Des chercheurs australiens et anglais ont mis au point une technique innovante pour fabriquer du silicium ultra-pur, préparant le terrain à la création d’ordinateurs quantiques puissants et à grande échelle. Cette nouvelle avancée pourrait permettre de surmonter un obstacle crucial au développement de l’informatique quantique en prolongeant la durée de la cohérence quantique, réputée pour sa fragilité.
Une technique innovante pour produire du silicium ultra-pur
La nouvelle technique consiste à implanter des qubits d’atomes de phosphore dans des cristaux de silicium pur et stable. Selon le professeur David Jamieson, co-superviseur du projet à l’Université de Melbourne, cette méthode pourrait étendre considérablement la durée de la cohérence quantique, permettant ainsi aux ordinateurs quantiques de résoudre en quelques heures ou minutes des problèmes qui prendraient des siècles aux ordinateurs conventionnels, même les plus puissants.
Le professeur Richard Curry, co-superviseur à l’Université de Manchester, souligne que le silicium ultra-pur permet la construction de dispositifs à qubits haute performance, un composant essentiel pour ouvrir la voie à des ordinateurs quantiques évolutifs. Il qualifie cette avancée de «brique» cruciale pour construire un ordinateur quantique à base de silicium, une étape déterminante vers une technologie potentiellement transformatrice pour l’humanité.
Le silicium, matériau clé pour les ordinateurs quantiques
Ravi Acharya, auteur principal de l’étude et boursier Cookson conjoint des universités de Manchester et de Melbourne, souligne que l’un des grands avantages de l’informatique quantique à base de puces de silicium est qu’elle utilise les mêmes techniques essentielles que celles employées pour fabriquer les puces des ordinateurs actuels. Les puces électroniques des ordinateurs de tous les jours contiennent des milliards de transistors, qui peuvent également être utilisés pour créer des qubits pour les dispositifs quantiques à base de silicium.
Le silicium, fabriqué à partir de sable de plage, est le matériau clé de l’industrie des technologies de l’information actuelle en raison de son abondance et de sa polyvalence en tant que semi-conducteur. Bien que le silicium naturel soit principalement composé de l’isotope souhaité, le silicium-28, il contient également environ 4,5 % de silicium-29. Ce dernier possède un neutron supplémentaire dans le noyau de chaque atome, agissant comme un minuscule aimant perturbateur qui détruit la cohérence quantique et crée des erreurs de calcul.
Vers des ordinateurs quantiques fiables et puissants
Les chercheurs ont dirigé un faisceau focalisé et à grande vitesse de silicium-28 pur sur une puce de silicium, de sorte que les atomes de silicium-28 remplacent progressivement les atomes de silicium-29 dans la puce, réduisant ainsi la proportion de silicium-29 de 4,5 % à deux parties par million (0,0002 %). Pour purifier le silicium à ce niveau, ils ont utilisé une machine standard, un implanteur d’ions, que l’on trouve dans n’importe quel laboratoire de fabrication de semi-conducteurs, réglée sur une configuration spécifique qu’ils ont conçue.
Dans des recherches publiées précédemment avec le Centre d’excellence ARC pour la technologie de calcul et de communication quantiques, l’Université de Melbourne a établi – et détient toujours – le record mondial de cohérence d’un qubit unique de 30 secondes en utilisant du silicium moins purifié. 30 secondes est un temps amplement suffisant pour effectuer des calculs quantiques complexes et sans erreur.
Selon le professeur Jamieson, les plus grands ordinateurs quantiques existants comptent plus de 1000 qubits, mais des erreurs se produisent en quelques millisecondes en raison de la perte de cohérence. Maintenant que les chercheurs peuvent produire du silicium-28 extrêmement pur, leur prochaine étape sera de démontrer qu’ils peuvent maintenir la cohérence quantique pour de nombreux qubits simultanément. Un ordinateur quantique fiable avec seulement 30 qubits dépasserait la puissance des superordinateurs actuels pour certaines applications.
Cette dernière étude a été soutenue par des subventions de recherche des gouvernements australien et britannique. La collaboration du professeur Jamieson avec l’Université de Manchester est soutenue par une bourse de visiteur Wolfson de la Royal Society.
Selon un rapport de 2020 du CSIRO australien, l’informatique quantique en Australie a le potentiel de créer 10 000 emplois et 2,5 milliards de dollars de revenus annuels d’ici 2040. «Nos recherches nous rapprochent considérablement de la réalisation de ce potentiel», conclut le professeur Jamieson.
Les co-auteurs (à gauche) Prof David Jamieson (Université de Melbourne) et (à droite) Dr Maddison Coke (Université de Manchester) inspectent le système de faisceau d’ions focalisés P-NAME à l’Université de Manchester utilisé pour le projet d’enrichissement du silicium. Crédit : University of Melbourne / University of Manchester
Article : « Highly 28Si enriched silicon by localised focused ion beam implantation » – DOI: 10.1038/s43246-024-00498-0