L’aéroport de Toulouse-Blagnac s’apprête à changer de visage en lançant un projet de centrale photovoltaïque de 56 mégawatts-crête (MWc), l’un des plus ambitieux sur une plateforme aéroportuaire en France. Cette initiative, portée par une nouvelle entité nommée ATB Power, vise à transformer de vastes terrains inexploités en une source d’énergie renouvelable au service de la région Occitanie.
Dans un secteur aérien en pleine introspection sur son empreinte carbone, l’annonce de l’aéroport Toulouse-Blagnac (ATB) marque une étape significative. Déjà premier producteur d’énergie solaire de la métropole toulousaine grâce à ses ombrières de parking, l’aéroport franchit un nouveau cap. En s’associant à Sun’R, filiale du groupe Eiffage spécialisée dans le solaire, et à l’Agence Régionale Énergie Climat (AREC) d’Occitanie, ATB ne se contente plus de réduire sa propre consommation ; il ambitionne de devenir un producteur d’énergie à grande échelle, renforçant ainsi la souveraineté énergétique locale.
Un gisement foncier inattendu au cœur du paradoxe écologique
Le projet repose sur la valorisation de ce que le jargon technique nomme les « délaissés aéronautiques ». Il s’agit de vastes parcelles de terrain situées à l’intérieur du périmètre de l’aéroport, souvent entre les pistes et les voies de circulation (taxiways), qui sont inconstructibles pour des raisons de sécurité et de servitudes aéronautiques. Ces espaces, jusqu’ici stériles d’un point de vue économique, représentent un gisement foncier idéal pour le déploiement de panneaux solaires à grande échelle. L’initiative toulousaine s’inscrit dans une tendance de fond où les grandes infrastructures de transport, paradoxalement sources de pollution, cherchent à mettre à profit leurs emprises foncières pour contribuer à la transition énergétique.
La future centrale, d’une puissance cible de 56 MWc, sera installée « côté piste », c’est-à-dire dans la zone d’accès réglementé et hautement sécurisée. L’énergie produite aura vocation à être injectée dans le réseau public, contribuant directement aux objectifs de la Région Occitanie, qui vise à devenir une « Région à Énergie Positive » (REPOS).
De la théorie à la pratique : le démonstrateur comme banc d’essai
Installer une ferme solaire au plus près des aéronefs n’est pas une mince affaire. Les contraintes techniques et sécuritaires sont drastiques. C’est pourquoi le projet débutera par une phase pilote, avec la construction d’un « démonstrateur » de 1 MWc dès ce mois de novembre. Implanté « côté ville », donc hors de la zone la plus sensible, ce premier parc servira de laboratoire à ciel ouvert. L’objectif est de valider l’ensemble des protocoles avant le déploiement à grande échelle. Plusieurs défis majeurs doivent être relevés :
La gestion de l’éblouissement : Les panneaux doivent être traités avec des revêtements anti-reflets et orientés de manière à ne générer aucun risque de réverbération pour les pilotes en phase d’approche ou de décollage.
La sécurité des opérations : Les équipes d’ATB Power devront être spécifiquement formées pour intervenir dans un environnement où la coactivité avec les mouvements d’avions est permanente. L’accès, la maintenance et les chantiers obéiront à des règles strictes.
La mise en service de ce démonstrateur est prévue pour septembre 2026 et conditionnera le lancement des travaux de la centrale principale, dont les différentes tranches s’échelonneront entre 2027 et 2029.
Une gouvernance tripartite pour un projet de territoire
La complexité du projet a nécessité la création d’une structure ad hoc, la société ATB Power. Cette co-entreprise symbolise une alliance stratégique entre trois acteurs aux compétences complémentaires. L’aéroport Toulouse-Blagnac apporte le foncier et sa connaissance de l’environnement aéroportuaire.
Sun’R, fort de l’expertise du groupe Eiffage, amène son savoir-faire industriel dans la conception, la construction et l’exploitation de grandes centrales solaires. Enfin, l’AREC Occitanie, bras armé de la Région, garantit l’ancrage territorial du projet et son alignement avec les politiques publiques.
« Pour l’Agence Régionale Energie Climat Occitanie, contribuer à la concrétisation de ce projet est une réussite », précise son président, Christian Assaf. « En conjuguant nos talents, nous réalisons un projet innovant, favorable à la sobriété et la souveraineté énergétique de notre territoire. »
Cette vision est partagée par Chloé Clair, présidente de Sun’R, qui y voit une illustration de l’engagement de son groupe « aux côtés des acteurs locaux : partager la valeur créée sur le territoire et construire ensemble la gouvernance du projet. »
Pour l’aéroport, l’opération est doublement bénéfique, comme le souligne Marie Sauvage, présidente d’ATB Power : « C’est une opération ‘gagnant-gagnant’ : pour l’aéroport, qui accélère dans sa transition énergétique et pour les entreprises et les habitants de la région qui bénéficient d’une source d’énergie durable et locale. » Avec une exploitation en vitesse de croisière prévue pour 2030, Toulouse-Blagnac ne sera plus seulement une porte d’entrée vers le ciel, mais aussi une source d’énergie pour la terre.
Calendrier prévisionnel
2025 : constitution du groupement avec ATB, la HoldCo Sun’Arec et création d’ATB Power
Novembre 2025 : démarrage des travaux du démonstrateur (1 MWc)
Septembre 2026 : mise en service du démonstrateur
2027 – 2029 : réalisation progressive de la centrale photovoltaïque de 56 MWc côté piste
2030 : exploitation en vitesse de croisière
Source : Sun’r











