La séparation des mélanges de molécules pose des défis complexes dans l’industrie chimique, avec des impacts écologiques et économiques significatifs. Les membranes de nanofiltration représentent une alternative prometteuse pour réduire l’empreinte carbone, mais leur adoption nécessite une évaluation précise et coûteuse. Comment peut-on accélérer ce processus de sélection technologique pour rendre les séparations chimiques plus efficaces et durables ?
La séparation et la purification des mélanges de molécules étroitement liées sont des processus qui consomment énormément d’énergie dans l’industrie chimique. Ils contribuent de manière significative à leur empreinte carbone mondiale. Les protocoles de séparation industrielle traditionnels pourraient être remplacés par des membranes de nanofiltration qui sont plus efficaces énergétiquement, mais leur test pour chaque cas d’usage industriel est lent et coûteux.
Des chercheurs de KAUST ont développé un outil computationnel qui permet de comparer les technologies de séparation pour un mélange chimique donné. Cet outil prédit la technologie la plus efficace et la moins coûteuse pour la tâche. «Nous pouvons prédire la séparation de millions de molécules pertinentes dans des industries comme les produits pharmaceutiques, les pesticides et les pigments,» a commenté Gyorgy Szekely, qui a dirigé la recherche.
Les membranes de nanofiltration disponibles sur le marché peuvent réduire considérablement les coûts énergétiques des séparations chimiques par rapport aux méthodes traditionnelles basées sur la chaleur comme l’évaporation et la distillation. Cependant, leur efficacité dépend du type de mélange chimique. «Prédire la performance de séparation des membranes pour différents mélanges chimiques est un défi notoirement difficile,» souligne le scientifique.
Modélisation hybride et apprentissage automatique
Pour créer leur outil de sélection de technologie de séparation chimique, le groupe de chercheurs ont rassemblé près de 10 000 mesures de nanofiltration provenant de la littérature scientifique, se concentrant sur les membranes disponibles commercialement. Ils ont utilisé l’apprentissage automatique pour analyser ces données, créant ainsi un modèle d’IA capable de prédire la performance de la nanofiltration pour des mélanges chimiques non testés. Cette information est ensuite combinée avec des modèles mécaniques pour estimer les exigences énergétiques et de coût d’une séparation chimique si elle était réalisée par nanofiltration, évaporation ou extraction.
«Notre approche de modélisation hybride nous permet d’évaluer des millions d’options de séparation potentielles pour identifier la technologie la plus adaptée et énergétiquement efficace pour chaque tâche de séparation chimique,» a affirmé pour sa part Gergo Ignacz, membre de l’équipe de Gyorgy Szekely. «Cela permettra à l’industrie de prendre des décisions plus éclairées qui réduisent significativement les coûts d’exploitation, la consommation d’énergie et les émissions de carbone.»
Un impact environnemental
La puissance prédictive du modèle hybride a été validée expérimentalement à travers trois études de cas pertinentes pour l’industrie. «Nous avons trouvé un excellent accord entre les valeurs prédites par notre modèle et les valeurs mesurées pour ces processus,» a mentionné Gyorgy Szekely. Les chercheurs ont démontré que les émissions de dioxyde de carbone des purifications pharmaceutiques pourraient être réduites jusqu’à 90% en choisissant la technologie la plus efficace. Globalement, ils estiment que la consommation d’énergie et les émissions de dioxyde de carbone des séparations industrielles pourraient être réduites en moyenne de 40% grâce à cette méthode.
Une découverte surprenante est la différence marquée entre la meilleure méthode et les deux autres pour chaque séparation donnée. «Pour la plupart des cas, la nanofiltration, l’évaporation ou l’extraction s’est imposée comme un gagnant clair, avec une méthode surperformante significativement les autres sur les critères économiques et énergétiques, laissant peu de terrain d’entente,» a détaillé Gergo Ignacz.
Bien que la capacité prédictive du modèle se soit révélée élevée, il y a encore place pour des améliorations et des validations supplémentaires, selon Gyorgy Szekely. «Nos outils sont disponibles en accès libre via la base de données OSN à www.osndatabase.com, et nous encourageons la communauté à les utiliser,» a-t-il conclu.
Légende illustration : Les chercheurs de KAUST ont développé un outil d’apprentissage automatique, utilisant près de 10 000 mesures de nanofiltration, pour prédire la technologie de séparation la plus efficace et la plus rentable pour les mélanges chimiques. 2025 KAUST.
Article : Ignacz, G., Beke, A.K., Toth, V. & Szekely, G. « A hybrid modelling approach to compare chemical separation technologies in terms of energy consumption and carbon dioxide emissions. » Nature Energy (2024)