L’architecture contemporaine s’efforce de repenser les matériaux traditionnels pour répondre aux besoins croissants d’innovation et de durabilité. Dans cette quête, une équipe de chercheurs du MIT a exploré un matériau ancestral sous un angle inédit : la terre. Leur démarche pourrait redéfinir certains aspects de la construction en béton, tout en réduisant les coûts et l’empreinte carbone. Une solution qui interpelle autant par son ingéniosité que par sa simplicité.
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont mis au point une technique permettant d’utiliser de la terre légèrement traitée comme coffrage pour le béton. Cette approche repose sur l’impression 3D à grande échelle, remplaçant ainsi les structures en bois habituellement employées dans ce type de construction. Sandy Curth, doctorant au département d’architecture du MIT, a joué un rôle central dans ce projet. Il a souligné l’adaptabilité du procédé, qui ne nécessite pas de bouleversements majeurs dans les pratiques industrielles actuelles : « Nous avons démontré que nous pouvions prendre le sol sur lequel nous marchons, ou les déchets de chantier, pour en faire des coffrages précis, complexes et flexibles destinés à des structures en béton personnalisées. »
Un impact environnemental notable
L’approche développée, baptisée EarthWorks, intègre des additifs tels que de la paille et un revêtement cireux pour renforcer la résistance de la terre et éviter toute infiltration d’eau. Grâce à cette innovation, le processus de construction pourrait être accéléré tout en réduisant significativement les coûts. Les matériaux utilisés sont recyclables à l’infini, ce qui constitue un avantage non négligeable.
La construction en béton représente jusqu’à 8 % des émissions mondiales de carbone, un chiffre alarmant qui justifie pleinement la recherche de solutions alternatives. L’utilisation de la terre comme matériau de coffrage pourrait contribuer à diminuer ces émissions. Caitlin Mueller, professeure associée au MIT, a affirmé : « La technique EarthWorks rapproche considérablement les structures optimisées et complexes de leur réalisation concrète, grâce à une méthode de fabrication bas coût et faible en carbone applicable partout dans le monde. » Elle a ajouté que cette méthode pourrait rendre les bâtiments en béton armé bien plus efficaces en termes de consommation de matériaux.
En combinant la méthode EarthWorks avec des techniques d’optimisation de forme, telles que celles développées précédemment par Mohamed Ismail et Caitlin Mueller, il serait possible de réduire les émissions de carbone des structures en béton armé de plus de 50 %. Ce résultat illustre parfaitement la synergie entre innovation technologique et durabilité.
Vers une architecture plus flexible
Outre ses bénéfices économiques et environnementaux, cette méthode offre une flexibilité accrue dans la conception architecturale. Les formes complexes, souvent difficiles à réaliser avec des coffrages en bois, deviennent accessibles grâce à l’impression 3D de terre. Sandy Curth a expliqué : « Ce qui est fascinant ici, c’est notre capacité à créer des éléments de construction optimisés en termes de forme, sans dépenser plus de temps ni d’énergie que pour des éléments rectilignes. » Cette affirmation met en lumière l’accessibilité des formes architecturales novatrices.
Les architectes et ingénieurs disposent désormais d’un outil permettant de concevoir des structures en béton sur mesure, adaptées aux exigences spécifiques de chaque projet. La liberté créative ainsi générée pourrait inspirer de nouvelles tendances dans le domaine de la construction urbaine.
Le succès de cette initiative repose sur une collaboration étroite entre plusieurs experts. Lawrence Sass, professeur et directeur du groupe Computation au MIT, ainsi que Caitlin Mueller, figurent parmi les contributeurs majeurs. Leur expertise en matière de calculs computationnels a permis de développer des solutions structurales innovantes. Mueller a commenté pour sa part : « Le béton est un matériau formidable lorsqu’il est utilisé de manière réfléchie et efficace, ce qui est intrinsèquement lié à la manière dont il est façonné. » Elle a poursuivi en affirmant que cette technique abolit le compromis entre performance et coût, prouvant que la complexité peut être atteinte avec une faible empreinte carbone.

Des perspectives futures ambitieuses
Au-delà de son application immédiate comme coffrage pour le béton, la méthode EarthWorks pourrait être utilisée pour construire des modèles entiers de bâtiments en terre. Sandy Curth, également fondateur de FORMA Systems, envisage déjà des projets incluant des maisons résidentielles de deux étages fabriquées exclusivement à partir de ce matériau. Bien que l’adobe soit déjà largement utilisé dans certaines régions du monde, notamment aux États-Unis, l’idée serait ici de systématiser sa production pour la rendre accessible à grande échelle.
Sandy Curth témoigne une volonté claire de démocratiser l’accès à des solutions de construction innovantes : « Depuis toujours, les humains ont construit avec la terre. Cependant, face aux exigences modernes en matière de bâtiments urbains en béton, cette approche dissocie le coût de la complexité. Je peux garantir que nous commençons à construire des bâtiments performants pour moins cher. » Cette vision
Légende illustration : « Ce qui est intéressant ici, c’est que nous sommes en mesure de fabriquer des éléments de construction à la forme optimisée pour la même quantité de temps et d’énergie qu’il faudrait pour fabriquer des éléments de construction rectilignes », explique Sandy Curth (debout à l’arrière).
La dynamique a donné naissance à plusieurs publications académiques, dont « EarthWorks : Coffrage en terre imprimé en 3D sans déchets pour la construction en béton armé optimisée ». Ce document, coécrit par Curth et neuf autres collaborateurs, témoigne de l’importance de l’interdisciplinarité dans ce domaine.
Source : Article adapté du contenu de l’auteur Peter Dizikes (MIT)