Internet quantique : “Le plus gros problème est la perte de données”

Internet quantique : "Le plus gros problème est la perte de données

Dans le monde entier, des scientifiques se penchent sur la conception d’un réseau capable de connecter des ordinateurs quantiques sur de longues distances. Andreas Reiserer, professeur spécialisé dans les réseaux quantiques à l’université technique de Munich (TUM), nous éclaire sur les obstacles à surmonter et le rôle clé que peuvent jouer les atomes capturés dans les cristaux.

Professeur Reiserer, qu’est-ce que l’internet quantique et en quoi est-il différent de l’internet classique tel que nous le connaissons ?

« L’idée est la même : nous utilisons l’internet actuel pour connecter des ordinateurs entre eux, tandis que l’internet quantique permet aux ordinateurs quantiques de communiquer entre eux. Mais en termes techniques, l’internet quantique est beaucoup plus complexe. C’est pourquoi seuls de petits réseaux ont été réalisés jusqu’à présent. »

Pourquoi avons-nous besoin d’un réseau quantique ?

« Il existe deux applications principales : Tout d’abord, la mise en réseau d’ordinateurs quantiques permet d’augmenter leur puissance de calcul ; ensuite, un réseau quantique rendra possible le cryptage des communications à l’abri de toute interception. Mais il y a aussi d’autres applications, par exemple la mise en réseau de télescopes pour atteindre une résolution jusqu’alors impossible afin d’observer les profondeurs de l’univers, ou la possibilité de synchroniser les horloges atomiques du monde entier avec une extrême précision, ce qui permet d’étudier des questions physiques totalement nouvelles. »

Comment les ordinateurs quantiques échangent-ils des informations ?

« En grande partie, exactement de la même manière que dans l’internet classique : En utilisant des photons. Ces photons sont transmis par des câbles optiques. L’internet classique utilise des signaux très puissants, des impulsions lumineuses composées de milliards de photons. Ici, l’information est transmise à l’aide d’un code binaire : Lumière allumée ou lumière éteinte, semblable au code Morse. L’internet quantique est différent : il utilise toujours un code binaire, mais l’information n’est pas transportée par des impulsions lumineuses composées de nombreux photons, mais par des photons individuels. Il est ainsi possible de transmettre des états mécaniques quantiques qui contiennent de très grandes quantités d’informations. »

Pourquoi est-il si difficile de construire un internet quantique ?

« Les photons se perdent en chemin dans le câble optique. Dans un réseau normal, les signaux peuvent être facilement amplifiés à l’aide de répéteurs qui ajoutent des photons aux impulsions lumineuses. Mais dans l’internet quantique, si un seul photon est perdu, toutes les informations transmises sont irrémédiablement détruites. Ce type de perte est le plus grand problème lors de la construction d’un réseau fonctionnel. Il pourrait être résolu à l’aide de répéteurs quantiques, sur lesquels mon groupe travaille actuellement. »

Quels sont les défis à relever ?

« La transmission sur de courtes distances fonctionne déjà très bien. Cependant, les pertes augmentent de manière exponentielle à mesure que les distances augmentent. Pour construire des répéteurs quantiques, nous divisons la distance totale en plusieurs petits sous-segments. Des tampons, qui sont en fait de petits ordinateurs quantiques, stockent l’état quantique après chaque sous-segment jusqu’à ce qu’un photon ait été transmis au sous-segment suivant. Ensuite, ce que l’on appelle la téléportation quantique peut être utilisée pour “faire suivre” l’information au photon transmis. Pour ce faire, il faut de petits ordinateurs quantiques efficaces, que nous sommes en train de mettre au point. »

À quoi ressemblent ces petits ordinateurs quantiques ?

« Les meilleurs systèmes étudiés jusqu’à présent utilisent des atomes individuels qui sont capturés dans le vide à l’aide d’un laser et refroidis à très basse température. Cependant, cette approche nécessite un laboratoire entier rempli de composants optiques, ce qui la rend difficile à mettre en œuvre à petite échelle. Au lieu de cela, nous utilisons des cristaux de silicium dans lesquels les atomes individuels ont été insérés et sont en quelque sorte piégés dans le cristal. Les atomes d’erbium que nous utilisons conservent leurs propriétés mécaniques quantiques dans ces conditions. Cette structure nécessite également des températures basses, mais elle est techniquement beaucoup plus simple. Nous avons pu montrer que ce système fonctionne en principe et que les atomes d’erbium, lorsqu’ils sont excités, génèrent des photons qui conviennent au transport d’informations quantiques. L’un des principaux avantages est que nous pouvons construire des milliers, voire des millions de ces structures sur une seule puce de silicium. »

Pourquoi est-ce important ?

« La nécessité d’une mémoire tampon dans les répéteurs signifierait qu’il faudrait beaucoup de temps pour transporter des informations d’un endroit à l’autre. Afin d’obtenir un débit plus rapide, nous utilisons ce que l’on appelle le multiplexage. Cela signifie que le processus est exécuté autant de fois que possible en parallèle. Notre technologie rend cela possible et nous travaillons déjà à sa réalisation. »

Allons-nous tous utiliser l’internet quantique à l’avenir ?

« La situation pourrait être similaire à celle de l’internet classique : Au début, personne ne pouvait imaginer qu’aujourd’hui, tout le monde se promènerait avec un accès à l’internet dans sa poche, utiliserait des satellites pour déterminer sa position et naviguerait à l’aide de l’internet. En ce qui concerne l’internet quantique, nous en sommes encore à un stade très précoce.

« Nos recherches actuelles portent encore sur les principes fondamentaux, sur des questions telles que : “Pouvons-nous connecter ces systèmes ? Pouvons-nous connecter ces systèmes ? Pouvons-nous réussir à disséminer des états quantiques dans le monde entier ? Le potentiel de ce type de système que nous connaissons aujourd’hui serait déjà révolutionnaire dans certains domaines, et je suis sûr qu’il y aura de très nombreuses applications auxquelles personne ne pense encore aujourd’hui.

En synthèse

La construction d’un réseau quantique représente un défi scientifique majeur, mais les avancées dans ce domaine pourraient révolutionner la manière dont nous utilisons l’internet. Les recherches actuelles se concentrent sur la résolution des problèmes techniques liés à la transmission de l’information quantique sur de longues distances. Si ces obstacles peuvent être surmontés, l’internet quantique pourrait ouvrir la voie à une nouvelle ère de communication sécurisée et de puissance de calcul accrue.

Pour une meilleure compréhension

1. Qu’est-ce que l’internet quantique ?

L’internet quantique est un réseau visant à connecter des ordinateurs quantiques entre eux, permettant ainsi une communication et un partage d’informations quantiques sur de longues distances.

2. Pourquoi avons-nous besoin d’un réseau quantique ?

Un réseau quantique présente plusieurs avantages, tels que l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs quantiques, un cryptage des communications inviolable, la mise en réseau de télescopes pour une résolution inégalée et la synchronisation des horloges atomiques à l’échelle mondiale avec une précision extrême.

3. Quels sont les défis liés à la construction d’un internet quantique ?

Les principaux défis sont la perte de photons dans les câbles optiques et la nécessité de développer des répéteurs quantiques pour surmonter cette perte et assurer une transmission efficace de l’information quantique sur de longues distances.

4. Comment fonctionnent les répéteurs quantiques ?

Les répéteurs quantiques divisent la distance totale en de nombreux petits segments et utilisent des tampons (petits ordinateurs quantiques) pour stocker l’état quantique après chaque segment. La téléportation quantique est ensuite utilisée pour transmettre l’information au photon transmis.

5. Quel est l’avenir de l’internet quantique ?

L’internet quantique en est encore à ses débuts, mais il pourrait révolutionner la manière dont nous utilisons l’internet en offrant une communication sécurisée et une puissance de calcul accrue. Les recherches actuelles se concentrent sur la résolution des problèmes techniques liés à la transmission de l’information quantique sur de longues distances.

Principaux enseignements

Enseignement
L’internet quantique vise à connecter des ordinateurs quantiques entre eux.
Un réseau quantique permettrait d’augmenter la puissance de calcul et d’assurer un cryptage inviolable.
La perte de photons dans les câbles optiques est un défi majeur pour la construction d’un internet quantique.
Les répéteurs quantiques pourraient résoudre le problème de la perte de photons.
La téléportation quantique est utilisée pour transmettre l’information dans les répéteurs quantiques.
Les atomes capturés dans les cristaux jouent un rôle clé dans le développement de l’internet quantique.
L’internet quantique pourrait permettre la mise en réseau de télescopes pour une résolution inégalée.
La synchronisation des horloges atomiques à l’échelle mondiale serait possible grâce à l’internet quantique.
Les recherches actuelles se concentrent sur la résolution des problèmes techniques liés à la transmission de l’information quantique.
L’internet quantique pourrait révolutionner la manière dont nous utilisons l’internet.

Références

Légende illustration principale : Le professeur Andreas Reiserer dans son laboratoire avec un dispositif expérimental. Crédit : TUM

[ Rédaction ]

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