Le Web 2.0 tourne au vert dans la Silicon Valley

Tout a commencé en novembre 2004, lorsque l’éditeur de la Silicon Valley Tim O’Reilly a popularisé l’expression Web 2.0, inventée par son équipe, en organisant à San Francisco le premier Web 2.0 Summit.

Pendant trois jours, les participants à la conférence ont senti qu’une nouvelle phase de l’internet s’ouvrait, sans bien pouvoir la définir. Le buzz, si cher à la Silicon Valley, était lancé. Google venait juste de s’introduire en bourse, la bulle internet semblait absorbée : le moment idéal pour inventer un mot ombrelle, comme Web 2.0, pour caractériser un nouveau cycle technologique. Les utilisateurs adorent ces nouveaux services et affluent pour s’abonner par millions à des sites jusqu’alors inconnus, comme Facebook ou MySpace.

Ambiance bien différente au Web 2.0 Summit qui c’est tenu du 5 au 7 Novembre de cette année à San Francisco. D’abord, on y a très peu parlé de Web 2.0. Les grands acteurs du secteur, Google, MySpace, Facebook sont là, mais ils n’ont pas grand chose à dire, ou ils parlent d’autre chose. Google a envoyé Larry Brilliant, le patron de sa Fondation, pour évoquer les projets caritatifs de l’entreprise. On est loin de l’internet. L’ambiance est ambigüe et morose. Et cela s’explique autant par des raisons conjoncturelles que structurelles.

Du côté des raisons de conjoncture
: l’économie va très mal. Mary Meeker, économiste de Morgan Stanley spécialisée dans les nouvelles technologies, essaye d’être rassurante sur les perspectives 2009. Sans convaincre grand monde. John Doerr, l’emblématique patron du plus grand fond d’investissement de la valley, Kleiner Perkins, révèle au public les 11 conseils de temps de crise qu’il a délivré en privé quelques jours plus tôt à l’ensemble des start-ups de son portefeuille : licenciement et plan drastique d’économies sont au menu. Autre élément de conjoncture : le cycle d’innovation 2.0 s’épuise. On ne voit pas les nouveaux Facebook, MySpace et autre Google émerger. C’est le signe d’un sujet mature. Seule note d’excitation pour l’audience : l’élection, quelques jours plus tôt, de Barack Obama, et l’annonce de la nomination future d’un Chef Informatique des Etats-Unis. Le grand jeu dans les couloirs du sommet : trouver son nom. Julius Genachowski, fin connaisseur à la fois du web et de Washington, semble le plus crédible vu son rôle d’homme fort dans l’équipe de transition du nouveau Président. Bref, le Web 2.0 n’est décidément pas sur toutes les lèvres, et, au moins pour des raisons de retournement de conjoncture, ce Sommet pourrait bien être celui qui préfigure la fin d’un cycle.

Il y a aussi des raisons plus structurelles, et une nouvelle tendance lourde apparait. Celle du “Vert”. Car là semblent les vrais enjeux, notamment technologiques, et la Silicon Valley veut jouer un rôle de premier plan.

Le Vert est LE sujet dont il faut parler dans la région. Pas seulement pour sauver la planète…Ainsi, le patron de la Fondation Google rappelle que le deuxième poste de dépenses du géant des moteurs de recherche, après les salaires, est l’électricité qui sert à alimenter ses immenses centres de traitement de données. Les énergies alternatives ne sont donc pas une option pour Google, mais bien un levier critique pour son développement. D’ailleurs Google est très présent dans l’équipe de transition du nouveau Président. Eric Schmidt, son PDG, est membre de l’équipe. Et Sonal Shah, de la Fondation Google, est impliquée dans l’équipe pour suivre les questions d’énergies. John Doerr, le patron de Kleiner, passera l’essentiel de son temps de parole à la conférence à parler de politique énergétique. “C’est le challenge de notre génération” déclare celui qui a notamment financé Google et qui consacre désormais 50% des investissements de sa compagnie à des projets Verts.

Sont également présents les patrons de Tesla Motors, le constructeur de la première voiture de sport électrique, et de Better Place, qui ambitionne d’équiper toutes les villes de pompes pour recharger les voitures élèctriques. Mais la star du Sommet, c’est Al Gore. Il est invité pour conclure le Web 2.0 Summit, qui aurai décidément mieux fait de se rebaptiser Green 1.0 Summit ! Il n’annoncera pas grand chose, et jouera les modestes seulement quelques jours après l’élection de Barack Obama. Ovation debout pour l’homme qui a très largement contribué à l’évangélisation sur le sujet. Et dont le nom circule pour un poste important dans la prochaine administration. Sa rencontre, le 9 décembre, avec le Président élu laisse penser qu’il jouera effectivement un rôle fort, mais plutôt d’éminence grise. Ses connexions dans la Silicon Valley sont une bonne nouvelle pour la région, qui semble prête à abandonner sans autre forme de procès le Web 2.0 qu’elle a adoré pendant 4 ans, pour se dévouer corps et âmes aux technologies vertes. Et, pour la première fois, la Silicon Valley a bien l’intention de faire entendre sa voix à Washington. Voilà qui est très nouveau. La peinture web 2.0 pour les entrepreneurs de la valley va donc être remplacée par la peinture verte. Gageons que c’est peut être notre planète qui va y gagner.

Dominique Piotet, Président de l’Atelier BNP Paribas à San Francisco

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Etiennedorge

La Silicon Valley reste fidèle à ses valeurs technologiques, dans la mesure où le photovoltaïque reste et demeure avant tout du silicium; La même matière première utilisée pour fabriquer les processeurs des ordinateurs… Ce n’est pas une coïncidence…