Favoriser le chauffage électrique peu performant ou fermer les centrales charbon

Contrairement à ses voisins européens, la France a depuis des décennies massivement développé les convecteurs électriques, particulièrement inefficaces. Ce choix a entraîné la construction d’un parc de production surdimensionné, qui n’est sollicité entièrement que quelques heures par an pour répondre à la pointe de consommation hivernale.

À l’heure ou François de Rugy appelle à réduire cette pointe pour fermer les centrales à charbon, le projet de PPE intègre de son côté une évolution réglementaire particulièrement favorable au retour du chauffage électrique peu performant. Il va pourtant falloir choisir entre les deux !

La remise de l’évaluation complémentaire faite par RTE de la possibilité de fermer les centrales électriques au charbon françaises sans mettre en danger la sécurité d’approvisionnement confirme que ce n’est possible qu’à la condition expresse de renforcer les efforts de maîtrise de la consommation, et notamment de pointe.

Participant activement aux travaux de prospective de RTE et particulièrement attentive aux enjeux de maîtrise de l’énergie, l’Association négaWatt ne peut que partager ces conclusions de bon sens. Nous sommes évidemment prêts à partager nos expertise et propositions de politiques et mesures efficaces pour alimenter, sur ce sujet comme sur d’autres, la réflexion du Gouvernement.

Dans ce contexte, nous ne comprenons pas la volonté de rétablir la domination du chauffage électrique peu performant dans les bâtiments.

Dernier épisode en date illustrant cette volonté : le souhait du gouvernement de jouer sur un paramètre technique en abaissant le coefficient de conversion de l’électricité entre énergie finale et énergie primaire dans le cadre du projet de PPE et des travaux préparatoires à la RT2020.

Le chauffage électrique par convecteurs à effet Joule (appelés couramment « grille-pains ») occupe une place très importante dans le logement, notamment chez les ménages aux plus faibles revenus. Dès lors, la question du coefficient de conversion de l’électricité pris en compte dans la réglementation thermique, censé refléter les pertes d’énergie entre la ressource primaire (celle que l’on prélève dans la nature) et l’énergie finale (celle qui est facturée au consommateur final) est un enjeu considérable ; c’est ce coefficient qui permet de fixer les exigences de performance technique pour les bâtiments chauffés à l’électricité de manière plus ou moins ambitieuse1.

Le chauffage électrique est en grande partie responsable de la pointe de consommation hivernale. Cette pointe est la principale fragilité du système électrique français, voire européen : elle nécessite d’avoir un parc de production sur-dimensionné en moyens de production flexibles, très majoritairement thermiques et carbonés. Or l’objectif avancé de décarboner le secteur des bâtiments en y favorisant le vecteur électrique ne peut pas fonctionner s’il passe par une dégradation de la performance. En matière d’électricité ce sont les pompes à chaleur à haut rendement qu’il convient de privilégier, ce que permet déjà la réglementation actuelle.

Adopter – comme le propose la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) – un coefficient artificiellement bas de 2,1 (contre conventionnellement 2,58 et en réalité 2,75 en 2018 selon les calculs de la DGEC elle-même) qui ouvrirait la porte au retour du chauffage électrique peu performant est incompatible avec les objectifs français, et en particulier la fermeture des centrales charbon, clairement conditionnée à la maîtrise de la pointe électrique.

1. Par exemple, pour atteindre un objectif de 50 kWh/m2/an en énergie primaire, un bâtiment chauffé à l’électricité devra être beaucoup plus performant en énergie finale si le coefficient est de 3 au lieu de 2.

+ Téléchargez la note d’analyse complémentaire Le retour du chauffage électrique peu performant dans les bâtiments aura t-il lieu ? (format pdf – 3 pages)

L'Association  négaWatt  a  été  créée  en  2001  par  des  experts  et  praticiens  de  l'énergie  convaincus qu’un autre modèle énergétique est non seulement réalisable sur le plan technique, mais aussi souhaitable pour la société. Elle s'appuie aujourd'hui sur un réseau de plus de 1200 adhérents.

CP
Lien principal : negawatt.org/

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Aphi

Non le chauffage électrique n’est pas inefficace. 100% de l’électricité est transformée en Joules …
L’abbération n’est pas d’installer des chauffages électriques, mais bien d’installer des chauffages électriques dans des logements non isolés, tel que cela a été fait pendant trop longtemps.

Allons plus loin: est-il pertinent d’installer des moyens “conventionnels” (chaudière, pompe à chaleur, , etc) dans des logement derniere génération, donc à très bonne isolation ? Plus l’isolation s’améliore, plus le benefice de ces moyens de chauffage diminue. Quid du cycle de vie d’une pompe à chaleur ? ou d’une chaudière dernière géneration ?

Je ne dis pas ici que les convecteurs sont la panacée. Mais plutôt que leur diaboilisation genéralisée n’apporte rien et relève du cliché. Un convecteur dans un petit logement très bien isolé a probablement déjà du sens, et certainement encore plus d’ici quelques années quand les niveaux d’isolation auront augmenté. un convecteur dans une vieille maison historique mal isolée reste une abbération à long terme.
Stop aux clichés svp !