Une ressource renouvelable en quantités
Dans l’idéal, nous devrions déjà essayer de moins jeter, de recycler plus et de ne pas gaspiller. Mais les Français n’ont pas encore la discipline de leurs voisins allemands ou scandinaves, et l’économie circulaire [1] n’est pas pour demain. Pourtant, même dans l’industrie nucléaire il fut envisagé un temps de brûler des déchets : le surgénérateur Superphénix était conçu pour utiliser de l’uranium 238, en tant que matière fissible. Or l’uranium 238 est l’un des principaux déchets radioactifs produits par les réacteurs conventionnels actuellement en service. Cette solution aurait présenté l’avantage de réutiliser une ressource devenue malheureusement abondante : les déchets nucléaires. Le coût, la complexité [2] et les pressions des lobbys anti-nucléaires eurent raison du projet en dépit de ses qualités.
L’idée de réutiliser des déchets en tant que combustible n’est pas née avec l’industrie nucléaire, même si cette question s’y est posée rapidement de manière prégnante. Nettement moins dangereux à manipuler, mais malheureusement beaucoup plus abondants, les déchets ménagers sont également exploitables comme combustibles de centrales de production d’énergie. A Ivry-sur-Seine, au sein de la plus grande centrale d’incinération de France, ce ne sont pas moins de 700 000 tonnes d’ordures ménagères qui peuvent être brûlées par an. Une capacité unique en France que risque d’ailleurs de perdre la région parisienne pour des années si le SYCTOM, l’organisme exploitant la centrale, poursuit son projet actuel de destruction à des fins de reconstruction. Pour un coût estimé à un milliard et demi d’euros, ce projet risque paradoxalement de priver la région parisienne d’une importante capacité énergétique pour au moins cinq ans. Cette centrale, rénovée continuellement depuis dix ans pour plus de cent millions d’euros, fournit en effet chauffage et électricité pour environ 100 000 logements de l’agglomération parisienne. Aux portes de Paris, elle présente aussi le mérite de régler une partie de la question de volume de déchets ménagers en augmentation.
Un potentiel trop longtemps ignoré
Si le recyclage est une idée ancienne [3], les possibilités offertes par l’incinération des déchets sont pourtant une conception relativement récente. En 1999 un rapport [4] du Sénat précisait que « Contrairement aux allégations répétées, martelées, l’incinération est un système d’élimination des déchets. La valorisation énergétique n’est qu’une conséquence possible -souhaitable-, mais qui n’est pas systématique ». Depuis, les lois dites Grenelle de l’environnement 1 & 2 sont passées par là, et la valorisation est devenue plus que recommandée. La France accusait un certain retard jusqu’à la fin des années 1990, mais nous nous sommes rattrapés depuis : la quasi-totalité [5] des incinérateurs brûlant plus de 5 tonnes de déchets par jour sont équipés de tels systèmes de production d’énergie. Le même rapport du Sénat évalue à 6 ou 7 millions de tonne équivalent pétrole (tep) le potentiel énergétique annuel des déchets. En valorisant la moitié des déchets produits, nous pourrions couvrir 1% des besoins énergétiques de la France. Pas de quoi être autonome sur le compte des seuls déchets ménagers, mais suffisamment pour réaliser de substantielles économies, en se débarrassant de surcroit d’un problème de plus en plus préoccupant : l’accumulation des déchets et des décharges [6]. Les déchets ne seront pas le sésame de la transition énergétique, mais une partie de la solution, aux côtés de toutes les autres énergies renouvelables.
Les avantages de la cogénération
De façon évidente et intuitive, l’incinération des déchets produit de la chaleur. La question à laquelle la cogénération apporte une réponse est celle de l’utilisation de cette chaleur. Plutôt que la laisser partir en fumées, au sens propre (la filtration des fumées permet aujourd’hui d’éliminer plus de 99% des polluants des fumées) cette chaleur va permettre la production de vapeur, elle-même servant à alimenter les réseaux de chauffage ou faisant tourner un alternateur pour produire de l’électricité. La cogénération consiste à cumuler les deux systèmes [7] : « la cogénération est un système qui produit simultanément de l’énergie électrique et thermique ». Avantage de la formule, outre le côté « deux-en-un » : le rendement supérieur de la combinaison des deux énergies. La cogénération permet d’extraire plus d’énergies pour une même quantité de déchets brûlés que la seule production de vapeur ou d’électricité. La cogénération suppose simplement l’existence d’un débouché à proximité de l’unité de production, parce que la chaleur se transporte mal sur les longues distances. C’est pourquoi la cogénération est particulièrement adaptée dans le cas de centrales de format réduit, installées à proximité d’un bassin de besoin, villes ou zones industrielles. En s’installant à proximité des lieux de production de déchets, elle permet aussi de limiter les navettes de camions sur de longues distances.
« En exploitant son potentiel de récupération d’énergie des déchets, l’Europe pourrait alimenter 17 millions de ménages en électricité et 24 millions en chauffage », lit-on sur planète-énergies.com. Bien que la centrale d’Ivry dont il est question plus haut puisse brûler le total respectable de 700 000 tonnes par an, ce sont plus de 50 millions de tonnes [8] de déchets qui sont ramassés tous les ans par les collectivités locales. 70% de ces déchets sont combustibles. Dans l’idéal, il faudrait réduire ces quantités en éliminant le gaspillage, en favorisant le tri et le recyclage. Le développement de ces pratiques s’accélèrent mais nous sommes encore loin de pouvoir nous passer de l’incinération, qui de toute façon restera la destination de ce qui ne peut être ni recyclé, ni enterré.
[1] http://www.efficacite-electrique.fr/2013/01/economie-circulaire-dechet-efficacite-energetique/
[2] http://www.industrie-techno.com/superphenix-le-delicat-traitement-du-sodium.23188
[3] http://www.le-recyclage.com/Recyclage_Histoire/5/
[4] http://www.senat.fr/rap/o98-415/o98-41516.html
[5] http://cdurable.info/L-incineration-des-dechets-un-peu-plus-que-de-la-fumee.html
[6] http://cdurable.info/Var-des-dechets-toxiques-dans-la-nature.html
[7] http://www.cercle-recyclage.asso.fr/publi/vade/chap5/fiche65.htm
[8] http://www.uve-evolia.fr/evolia.asp?idpage=2
[ Archive ] – Cet article a été écrit par T. Arnaud