La région Bretagne regorge de ressources organiques naturelles ou issues des industries de production. Ces ressources, aussi nommées biomasses, trouvent des terrains de valorisation insoupçonnés. Biotech Santé Bretagne a organisé avec succès la première édition de Connect’Biomasses, qui a réuni plus de 100 participants lors de cette rencontre entre producteurs de biomasse et transformateurs en quête de matières premières durables. Des coproduits issus de l’agriculture aux ressources issues de la pêche, la Bretagne transforme ses déchets en opportunités industrielles. Exemples concrets.
Même si les filières ne sont pas toutes mises en place, les biomasses sont très prisées et de plus en plus recherchées, notamment pour répondre à la demande croissante en énergies renouvelables par l’intermédiaire de chaufferies ou de méthaniseurs. Cependant, pour éviter les conflits d’usage, la valorisation des biomasses doit respecter le principe de hiérarchisation, priorisant successivement cinq axes : l’alimentation, le retour au sol, la valorisation de la matière, la chimie, et enfin l’énergie. La première édition de Connect’Biomasses illustre cette ambition collective : faire de la Bretagne un modèle européen d’économie circulaire, où chaque ressource est utilisée à son meilleur potentiel et devient un levier d’innovation, de durabilité et de compétitivité.
Biotech Santé Bretagne, centre d’innovation technologique dédié aux filières de la santé et des biotechnologies en région Bretagne, joue un rôle central dans cette exploitation des biomasses et notamment pour les ressources marines, la Bretagne étant la première région française pour les biotechnologies marines.
« La Bretagne dispose d’un potentiel exceptionnel en biomasses marines, mais aussi terrestres. Notre rôle est de favoriser les synergies entre les acteurs pour que rien ne se perde, et que chaque coproduit devienne une ressource. » explique Stéphane Tarrade chargé de projets « Transformation des biomasses » chez Biotech Santé Bretagne.
Transformation de la moule en matériau isolant biosourcé
Bysco exploite les byssus de moules, filaments qu’elles produisent naturellement pour s’accrocher aux rochers et pieux de culture. Jusqu’ici considérés comme déchets mytilicoles, Bysco les récupère pour concevoir des non-tissés techniques entièrement recyclables, car composés de 80 % à 95 % de cette matière biosourcée. Collectés à Cancale, l’entreprise les transforme en rouleaux isolants ou panneaux légers pour isoler camping-cars et bâtiments. Avec une ressource valorisable nationale estimée à environ 4500 tonnes/an, l’entreprise a levé 300 000 € en début d’année et finalise une deuxième levée de fonds de 700 000 € pour lancer l’industrialisation de sa production en Ille-et-Vilaine. Elle vise le recyclage de 100 tonnes de byssus par an.
Coproduits de coquilles Saint-Jacques transformés en peinture extérieure et en biocides
Algo Paint, pionnière française dans la peinture biosourcée à base d’algues, vient de lancer une nouvelle gamme de peinture d’extérieur conçue à partir de coquilles Saint-Jacques. Elle apporte blancheur et bon pouvoir couvrant ainsi qu’une bonne résistance aux UV. Autre originalité, pour sa teinte anthracite, l’entreprise a intégré des coquilles de moules issues de filières bretonnes pour obtenir une pigmentation naturelle et minérale.
Chaque année, plus de 60 000 tonnes de coquilles Saint-Jacques sont débarquées en baie de Saint-Brieuc. Si la noix est valorisée, une grande part de la ressource reste sous-exploitée. Porté par l’IUT de Saint-Brieuc et financé par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), le projet de recherche JACADIT a mis au point un protocole d’extraction douce et de criblage de molécules antibiofilm. Testés sur des souches de bactéries Listeria et Pseudomonas, certains extraits peuvent devenir une alternative naturelle aux biocides chimiques et ouvrent la voie à de futures applications dans l’industrie agroalimentaire et dans la fabrication de produits d’entretien écoconçus.
Les algues, ressources aux multiples applications
Grâce à ses 2700 kilomètres de côtes baignées par des eaux tempérées et préservées, la Bretagne est le premier producteur d’algues en Europe et le dixième au monde (près de 65 000 tonnes cueillies par an). Avec plus de 800 variétés poussant dans ses eaux, le potentiel d’actifs est riche et bien souvent encore méconnu. Pour le développer, Biotech Santé Bretagne a intégré le projet de recherche BIOCHAINS Atlantic du programme européen Interreg Atlantic Area. Démarré en octobre dernier, son objectif est d’organiser et optimiser la chaîne de valeur algale depuis la récolte jusqu’à la commercialisation pour développer des innovations à destination des secteurs alimentaires et cosmétiques.
De nombreux actifs à base d’algues bretonnes sont déjà exploités. Spécialiste des ingrédients cosmétiques issus de biomasses locales, Odycea basée à Lannion, dans les Côtes-d’Armor, a récemment mis au point OPAL ALGA GW™. Issu de la Cystoseira tamariscifolia, algue marine endémique sur les côtes bretonnes, cet actif lutte contre les effets du vieillissement cutané et les signes de fatigue grâce à une étonnante réponse de l’algue aux variations de lumière induites par les marées.
De son côté, Abyss ingredients, biotech bretonne experte en ingrédients naturels marins pour la nutraceutique, avance sur son projet Alg4health (Programme France 2030) dédié à l’amélioration des performances cognitives à partir d’une variété de macro-algue. Elle dispose déjà de prototypes, dont un qui sera communicable à ses clients en 2026.
Algaia, implantée à Lannilis (Finistère), accélère sa montée en puissance dans la filière des biostimulants à base d’algues brunes. Un nouveau bâtiment va lui permettre de multiplier par 5 l’extraction sous forme liquide des sucres de l’algue brune, utilisés comme stimulants des plantes. Elle valorise déjà les sucres complexes pour produire des alginates utilisés comme gélifiants ou texturants naturels et dans une logique d’économie circulaire, elle optimise la réutilisation de ses coproduits. Le substrat d’algues, résidu après extraction, est au cœur de son projet de R&D pour l’alimentation animale, en fertilisation ou comme biomatériau pour le bâtiment. Une approche de bioraffinerie intégrale qui permet de réduire ses déchets et de diversifier ses débouchés.
Déchets de pomme, colza, betterave et œufs pour la cosmétique et l’agriculture
Extr’Apple intensifie la valorisation de la biomasse cidricole et lance une huile de pépins de pomme issue de coproduits cidricoles pour le secteur cosmétique. Cette innovation s’inscrit aussi dans une logique de circuit court : avec marc et pépins collectés auprès de la filière cidricole bretonne. Revendiquant un profil riche en acides gras, en vitamine E et un toucher léger, l’huile est adaptée aux soins visage, corps et cheveux et est proposée aux marques et formulateurs de la « clean-beauty ».

Issue des recherches universitaires de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Rennes, SurfactGreen développe des tensioactifs d’origine végétale issus de biomasse de betteraves et de colza, pour remplacer les agents de surface pétrochimiques. Ce rare acteur français de la chimie végétale, détenteur d’une quinzaine de brevets internationaux, vise le soin capillaire et cosmétique avec sa gamme CosmeGreen® et les émulsions bitumineuses pour la construction routière avec EmulGreen™ RB.
Spécialisé dans la valorisation de biomasses sous-valorisées pour la nutrition des plantes, AgWI dispose de trois brevets dont un engrais fabriqué à partir de phosphore recyclé. Récupéré dans les eaux usées de stations d’épurations communales ou les rejets d’industries de l’agroalimentaire, il est enrichi d’extraits d’autres plantes. La commercialisation a commencé auprès de coopératives et sociétés de négoces pour les agriculteurs. La start-up travaille aussi à la valorisation des coquilles et membranes d’œufs issus de l’agroalimentaire, en solution de fertilisation et biostimulation agricole.
Coquilles d’œufs et plumes revalorisées
Terremo’Logic valorise chaque année 6 200 tonnes de coquilles d’œuf en les transformant en amendement calcaire naturel, une alternative locale et durable à la chaux, particulièrement adaptée aux sols acides bretons. Issues des casseries, les coquilles sont stérilisées, séparées de leurs membranes puis micronisées avant d’être commercialisées. Véritable boucle d’économie circulaire : du poulailler à la casserie, puis du champ… à nouveau au poulailler via les céréales produites. L’entreprise développe également des débouchés innovants, en intégrant les coquilles dans la fabrication de bioplastiques et de peintures, ouvrant de nouvelles perspectives dans les matériaux durables.

La start-up bretonne Circul’Egg vient de sécuriser son sourcing en coquilles d’œufs (environ 30 000 tonnes/an, soit près de 75 % du gisement français) grâce au soutien de cinq acteurs majeurs de la filière ovoproduits (Igreca, Les Œufs Geslin, Ovoteam, Œuf du Breil et Société Normande d’Ovoproduits). Ce partenariat, assorti d’un apport de 1,3 million d’euros, va lui permettre de tripler sa production et de transformer son site de Janzé en véritable outil industriel.
Pionnière dans la valorisation des coquilles d’œufs par séparation mécanique sans solvants de la coque et de la membrane organique, elle produit deux actifs : CARBIO™ (carbonate de calcium recyclé pour peintures, sols, composites) et REGGENERATE™ (riche en collagène, élastine, acide hyaluronique pour la nutraceutique, la cosmétique et l’agroalimentaire).
BCF Life Sciences, spécialiste breton de la valorisation de biomasse kératinique de plumes issues de la filière avicole, vient de déposer un deuxième brevet international pour sa technologie Leafamine®, un biostimulant 100 % naturel. Il protège un procédé unique d’extraction d’acides aminés libres à très forte concentration (82 %) favorisant la résilience végétale, la croissance racinaire et la réduction des intrants chimiques. Basée dans le Morbihan, la PME transforme aussi les plumes en ingrédients à haute valeur ajoutée pour la nutrition humaine, animale et végétale. En parallèle, un programme de sobriété hydrique est en cours sur le site breton pour réduire de 30 % la consommation d’eau d’ici 2026.
Source : Biotech Santé Bretagne











