croissance de la demande mondiale en énergie d’au moins 40% par rapport à la demande actuelle.

– La part des énergies renouvelables, bien qu’en croissance rapide, ne couvrira pas cette augmentation. En prenant en compte la décroissance des énergies fossiles – baisse de la production pétrolière, mesures volontaristes contre la production de gaz à effet de serre – il manquera entre 5,1 et 8,5 Gtep (milliards de tonnes équivalents pétrole) pour répondre à la demande totale estimée à 20 Gtep ! Comment les combler ? Sobriété énergétique ? Efficacité énergétique ? Nucléaire ?… Il s’agira d’une transformation industrielle et sociétale considérable.

Les différentes voies d’énergies alternatives

Les biocarburants représentent un enjeu à la fois économique et écologique face à l’augmentation du prix du pétrole, à l’épuisement des ressources fossiles et aux problèmes environnementaux, comme le souligne Robert Ralainirina (LaSalle Beauvais). Ces biocarburants, issus de la transformation de matières végétales, sont nettement moins polluants et se positionnent comme des pistes prometteuses de substitution aux énergies fossiles.

Parmi les techniques d’avenir, les nanomatériaux (nanoparticules, nanofilms, nanofibres) et les bioénergies (micro-ondes, ozonation, méthanisation) sont plus que jamais d’actualité.

Thierry Ribeiro (LaSalle Beauvais) revient sur le mode de production du biogaz par la méthanisation de la matière organique. Il insiste sur ses valorisations possibles : l’électricité, la chaleur – voire même le froid – (utilisé en chaudière ou en injection dans le réseau de gaz), ainsi que le carburant par la production du biométhane. Grâce à la volonté politique de développement de cette bioénergie, 1000 unités de biogaz devraient voir le jour sur le territoire national, d’ici 4 à 5 ans.

Les recherches dans le domaine du photovoltaïque sont également très actives. Daniel Lincot (IRDPE) affirme que la production photovoltaïque croît d’environ 40% par an, ces dernières années dans notre pays, avec une progression marquée des filières technologiques couches minces par rapport aux filières technologiques basées sur le silicium cristallin. La recherche vise en particulier à l’augmentation des rendements (le record obtenu étant de près de 42%) ou encore à l’apparition de nouvelles structures de cellules solaires.

Cette industrie étant encore jeune, le seuil de compétitivité de cette technologie est attendu pour 2015-2020. Luc de Marliave (TOTAL) complète ces chiffres par une vision au niveau mondiale : le solaire photovoltaïque a une croissance assurée de 20 à 25% par an jusqu’en 2020.

La mer est également un milieu riche en flux énergétiques pouvant être exploités sous différentes formes. Olivier BAIN (LaSalle Beauvais) dresse un bilan des principales sources d’énergies marines : l’énergie marémotrice, l’énergie des courants de marée (houlomotrice), l’énergie thermique des mers, l’énergie des gradients de pression osmotique, l’éolien offshore et l’énergie des vagues.

Ces technologies se trouvent dans le monde à divers stades de développement. En France, la croissance de leur utilisation est programmée puisque le pays possède une ouverture océanique conséquente. Vers 2020, les projets labellisés de récupération de l’énergie marine devraient générer plus de 3200 emplois directs.
Pour anticiper les besoins en énergie de demain tout en réduisant parallèlement les émissions de gaz à effet de serre, il sera nécessaire d’utiliser plusieurs énergies renouvelables comme ressources additionnelles aux énergies fossiles dont la part doit nécessairement décroître. Vraisemblablement, selon Luc de Marliave (TOTAL), le charbon, le solaire et le nucléaire devraient apporter les principales contributions.

TOTAL, pour sa part, a choisi de parier sur le solaire, la biomasse et une énergie sans CO2 : le nucléaire.

En ce qui concerne la biomasse, l’entreprise privilégie trois voies de transformation expérimentées dans 8 projets pilotes : la thermo-(bio)chimie pour les carburants, le biochimie pour les lubrifiants et les algues photosynthétiques pour les produits chimiques.

Les risques liés au développement des énergies renouvelables

La jeunesse de ces technologies induit une méconnaissance des risques liés à leur utilisation, que ce soit pour les biocarburants, les biogaz, ou encore les nanomatériaux qui se développent de manière fulgurante. C’est pourquoi, comme le présente Alexis Vignes, l’INERIS travaille à produire et collecter des données de sécurité, afin de maîtriser au mieux les risques accidentels et sanitaires et de contribuer à l’élaboration d’un cadre réglementaire et normatif adapté.

Le transfert de technologie pour un équilibre mondial

Chaden DIYAB (IES-EMCA) souligne cependant l’importance de trouver des solutions environnementales, industrielles et politiques afin de préserver l’équilibre entre les pays producteurs pétroliers du Sud et ceux producteurs de technologies du Nord. D’ailleurs, certaines grosses firmes pétrolières vont dans ce sens, comme Luc de Marliave l’explique pour TOTAL qui s’est engagé dans divers projets : implication dans l’industrie du solaire photovoltaïque, partenariat sur l’une des plus grandes centrales solaire concentré au monde à Abou Dhabi ou encore distribution et production de biocarburants en Europe.

Les énergies renouvelables en Picardie

Christian Fabry (ADEME Picardie) et Christophe Porquier (Conseil régional de Picardie) rappellent un avantage notable du développement des énergies renouvelables qui réside dans la garantie de l’autonomie énergétique des territoires. Cette évolution va conduire à des modèles énergétiques décentralisés et adaptés.

Ainsi, Christian Fabry explique qu’en Picardie de nombreux projets sont concrétisés et continuent de s’étendre dans les domaines de l’éolien et des chaufferies à bois. Christophe Porquier a présenté sur ce sujet la politique énergie-climat engagée par la région.

Parallèlement au soutien actif du développement des énergies renouvelables – la Picardie est la première région éolienne de France -, la région investit pour la maîtrise de la consommation. L’objectif est de favoriser l’évolution et la transition économique vers la valorisation des potentiels locaux et la maîtrise des filières locales, notamment pour la chaleur-bois et les produits locaux d’isolation pour l’habitat (lin, chanvre, paille).


Pour les énergies de demain : de nombreux défis technologiques

– résoudre la problématique du stockage dense de l’énergie produite par intermittence par les énergies renouvelables,
– accélérer la Recherche & Développement,
– réussir à associer négawatts (= une moindre consommation) et énergies alternatives,
– parvenir à accroître le potentiel alternatif,
– créer des outils et des méthodologies pour évaluer les risques de tous ces nouveaux systèmes de production d’énergie (risques sanitaires ; compression et épuration du biogaz pour le carburant ou le réseau de gaz ; les nanomatériaux ; ….)
– former du personnel dépendant des communes pour la maintenance des éoliennes,
– partager les acquis technologies avec les pays du sud (éduquer, former, tansférer)
– développer des filières locales de valorisation des matériaux locaux
– etc…

Il faudra donc que des investissements colossaux soient décidés, tant en R&D qu’en production industrielle, associés à une modification profonde de notre façon de vivre.

Des exemples concrets

… à l’échelle de la ville de Beauvais : Réseau de chaleur à bois

Depuis octobre 2010, une chaufferie centrale alimentée au bois produit de la chaleur pour tout un quartier de la ville de Beauvais. Logements et équipements publics sont alimentés au moyen d’échangeurs thermiques. Les bénéfices ? 6 emplois à temps plein ont pu être créés, les usagers voient leurs charges réduites et stabilisées, les émissions de CO2 de la ville ont diminué de 10 % et ce système a donné une impulsion à la filière bois-énergie picarde.

…un système original : dispositif de dépollution alimenté par des énergies renouvelables

Silex international a mis au point une unité automatique de pompage pour la récupération de solvants chlorés présents en phase libre au sein de la nappe phréatique d’une friche industrielle (2006). Le dispositif récupère 200 tonnes de produit par an depuis 2007. Sur une autre partie de la zone polluée, l’absence de source d’énergie a conduit à concevoir une unité mobile entièrement alimentée par des panneaux solaires et par une éolienne. Ainsi, la dépollution de la nappe se poursuivra grâce à la mise au point de ce dispositif alimenté à 100% par des énergies renouvelables.

… à l’échelle du campus LaSalle Beauvais : chauffage par géothermie profonde

Un autre exemple de recherche active est donné par le projet EGP (Exploitation de la Géothermie Profonde) porté par Benoît Proudhon et Yannick Vautier (LaSalle Beauvais). Ce projet vise à exploiter la géothermie profonde sur le site de LaSalle Beauvais, dans le but de fournir un chauffage propre pour son « Campus responsable » selon un procédé non invasif pour le milieu. L’ADEME soutient l’étude de faisabilité de ce projet grâce à son Fonds Chaleur.

La première étape sera de mener une action de reconnaissance géologique du sous-sol puis de faire une étude de faisabilité géothermique. Encore jamais réalisée, l’exploitation de cette géothermie profonde soulève quelques challenges que nos enseignants-chercheurs en géologie sont prêts à relever : définir le mode de forage le plus adapté, mettre au point le fluide caloporteur spécifique et définir le design de circulation du système. Les répercussions d’un tel projet seront nombreuses pour l’Institut en terme d’apports en formation et en recherche appliquée : ingénierie, essais géotechniques, suivis hydrogéologiques, sécurité, tests, calibrages d’outils…

LaSalle Beauvais s’apprête à lancer une consultation auprès d’entreprises susceptibles de participer à l’étude de faisabilité qui serait parrainée par l’AGBP (Association des Géologues du Bassin de Paris) et financée par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie), le Conseil régional de Picardie, l’Europe, et l’Institut lui-même.

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Mariob

Bonjour, il ne faudrait pas oublier dans la liste des énergies renouvelables qui ont décidément le vent en poupe, une énergie qui n’est pratiquée que par un nombre restreint de scientifiques et technologues, l’énergie magnétique et qui par la technique de l’asymétrie de la réponse d’un rotor aimanté à un stator symétrique aimanté ou la désymétrisation du pole aimanté, par un écran magnétique sur 50% de sa surface, fournit d’excellent moteurs, depuis au moins les 60’s (moteur de Howard Johnson) et depuis 2004 (moteur de Mike Brady) dont les brevets sont sur le net et dans le cas du second, incomplet; ces moteurs magnétiques peuvent fournir le travail convertible en électricité, chaleur et transport ! Voici le lien ou vous trouverez des renseignements sur ces moteurs sur facabook:

S8053833

Comment fournir 25 GTep? La question peut effectivement se poser mais il est fort probable qu’une crise majeure interviendra avant. 3 origines à cette crise peuvent expliquer que nous n’aurons sans doute jamais l’occasion de fournir ces 25 Gtep: 1. Pénurie de pétrole créant une envolée des couts. Phénomène toujours suivi de crise 2. Dettes souveraines non remboursées créant un risque systémique chez les épargnants 3. Le plus dangereux: Pénurie de matières premières On pourra lire cet article “Quand le système monétaire s’effondrera..” bien qu’il ne couvre qu’une partie de la réponse.

Kerfelin

Une opération de géothermie profonde avait été réalisée a Beauvais dans les années 80. Elle a, au bout de quelques temps été abandonnée pour des raisons techniques et économiques. Aujourd’hui le contexte est différent, plus favorable, mais il est nécessaire de bien s’inspirer des éléments recueillis au cours de cette expérience.

Guydegif(91)

Quelques Bonnes idées et pistes soulevées dans cet article ! quelques-une méritent de faire école et de servir d’inspiration à d’autres régions…A bons entendeurs… Concernant la ”géothermie profonde” il n’est pas mentionné ni la profondeur ni la temérature escomptée. Parle-t-on de plusieurs milliers de mètres? de 150°C et plus? Le GEIE de Soultz-sous-Forêts en Alsace a expérimenté pendant de longues années (20?) de la géothermie de 200°C à 5000 mètres. Le site web est fort bien fait et pourrait servir de source d’idées. De plus l’équipe du GEIE semble prête à donner des conseils… Donc pour optimiser les avancées et les coûts ce contact parait judicieux… A+ Salutations Guydegif(91)

jihemnet

Pour le chauffage les contraintes sont moindres et les procédés assez différents. Voir cet excellent dossier: si les liens sont conformes à la chartre du site.

Pablo

on voudrait des techniques nouvelles s’il vous plait

Pablo

On voudrait des explication meilleur et précise si possible