La physique nucléaire repousse constamment les limites de notre compréhension de la matière. La création de nouveaux isotopes radioactifs permet d’approfondir nos connaissances sur la structure atomique et les propriétés des éléments lourds. Une équipe internationale vient de réaliser une prouesse scientifique majeure en synthétisant un nouvel isotope de plutonium, élargissant ainsi le champ des possibilités pour l’étude des noyaux atomiques.
Le plutonium-227 : une première mondiale
Une équipe de recherche, sous la direction de scientifiques de l’Institut de Physique Moderne (IMP) de l’Académie chinoise des sciences (CAS), a réussi à synthétiser un nouvel isotope de plutonium, le plutonium-227.
Le plutonium-227 représente le 39ème nouvel isotope découvert par l’IMP et marque une première pour les scientifiques chinois dans la synthèse d’un isotope de plutonium. Cette réalisation s’inscrit dans une démarche plus large visant à explorer les limites de la stabilité nucléaire et à approfondir la compréhension de l’évolution des structures en couches dans les noyaux atomiques lourds.
Les nombres magiques de protons et de neutrons, comme 2, 8, 20, 28, 50, 82 et 126, sont associés à des fermetures de couches nucléaires. Des analyses systématiques ont mis en évidence un affaiblissement persistant de la fermeture de la couche neutronique 126 jusqu’à l’uranium, suscitant un vif intérêt pour l’exploration de ce phénomène dans la région des éléments transuraniens.
Le professeur GAN Zaiguo de l’IMP a expliqué : «La présence de la fermeture de couche dans les isotopes du neptunium a été mise en évidence grâce à une série d’expériences. Cependant, l’absence de données expérimentales ne permet pas de déterminer la robustesse de cette fermeture dans les isotopes du plutonium.»
Une expérimentation de pointe menée en Chine
Pour explorer les isotopes inconnus du plutonium, les chercheurs de l’IMP et leurs collaborateurs ont mené leur expérience au séparateur de recul rempli de gaz, le Spectromètre pour les atomes lourds et la structure nucléaire, qui fait partie de l’Installation de recherche sur les ions lourds de Lanzhou (HIRFL) en Chine.
La synthèse du plutonium-227, un isotope de plutonium très déficient en neutrons, a été réalisée pour la première fois grâce à une réaction de fusion-évaporation. Cette technique de pointe en physique nucléaire permet de créer des noyaux exotiques en fusionnant des noyaux plus légers.
À partir des neuf chaînes de désintégration observées, les chercheurs ont mesuré l’énergie des particules α et la demi-vie du plutonium-227. Dr. YANG Huabin de l’IMP, premier auteur de cette étude, a précisé : «L’énergie des particules α et la demi-vie du plutonium-227 ont été mesurées à environ 8191 keV et 0,78 s, respectivement. Ces données s’accordent bien avec la systématique des isotopes de plutonium connus.»
L’équipe de recherche prévoit d’étudier davantage d’isotopes du plutonium, dans le but d’acquérir une compréhension plus approfondie de l’évolution des couches dans cet élément. Dr. YANG a ajouté : «Le plutonium-227 nouvellement découvert est encore à sept neutrons du nombre magique 126. Pour étudier la robustesse de la fermeture de couche dans le plutonium, il est nécessaire de poursuivre les recherches sur des isotopes de plutonium encore plus légers, notamment du plutonium-221 au plutonium-226.»
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles investigations sur la structure nucléaire des éléments lourds et pourrait avoir des implications significatives pour notre compréhension de la physique des noyaux atomiques.
Légende illustration : La région de la carte nucléaire 87≤Z≤97 et 112≤N≤136 montre le nouvel isotope plutonium-227 (étoile rouge) et les 12 nucléides (étoile bleue) qui ont été découverts à l’IMP. Crédit : YANG Huabin
Article : « 𝛼 decay of the new isotope 227Pu« . Journal: Physical Review C | DOI: 10.1103/PhysRevC.110.044302