EDF Energies Nouvelles a annoncé vendredi dernier la mise en service de la centrale solaire de Crucey d’une puissance installée de 60 MW, implantée dans le département d’Eure-et-Loir, près de Chartres, en région Centre.
La centrale photovoltaïque de Crucey est équipée d’environ 741.150 panneaux photovoltaïques nouvelle génération, dits en « couches minces », et fabriqués par l’américain First Solar. La centrale solaire est en mesure de produire l’équivalent de la consommation électrique d’environ 28.000 habitants et permet d’éviter l’émission d’environ 4.600 tonnes de CO2 par an.
Cette réalisation permet par ailleurs la reconversion d’une friche militaire en revalorisant des terrains désaffectés et pollués d’une ancienne base aérienne de l’OTAN. En effet, 2.500 tonnes de déchets amiantés, 2.000 m3 de liquides et 600 tonnes de terres polluées ont été extraites et retraitées.
La centrale, dont le projet a démarré en 2009, a été développée et réalisée par EDF EN France et mise en service progressivement depuis mai 2012. Son exploitation et sa maintenance seront assurées par la filiale d’EDF Energies Nouvelles.
Voici comment EDF EN (donc EDF, donc l’Etat) arrive à contourner la réglementation avec la complicité des pouvoirs publics et de l’administration pour réaliser des installations de plusieurs dizaines de MW bénéficiant de tarifs d’achat scandaleux, en l’occurrence 35,17 €/kWh pour celle-ci. 1) Comment cette consultation a été truquée pour qu’EDF EN en soit le lauréat ? Pour respecter le droit communautaire le CG28 a organisé en juillet 2010 une consultation fantoche pour désigner l’entreprise à qui sera proposée une promesse de bail pour réaliser ce projet. Bien entendu, le cabinet du Ministre de l’Energie de l’Epoque, JL Borloo, en la personne de Jean-François Carenco, l’actuel préfet du Rhône et notre cher A de Montgolfier, le Président du Conseil général d’Eure-et-Loir, se sont au préalable mis d’accord pour que le lauréat de cette consultation ne soit personne d’autre qu’EDF EN. Logique donc qu’à l’issue de cette consultation en février 2011, c’est à dire en plein moratoire, le CG28 désigne EDF EN comme lauréat de cette consultation malgré la présence de concurrents disposant d’une bien meilleure expérience en la matière. 2) Comment ce projet a réussi à échapper au moratoire instauré par le décret du 9 décembre 2010 ? Très simple : EDF EN, qui était certain d’être désigné, n’a même pas attendu la fin de la consultation pour effectuer une demande de raccordement au réseau de cette installation ! Plus incroyable encore, cette demande de raccordement a été déposée, non pas à ERDF qui croulait à cette époque sous les demandes, mais auprès de RTE selon une procédure bizarrement beaucoup plus simple qu’ERDF malgré la taille bien plus importante des projets concernés. Cette procédure, mise en place entre collègues du groupe EDF, a permis à EDF EN de déposer une demande de raccordement au réseau à RTE le 28 juin 2010 sans avoir à justifier ni du contrôle du foncier (EDF EN est à ce moment simple candidat mais pas encore lauréat) ni d’un permis de construire contrairement à ce qui était demandé à l’époque par ERDF. Dans le dos des autres concurrents et grâce à la collaboration de RTE, EDF EN a pu sécuriser son tarif d’achat tranquillement dans son coin à un niveau indécent (35,17 €/kWh !!!!) au moment même ou un autre serviteur dévoué de l’Etat, Charpin qui est également administrateur d’EDF et qui a donc un pied dans EDF EN, rédigeait sur commande son rapport à charge sur la bulle spéculative du photovoltaïque. 3) A quelle condition ce projet peut effectivement bénéficier de l’obligation d’achat à ce tarif exorbitant ? L’article 4 du décret du 9 décembre 2010 précise que « Le bénéfice de l’obligation d’achat au titre de l’article 3 est subordonné à la mise en service de l’installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l’acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau … ». Comme EDF EN, la bien informée par ses mouchards perchés au sommet de l’Etat, a notifié son acceptation de cette PTF la veille de l’entrée en vigueur du moratoire, c’est à dire le 2 décembre 2010, cette installation aurait dû être achevée au plus tard le 2 juin 2012 et mise en service 2 mois plus tard soit le 2 août 2012 ! Véritable exploit pour un projet de cette taille sans le soutien inconditionnel de toutes les administrations et surtout de la part de RTE, car 2 ans entre la demande de PTF et la mise en service de raccordements sur le réseau de transport, c’est assez exceptionnel, mais entre collègues du même groupe, faut bien s’entre-aider ! S’il s’avérait que ces échéances n’étaient effectivement pas été respectées, cette installation ne pourrait en conséquence pas bénéficier de l’obligation d’achat et serait donc privée du tarif de 35,17 €/kWh ! Il va être très compliqué de vérifier ceci puisque cette information ne fait malheureusement pas partie des données demandées dans la question écrite qui a été posée à l’actuelle Ministre de l’écologie le 18 septembre 2011 par Philippe Meunier, le député UMP du Rhône, pour « dissiper les doutes ou soupçons laissant craindre une rupture du principe d’égalité de traitement » entre EDF EN et ses concurrents. C’est fort dommage car ceci aurait permis de dissiper les doutes et les soupçons qui me laissent craindre une grosse magouille de l’Etat, du CG28 et d’EDF EN ! 4) Comment EDF EN a pu poursuivre le développement de ce projet malgré l’annulation de la procédure du bail emphytéotique par le tribunal administratif d’Orléans ? C’est un mystère ! Je rappelle cependant que le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans a annulé la procédure du bail emphytéotique du CG28 suite à un recours déposé par Solaire Direct . Il a conclu qu’EDF EN a profité de tarifs d’achat garantis n’ayant pas subi le moratoire contrairement aux concurrents. « Seule la société EDF EN a pu produire une acceptation des propositions techniques et financières de raccordement au réseau, qui lui avaient été transmises par RTE le 19 novembre 2010… avant l’expiration du délai ouvert par le décret du 9 décembre 2010 relatif au moratoire ». Dans tous les cas, il est flagrant de constater que l’ordonnance du tribunal administratif du 25 mars 2011 n’a perturbé en rien le développement de ce projet ni la volonté du CG28 de ne conclure ce bail qu’avec EDF EN: les permis de construire (16 au total), déposés le 25 février 2011, ont été accordés en juillet 2011 comme si de rien n’était ! 5) Comment EDF EN contourne la Loi du 10 février 2000 et le Décret du 6 décembre 2000 qui fixent à 12 MW la puissance maximale des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat ? Très simple : EDF EN, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, découpe ses installations PV en tranches de 12 MW qui sont ensuite portées par différentes sociétés de projets, les SAS Centrale photovoltaïque de Crucey 1, 2, 3 et 4 en l’occurrence pour ce projet qui ont été créées en juillet 2010, encore une fois, bien avant qu’EDF EN ne soit désignée lauréat de cette consultation. EDF EN fait ensuite bien attention à respecter une distance de 500 m entre 2 installations de 12 MW d’une même société de portage de façon à respecter l’article 10 de la Loi du 10 février 2000 qui stipule que « … deux machines électrogènes … exploitées par une même personne ou par les sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, ne peuvent être considérées comme situées sur deux sites distincts si la distance qui les sépare est inférieure à une distance minimale fixée par décret. », en occurrence 500 m pour le PV (article 6 du Décret 10 mai 2001). L’Etat voyou, c’est celui qui accepte sans rien dire que les sociétés qu’il contrôle, en l’occurrence EDF EN dans ce cas, agissent de la sorte et détournent ouvertement l’esprit de la Loi pendant que les PME du secteur du photovoltaïque, qui elles la respectent, meurent à petit feu ! Quant au CG28, il organise cette consultation pipée pour faire bonne figure mais ne fonctionne en réalité qu’au clientélisme ! Pour ceux que ça intéresse, c’est le même bousin à Toul-Rosières mais en plus gros (115 MW).
Je souhaite compléter l’analyse intéressante de Propv. En préambule, je ne suis pas lié d’une quelconque manière à EDF EN ou EDF ou leurs intérêts. Je ne suis qu’un petit acteur du monde des EnR qui souhaite apporter mon point de vue sur les points 2 et 5 du post de Propv : 2/ Sur les demandes de raccordement auprès de RTE : je lis souvent les commentaires d’acteurs s’offusquant d’une connivence EDF EN/RTE sur ce sujet. Si je comprends que la procédure plutôt réservée aux installations de forte puissance puisse être inconnue d’acteurs oeuvrant sur des projets de faible puissance, la possibilité de demande de raccordement auprès de RTE n’a rien de nouveau, et est tout à fait connue et utilisée depuis de nombreuses années par les acteurs de l’éolien (dont font partie EDF EN) habitués à travailler sur ces gammes de puissance. Il me semble qu’en l’espèce il faille plus chercher la cause de ce débat du côté du manque de connaissance des procédures de raccordement des petits opérateurs. 5/ Sur la distance de 500m : S’il est vrai qu’on peut interpréter l’attitude d’EDF EN comme détournant l’esprit de la loi, là encore ce n’est pas une pratique exclusive, et de nombreux acteurs fonctionnent de la même manière, sur le solaire, ou par le passé dans l’éolien avec l’ancienne limite de 12MW par unité de production d’avant les ZDE (avec une distance différente dans ce cas). Je ne vois pas ici de passe-droit, simplement une exploitation des limites de cette réglementation. Il n’en reste pas moins que les autres points que vous développez interrogent, d’autant que ce n’est apparement pas une première pour l’acteur en question.
On raconte dans le petit milieu des gens bien informés dans le photovoltaïque, qu’à l’époque du moratoire, la directrice éxécutive d’EDF EN, ayant été informée quelques jours avant la parution du décret de la date butoire du paiement des PTF, a pris un avion privé pour aller dans toutes les directions régionales d’ERDF pour faire signer ses PTF !
Et EDF EN est le principal contributeur de la CSPE solaire…. Du coup quand on entend EDF se plaindre de la dette CSPE qu’on lui impose, il y a une certaine schisophrénie intéressante dans ce groupe ! Il est URGENT de sortir la CSPE du giron d’EDF et de la confier à la CRE ou à un autre organisme pour éviter ces dérives. En plus EDF sera content de ne plus voir le déficit se creuser chez lui. Au passage on peut effacer la partie CSPE qui vient d’EDF EN, c’est à dire plus de la moitié !
Bizarre que la CSPe soit entièrement dans les mains d’EDF car je croyais que le grand redistributeur était la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) on en avait déjà parlé là : Comme le lien vers la CRE pour le schéma de recouvrement ne fonctionne plus, je le redonne :