Les nouveaux acteurs chinois du bâtiment bouleversent la donne

L’émergence de nouveaux acteurs chinois issus du secteur de la construction est aujourd’hui considérée comme l’un des drivers qui façonneront le monde du commerce dans les prochaines années.

Les groupes publics chinois ont rejoint, l’année dernière, le sommet des classements internationaux que dominaient, depuis 2010, les groupes privés chinois et ce au détriment des groupes français. Quelles sont les raisons de la réussite si subite des constructeurs chinois et comment expliquer l’importance des enjeux liés à leur arrivée sur le marché mondial ?

ALCIMED, société de conseil et d’aide à la décision, fait un point sur l’état d’avancement de ces acteurs et les enjeux qui leur sont associés.

L’émergence des acteurs chinois de la construction s’inscrit d’ores et déjà comme une tendance de fond majeure qui alimente la croissance des pays en voie de développement. Impactant lourdement la chaine de valeur de la construction, ces nouveaux champions de l’industrie influent également sur toutes les branches partageant des liens avec le secteur du bâtiment. Le secteur de la construction en Chine est si impressionnant, avec une croissance de chiffre d’affaire moyenne de 29% par an, qu’il est aujourd’hui considéré comme l’un des 5 piliers qui refaçonneront le monde du commerce des années à venir, associé à la course aux matières premières, l’émergence de conglomérats diversifiés globaux, la construction de marques globales pour les consommateurs, et la construction de partenariats pertinents et viables. D’ici 2020, la Chine sera le premier marché mondial de la construction, avec une part de 19,1 % du total selon les cabinets britanniques Global Construction Perspectives et Oxford Economics.

La percée dans les classements et le support de la Banque Centrale Chinoise (BCC)

Preuve de leur montée en puissance, le classement de référence des constructeurs « Top 225 global contractors » du magazine Engineering News Record place les groupes publics chinois aux 1ère, 3ème et 5ème places[1]. Le numéro 2 étant un acteur chinois privé, le n°4 Vinci, et le n°6 Bouygues. Néanmoins, cette insolente réussite soulève des interrogations au regard de la politique d’investissement massive de la BCC dans le secteur de la construction. En effet, elle n’a cessé depuis des années et jusqu’à l’arrêt progressif il y a quelques mois d’injecter des quantités impressionnantes de liquidités dans le système chinois de construction. Alors, pourquoi arrêter subitement le soutien d’une industrie si primordiale au pays ?

Un nouveau système économique : la consommation équilibrée tirée par la demande intérieure

Simplement parce que les fondamentaux sont aujourd’hui jugés suffisamment solides pour supporter le passage à un nouveau système économique. Le douzième et dernier plan quinquennal a pris pour objectif de faire passer la Chine d’une économie tirée par l’export et les infrastructures à une économie de consommation équilibrée axée sur la demande.

La demande intérieure doit devenir le moteur de la croissance et non plus être considérée comme secondaire. Pour ce faire, il est donc essentiel que les prix cessent de flamber pour s’aligner sur le pouvoir d’achat de la population.

Néanmoins, ceci n’est aujourd’hui possible qu’en raison de l’ancienne politique ayant construit le très solide passif chinois du secteur de la construction. Le développement de gros projets à l’intérieur du pays a offert aux hommes une formation sur mesure. La Chine a entre autres, fait construire 6 500 km de voies ferrées à grande vitesse sur son territoire ou encore le pont de la baie de Hangzhou qui détient le record du monde de longueur au-dessus de la mer.

Depuis la création de cette politique d’export en 1999, le rôle de l’Etat a évolué de facilitateur, en tant qu’assureur ou appui diplomatique en Afrique, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient d’où 90% des bons de commande sont issus, à un rôle de driver fournissant des prêts intéressants à des pays amis afin qu’ils commandent des chantiers de développement aux géants chinois du bâtiment. Ce travail a été entrepris principalement par des entreprises publiques chinoises, mais la participation du secteur privé et concurrentiel d’appel d’offres dans des projets à l’étranger a également été encouragée.

Au cours de la dernière décennie, le SAFE (State Administration of Foreign Exchange), le régulateur des changes, et le MOFCOM (Ministry of Commerce), le ministère du commerce, ont progressivement assoupli les contrôles de capitaux et légiféré pour permettre aux entrepreneurs chinois un accès plus facile aux marchés des changes et des capitaux. D’autres organismes gouvernementaux ont soutenu la démarche du SAFE pour faciliter le financement des filiales en dehors du territoire national. Depuis fin 2008, les entrepreneurs chinois ont eu accès à des prêts bancaires commerciaux nationaux pour les fusions transfrontalières et, depuis 2009, pour les acquisitions. Les entreprises chinoises pourraient même bientôt émettre des obligations libellées en dollars en Chine pour la première fois.

Cette politique publique, le faible coût du travail, ainsi que leur intégration verticale, ont construit les champions d’aujourd’hui capables d’assumer la transition vers un système économique plus occidental.

Le secteur de la construction, moteur de croissance pour l’industrie des matières premières

De plus, les secteurs corolaires comme celui de l’acier n’ont pas été oublié puisque la fusion de différents quartiers pour accélérer l’expansion de villes va certainement impacter les besoins en acier encore à la hausse. De même, de nouveaux projets et de nouvelles industries vont continuer d’émerger et de générer une demande encore plus forte pour la filière acier dans le pays. Au final, le résultat prévu est une demande qui pourrait, en 2020, excéder le milliard de tonnes d’acier. Seule ombre au tableau, la politique des années à venir quant à la limitation des ressources qui pourraient venir limiter l’usage de l’acier et par conséquent le développement du secteur du bâtiment.

L’export vers les pays matures conserve une place de choix pour préserver l’équilibre

Enfin, si le gouvernement qualifie cette nouvelle politique économique d’« équilibrée », c’est parce qu’il a choisi de ne pas éliminer le pan majeure de la construction hors des frontières chinoises. Les industriels se penchent désormais vers les pays matures pour équilibrer leur portefeuille. L’intérêt de ces derniers pour l’Afrique ou la Russie était connu, mais jusqu’ici ils n’étaient pas présents dans l’Union Européenne. Pour l’instant, leur activité y reste anecdotique : Roumanie, Hongrie ou Bulgarie. A noter cependant, l’exception Polonaise. Les Chinois s’intéressent depuis plusieurs années à ce pays, premier marché d’Europe de l’Est.

Or, alors que plusieurs projets communs sont en cours, les constructeurs européens s’inquiètent de l’accès des entreprises chinoises aux marchés publics européens dans des conditions qu’ils estiment intenables pour des groupes de l’UE. Pour illustrer le propos voici l’exemple d’un prêt de 825 ME accordé par la Banque européenne d’investissement au Fonds national des routes polonais. Deux des cinq lots de ce tronçon d’autoroute furent attribués à un consortium conduit par China Overseas Engineering Group, proposant des prix inférieurs de près de moitié aux montants prévus par les autorités. D’où une vive émotion chez les constructeurs européens, qui se demandent notamment si l’utilisation des subventions et prêts de l’UE garantit effectivement le respect de procédures équitables et transparentes avec le droit européen.

Pour l’instant, l’équilibre n’est encore qu’une vue de l’esprit et l’actuel ralentissement de la croissance en Chine pourrait avoir raison de cet objectif à court terme. Nul ne doute cependant que ces acteurs Chinois marqueront à long terme le monde du commerce de demain. La seule incertitude consiste en la route qu’ils se construiront pour y parvenir.

            

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chelya

Au final, le résultat prévu est une demande qui pourrait, en 2020, excéder le milliard de tonnes d’acier. Seule ombre au tableau, la politique des années à venir quant à la limitation des ressources qui pourraient venir limiter l’usage de l’acier et par conséquent le développement du secteur du bâtiment. Il faudrait peut être rappeler que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel… En ce moment il n’y a plus de demandes pour le charbon et l’acier en Chine, au bout d’un moment le principe de réalité veut qu’on doit arrêter de construire des méga-centres commerciaux vide et à l’abandon parce qu’il faut bien trouver l’argent quelque part…