Malgré les efforts déployés pour réduire les émissions de CO2 grâce aux véhicules électriques et hybrides, d’autres formes de transport continuent de contribuer de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre. Pour remédier à ce problème, d’anciennes technologies sont remaniées pour les rendre plus écologiques, comme la réintroduction des voiliers dans le transport maritime et les nouvelles utilisations de l’hydrogène dans l’aviation. Aujourd’hui, des chercheurs ont utilisé la modélisation informatique pour étudier la faisabilité et les défis d’une aviation alimentée à l’hydrogène.
« Bien qu’il reste un long chemin à parcourir pour que l’aviation à hydrogène soit réalisée à grande échelle, nous espérons que notre analyse de la conception des systèmes embarqués et de l’infrastructure habilitante servira à hiérarchiser les efforts de développement », déclare Dharik Mallapragada, l’un des coauteurs de l’étude.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, les émissions de CO2 liées à l’énergie de l’industrie aéronautique ont augmenté plus rapidement que celles du rail, de la route et du transport maritime au cours des dernières décennies. Pour réduire les effets potentiels de cette croissance sur le climat, les scientifiques améliorent la conception et l’exploitation des avions et développent des carburants à faibles émissions tels que l’hydrogène, qui est utilisé pour la combustion directe ou pour alimenter les piles à combustible électriques. L’intérêt de l’hydrogène en tant que source de carburant réside dans le fait que son utilisation ne produit pas de CO2 et qu’il fournit plus d’énergie par livre que le kérosène.
Pour comprendre l’impact potentiel du passage du kérosène traditionnel à l’hydrogène dans l’aviation, Anna Cybulsky, Mallapragada et leurs collègues ont modélisé son utilisation dans l’électrification des avions à turbopropulseurs régionaux et à courte portée.
Les chercheurs ont calculé que l’encombrement supplémentaire d’un réservoir d’hydrogène et de piles à combustible installés sur un avion existant devrait être compensé par des réductions de poids ailleurs, par exemple en réduisant la charge utile de l’avion (fret ou passagers). Cela pourrait signifier qu’il faudrait plus de vols pour transporter la même charge utile. Le modèle de l’équipe suggère toutefois que les améliorations apportées à la puissance des piles à combustible et à l’indice gravimétrique du système de carburant (le poids du carburant par rapport au poids du réservoir plein) pourraient éliminer la nécessité de réduire la charge utile, éliminant ainsi l’impact environnemental des vols supplémentaires. Dans le même temps, ils ont noté que le passage au vol à l’hydrogène pourrait réduire les émissions de CO2 de l’industrie aéronautique jusqu’à 90 %.
Un défi plus important que celui de changer de type de carburant pour l’aviation pourrait être de fournir l’infrastructure nécessaire pour produire et distribuer l’hydrogène d’une manière rentable et à faible émission de carbone. Une méthode de production à faible teneur en carbone utilise le reformage du gaz naturel (extraction de l’hydrogène à partir du méthane) associé au piégeage du carbone, mais elle nécessite l’accès à des infrastructures et à des sites de séquestration du CO2. L’électrolyse, qui sépare l’eau en hydrogène et en oxygène, est une autre option écologique qui pourrait être réalisée en utilisant de l’électricité provenant d’une centrale nucléaire ou de ressources renouvelables. Mais cela entraînerait une demande importante pour les réseaux électriques.
Anna Cybulsky et ses collègues ont fait remarquer que, comme les prix de l’électricité peuvent être très variables d’une région à l’autre, il peut être plus rentable de transporter l’hydrogène d’une installation de production peu coûteuse jusqu’aux utilisateurs finaux.
Pour ces raisons, les chercheurs suggèrent que le déploiement de l’aviation à base d’hydrogène pourrait commencer dans des endroits où les conditions sont favorables à la production d’hydrogène, comme à Hambourg, en Allemagne, ou à Barcelone, en Espagne. L’infrastructure nécessaire pour soutenir l’utilisation de l’hydrogène dans l’aviation profiterait également aux efforts de décarbonation dans d’autres secteurs, notamment le transport routier et maritime, en rendant le carburant hydrogène plus disponible.
Légende illustration : Les vols à l’hydrogène pourraient contribuer à réduire les émissions croissantes de CO2 de l’industrie aéronautique.
Les auteurs remercient le Massachusetts Institute of Technology Energy Initiative Low-Carbon Energy Centers for Energy Storage and Future Energy Systems Center pour son financement.
Article : « Challenges of Decarbonizing Aviation via Hydrogen Propulsion: Technology Performance Targets and Energy System Trade-Offs » – DOI: 10.1021/acssuschemeng.4c02868