La transition énergétique violente en Inde : une analyse approfondie

Les transitions énergétiques violentes en Inde : une analyse approfondie

L’Inde, une puissance économique en plein essor, se trouve à la croisée des chemins. Cet article explore les tensions et les contradictions inhérentes à la transition énergétique de l’Inde, en mettant l’accent sur les violences d’État et les expropriations de terres qui accompagnent souvent l’expansion des infrastructures énergétiques.

Le dilemme de l’Inde : entre émissions de CO2 et croissance économique

Il y a 14 ans, la police a été déployée pour empêcher les villageois de manifester contre une centrale électrique sur les zones humides côtières en Inde. Les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les manifestants, tuant trois personnes et en blessant des centaines. Deux ans plus tard, à l’autre bout du pays, un moine bouddhiste a été tué en résistant à la construction d’un projet de barrage hydroélectrique.

Ce ne sont que quelques exemples de la violence d’État dans la guerre du charbon en Inde, un pays qui s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2070, mais qui dépend également fortement du charbon pour alimenter son économie.

Les “transitions violentes” : une étude de Mukul Kumar

Mukul Kumar, professeur adjoint d’urbanisme et de politique publique, étudie cette contradiction. Il a récemment publié un article dans Climate and Development, analysant ce qu’il appelle les «transitions violentes», qui se réfèrent à la manière dont l’expansion des infrastructures énergétiques à base de combustibles fossiles et à faible émission de carbone repose souvent sur une violence d’État directe pour faciliter l’acquisition de terres.

Dans son article, «Transitions violentes : vers une écologie politique du charbon et de l’hydroélectricité en Inde», Mukul Kumar examine 121 projets de charbon et d’hydroélectricité en Inde et soutient que les transitions énergétiques vers le charbon et l’hydroélectricité sont caractérisées par une violence d’État significative.

La production de charbon et infrastructures à faible émission de carbone

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a déclaré que toute production de charbon doit être éliminée d’ici 2050 pour éviter des niveaux dangereux de réchauffement climatique. Pourtant, l’Inde est en pleine transition vers une augmentation de la production de charbon, souligne Mukul Kumar.

« La production de charbon alimente 70% de la capacité de production d’électricité du pays », dit-il. « En même temps, le pays est également prêt à étendre les infrastructures à faible émission de carbone de manière inédite de 500 GW d’ici 2030. Le gouvernement indien offre des incitations financières substantielles pour développer les barrages hydroélectriques afin d’accélérer la transition énergétique ‘verte’ de l’Inde. »

Les défis de la justice transitionnelle

Les travaux de Kumar analysent les recommandations du Comité interministériel sur la justice transitionnelle pour former une force de travail sur la justice transitionnelle avec des représentants des industries, des gouvernements d’État et régionaux, et des communautés touchées. Cependant, il dit que « les formes de violence d’État, comme la violence policière et les arrestations, excluent souvent une participation démocratique et significative aux politiques énergétiques en Inde. »

Si les politiques de transition énergétique ne parviennent pas à prendre en compte les injustices historiques de la violence d’État et de l’expropriation de terres dans le contexte des transitions énergétiques à base de combustibles fossiles et à faible émission de carbone, les transitions énergétiques du 21e siècle risquent de reproduire les anciens modèles de développement extractif qui ne sont ni durables ni justes, prévient Mukul Kumar.

Appel à une réparation et une reconnaissance des violences d’État

L’article de M. Kumar fournit des données permettant d’alimenter les débats sur la politique énergétique et les études en Inde. S’appuyant sur une analyse politico-écologique de 64 projets de charbon et de 57 projets hydroélectriques en Inde, tirée de l’Environmental Justice Atlas, il constate que 51,5 % des projets de charbon et 40,3 % des projets hydroélectriques ont donné lieu à des mobilisations de masse, à des arrestations et à des violences.

Mukul Kumar exhorte les décideurs politiques et les chercheurs en matière d’énergie à « réparer et à redresser, plutôt qu’à désavouer » le rôle de la violence d’État dans les transitions énergétiques de l’Inde. « Pour que les transitions énergétiques soient véritablement justes, les histoires de violence d’État dans les industries à base de combustibles fossiles et à faible émission de carbone doivent être reconnues et réparées plutôt que désavouées », note-t-il.

« En l’absence de politiques visant à réparer les violences passées et à tenir les policiers responsables de la criminalisation du droit à la dissidence, les politiques de transition juste risquent de servir d’arène supplémentaire pour légitimer l’expropriation des terres et des moyens de subsistance des communautés autochtones et de première ligne, » conclut Mukul Kumar.

Légende illustration : Vue d’une centrale électrique à Maharashtra, en Inde.

[ Rédaction ]

            

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